Samuel Piette se présente devant La Presse décontracté, en civil. Il sort des coulisses du Centre Nutrilait, d’où émanent des chansons d’une liste de lecture qui inclut du Jean Leloup, du Louise Attaque et la pièce Ella, elle l’a, de France Gall. Une playlist arrangée par le coloré gardien de but Sebastian Breza, que l’on entend chanter au loin.

Lorsque Piette apprend que notre photographe Alain Roberge est prêt dès lors à croquer son portrait, il réarrange sa tignasse blonde.

Une légère discussion s’ensuit. Elle mène à l’une des plus grosses primeurs de notre carrière : Samuel Piette songe à se couper les cheveux.

En fait, la réflexion vient surtout de sa conjointe. « Sa mère est prof de coiffure », explique Piette, qui serait potentiellement ouvert à avoir les cheveux mi-longs. « C’est elle qui nous les coupait avant. Elle est allée souper chez elle pendant que je n’étais pas là. Je pense qu’elles ont parlé de ça. »

Le rendez-vous au salon est réservé pour le 16 mai. La décision se prendra à ce moment. Vous ne pourrez jamais accuser La Presse de ne pas aller au fond des choses.

D’aussi loin qu’on se souvienne, en tant que joueur professionnel, Piette porte les cheveux longs, jusqu’aux épaules, et attachés en chignon. Il faut remonter à son adolescence pour le voir les cheveux courts.

À une époque où une association avec l’équipe réserve de l’Impact était dans les cartes.

« Je pensais que j’avais commis une erreur »

C’était en 2009. Il avait 14 ans. Piette est allé rencontrer Philippe Eullaffroy, le futur premier directeur d’une Académie pas encore fondée, ainsi qu’Olivier Brett, adjoint avec la réserve.

L’Attak de Trois-Rivières servait à ce moment de club-école, et ses activités allaient sous peu être rapatriées à Montréal, à l’Académie, en 2010. L’entretien a lieu au stade Saputo, dans ce qui est aujourd’hui le bureau du propriétaire Joey Saputo.

Je me souviens qu’ils m’avaient posé la question : « Quel est ton rêve ? » Et je leur avais dit que pour moi, c’était de jouer en Europe.

Samuel Piette

Il le disait comme tout jeune joueur qui rêve de porter les couleurs du FC Barcelone. Mais il a senti que ça avait peut-être joué dans la décision de ne pas l’amener à l’Impact à ce moment. Il faut aussi noter que le canal de communication était déjà ouvert avec le FC Metz, en France, et il n’était pas loin de partir vivre l’aventure européenne de toute façon.

« Je me souviens, j’étais revenu chez nous et je pensais que j’avais commis une erreur de dire que je voulais jouer en Europe, et que je m’étais fermé les portes avec l’Attak de Trois-Rivières, et potentiellement avec l’Impact de Montréal. »

Coup de fil au collègue Olivier Brett, à notre retour à la maison.

« Je ne me souviens pas d’un ressentiment envers Sam, loin de là, nous dit notre confrère dans les médias. Mais les moyens étaient tellement modestes à l’époque. Notre feeling était que d’investir du temps dans Sam, s’il était pour partir anyway, ce n’était pas là qu’il fallait investir. […] C’était le far west de l’équipe réserve, il n’y avait pas vraiment de contrat, ça commençait. »

Même son de cloche pour Philippe Eullaffroy, que l’on contacte sur WhatsApp alors qu’il se trouve au Maroc avec ses jeunes du Dakar Sacré-Cœur, club du Sénégal.

« On aurait aimé avoir Sam avec nous pour démarrer cette aventure, parce qu’à l’époque, c’était sans doute le plus gros potentiel de la province, nous dit le sympathique Eullaffroy par message vocal, la connexion faisant défaut. […] Nous, on n’avait que notre bonne foi, nos paroles à lui offrir. On n’avait pas encore fait nos preuves à l’époque.

« On a été déçus de sa réponse, mais on l’a très bien comprise. C’était normal à l’époque qu’il continue son chemin qu’il avait déjà commencé vers l’Europe. Finalement, ce qui est extraordinaire, c’est qu’il est revenu dans la structure et dans la famille du CF Montréal quelques années plus tard. »

« Mon intérêt a grandi avec leur intérêt »

Samuel Piette vit l’expérience européenne en « trois étapes ». « Elles ont été complètement différentes, autant au niveau foot qu’humain », dit-il.

De 2009 à 2017, il passe du temps en France avec le FC Metz, en Allemagne avec Düsseldorf, et en Espagne avec Deportivo, Racing Ferrol et le CD Izarra. Les capsules ci-jointes vous permettent d’explorer ce parcours rempli d’anecdotes.

Il se démarque à la Gold Cup de 2017, aux États-Unis, avec le Canada. Il a alors 21 ans. Pendant le tournoi, il reçoit un texto d’Adam Braz, alors directeur technique de l’Impact, sur WhatsApp. Braz lui demande les coordonnées de son agent.

« Tout de suite, je savais un peu ce que ça voulait dire. »

Était-il surpris de cet intérêt ?

« Oui et non. Je voyais que j’étais capable de performer en équipe nationale, ça faisait plusieurs années que j’en faisais partie. Moi, je ne cherchais pas à revenir à Montréal à ce moment-là, mais dès qu’il y a un intérêt, tu commences à te poser des questions. Mon intérêt a grandi avec leur intérêt. »

Le Québécois se disait à l’époque qu’une autre occasion européenne pourrait se présenter quelques années plus tard, mais elle n’est finalement jamais venue.

« Et j’ai réalisé à quel point je suis tellement bien ici. Ça m’amène tellement plus que juste le côté argent et soccer. Je ne suis jamais parti, et j’espère ne jamais partir. »

FC Metz, de 2009 à 2012

Samuel Piette arrive en France en tant qu’adolescent, à 14 ans.

« J’étais très naïf, dit-il, hésitant sur le mot à emprunter. Moi, j’allais là-bas pour m’entraîner, voir si ça marche. Tandis que pour eux autres, c’était la vie ou la mort.

« J’ai appris à la dure. J’étais jeune aussi, je n’avais pas de liberté de sortir, j’étais dans un centre de formation avec tous ces étrangers-là. »

Il fait l’école à distance et n’a pas vraiment d’amis outre deux autres Québécois avec lui, Samuel Leblanc et Jean-Emmanuel Ahouman. Sportivement, c’est là qu’il comprend ce que ça va prendre pour devenir « compétitif », et éventuellement professionnel. « Est-ce que je veux vraiment ça, est-ce que j’ai l’étoffe ? »

« On était un peu haïs de tous parce qu’on était les trois Canadiens qui essaient de prendre la place de l’autre. »

Düsseldorf, de 2012 à 2014

Piette passe une semaine d’essai avec le club de Düsseldorf, en deuxième division allemande. Il a 17 ans et s’entraîne avec les pros. Un article sort, le qualifiant de « Wayne Rooney du Canada », entre autres en raison de sa « ressemblance » avec le légendaire attaquant anglais.

Alex Antonacci, aujourd’hui journaliste chez RDS, Le Gardeurois lui aussi et ami d’enfance de Piette, le reconnaît dans le journal. Il était en échange étudiant dans cette même ville d’Allemagne. Ils passent du temps ensemble, ainsi qu’avec la famille d’accueil.

Connaissances en poche, lorsque le joueur québécois finit par se joindre à Düsseldorf à temps plein l’année suivante, il sera hébergé dans cette même maisonnée. « Ça m’a aidé à avoir une vie sociale. »

Mais il a aussi vécu le « côté très froid, robotique » des Allemands. La deuxième année, il se retrouve seul en appartement. « C’était la première fois que je vivais une vie d’adulte. »

Espagne, de 2014 à 2017

Samuel Piette arrive en Espagne en 2014 et s’épanouit. Son point de chute est à La Corogne, dans le nord-ouest du pays, avec le club réserve du Deportivo La Coruña, connu à l’époque sous le nom de Deportivo B.

« Je vivais dans un genre de pensionnat, avec des étudiants. La vie tout seul, aller prendre une bière l’après-midi lors d’une journée de congé, aller au resto, c’était des trucs que je ne faisais pas avant. »

Après un prêt au Racing Ferrol, il se joint en 2016 au CD Izarra, en troisième division, dans le Pays basque. Piette se plaît dans cette ligue.

« Le style de jeu que nous, on jouait, c’était assez physique. D’avoir un joueur qui se bat, peut-être un peu différent des joueurs qu’eux avaient, je me suis fait un peu remarquer là-bas. Ça m’a aussi aidé dans mon style de jeu. »

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