Jonathan David a deux personnalités. Sur le terrain, l’attaquant canadien est volubile avec son ballon, au profit de son « instinct du tueur ». Mais au sortir de la pelouse, il « fait tout au ralenti », lance en riant son coéquipier de l’unifolié Alistair Johnston.

« C’est l’Iceman [l’homme de glace] ! », désigne Johnston en entrevue avec le collègue Alexandre Pratt il y a quelques semaines. « Il me fait tellement rire. Sans qu’il le veuille, c’est probablement le gars le plus drôle du vestiaire. »

« Chaque fois qu’on entre dans l’autobus, on ne se demande pas si tout le monde est là. On se demande : “Est-ce que Jonathan David est là ? » S’il y est, tout le monde y est, parce que s’il sera certainement le dernier à entrer. »

Mais quand vient le temps d’enfiler ses crampons, l’inverse se produit pour David.

« Il est tellement difficile à défendre, parce que le temps s’arrête pour lui », explique le défenseur canadien.

Il est cool, posé. […] Il peut toujours trouver un petit espace, s’y faufiler et y faire passer le ballon. Il voit le jeu différemment de quiconque dans notre groupe. Il sera un joueur spécial pour très longtemps.

Alistair Johnston, à propos de Jonathan David

La Presse a pu témoigner du ton posé et calme de Jonathan David pendant un entretien téléphonique, la semaine dernière. Une discussion d’une dizaine de minutes au cours desquelles David a pris le temps de penser et peser ses mots.

Tout en contraste avec ses performances en club (à Lille en Ligue 1 française), et en sélection. Avec les Dogues, c’est 37 buts en 90 matchs depuis 2020 pour le joueur de 22 ans. Il est dans le top 5 des meilleurs buteurs de la saison en Ligue 1, avec 9 filets. Avec le Canada, c’est 22 en 34 depuis 2018.

Ce qui en fait une des principales menaces offensives du pays dans cette Coupe du monde.

« C’était mon but depuis que j’étais jeune », dit-il, au sujet de sa carrière professionnelle et de l’atteinte de son rêve de participer au Mondial.

« Mon entourage m’encourageait. J’avais un entraîneur qui travaillait exactement pour ça, pour développer des joueurs afin qu’ils aillent jouer en Europe et deviennent pros. Nos objectifs se sont alignés parfaitement. »

PHOTO MICHEL SPINGLER, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Jonathan David est dans le top 5 des meilleurs buteurs de la saison en Ligue 1, avec 9 filets.

Dans la ligne de mire de Montréal

David est né à New York, puis a déménagé à Port-au-Prince, en Haïti, à 3 mois. Sa famille et lui ont émigré à Ottawa lorsqu’il avait 6 ans.

L’entraîneur en question se nomme Hanny El Magraby. Ils se sont rencontrés dans la capitale du pays lorsque Jonathan David avait 10 ans. Ils se parlent encore « au moins une fois par semaine », indique le joueur.

« C’est plus qu’un coach pour moi. On peut dire que c’est un ami, un genre de père. »

L’ambition de jouer en Europe, « c’était un rêve » qu’ils partageaient tous les deux.

« Comme il y a beaucoup de gens qui me parlent, c’est sûr que parfois tu oublies un peu, et tu es tenté par ce qu’on te dit. Mais il était toujours là pour me rappeler mon objectif. »

Parce que David a fait l’objet de convoitise de la part des clubs canadiens de MLS. Dont Montréal, qui voulait le recruter dans son académie.

« C’était concret, explique-t-il. C’était une offre pour intégrer l’académie. J’ai été intéressé. Parce que quand tu es jeune, c’est quelque chose qui t’attire, bien sûr. Mais après, mon coach m’a toujours rappelé que l’objectif, c’était l’Europe. Pas d’intégrer une académie de la MLS. Il fallait que je reste patient, et que je lui fasse confiance. »

Des buts et un trophée

Jonathan David a gagné son pari. À 18 ans, après un parcours amateur dans la région d’Ottawa, il rejoint le club de première division belge La Gantoise, à Gand, en 2018. Trente buts en soixante matchs, dont un premier à ses débuts professionnels.

En dépit d’une prolongation de contrat jusqu’en 2023, l’intérêt de plus grands clubs se fait sentir ; il est transféré à Lille en août 2020. Contre toute attente, le LOSC remporte la Ligue 1 cette année-là, devant le Paris Saint-Germain. David marque 13 buts et s’impose comme un des bons attaquants du circuit.

« Chaque joueur amène un peu de ce qu’il apprend à son club avec son équipe nationale », dit-il, lorsqu’on l’interroge sur ses apprentissages avec Lille.

Au sujet de son entraîneur portugais Paulo Fonseca, en poste depuis cette année : « Il veut faire sortir en moi cet instinct du tueur. De pouvoir répéter les courses en profondeur. Chaque fois que quelqu’un a le ballon et se tourne vers moi, [je dois partir en] profondeur, profondeur, profondeur. »

« Terre-à-terre »

Si David convient qu’il parle un peu plus à certains coéquipiers du Canada en raison de leur âge rapproché, il assure s’entendre « très bien » avec presque tout le monde. À ce sujet, Alistair Johnston n’est pas le seul coéquipier de Jonathan David qui a remarqué son style bien à lui.

« Je ne le connaissais pas avant qu’il rejoigne l’équipe nationale, explique Kamal Miller. Il n’est pas le plus bavard. Il bouge à son propre rythme. C’est un gars intelligent et très rigolo. »

« Il parle peu, mais quand il parle, il dit des trucs drôles, ajoute Samuel Piette. […] Il est super humble, super terre-à-terre. »

Miller apprécie la présence de David sur la pelouse, parce qu’il est alerte et se met en bonne position pour recevoir le ballon. « Il est toujours parmi un des premiers à qui je cherche à l’envoyer », dit le défenseur.

Piette le dit lui-même : « S’il est lent à l’extérieur du terrain, il est réactif sur le terrain. »