« Au Québec, on a beaucoup de talent au soccer. [Jeudi], tous les gens qui vont voir ce match-là, ça va donner beaucoup d’espoir pour le futur. »

Rocco Placentino nous le dit au bout du fil, mais les mots n’étaient pas nécessaires, tant on le sent dans sa voix.

« C’est excitant, souligne le directeur technique du CS Saint-Laurent, club semi-pro qui évolue dans la Ligue1 Québec. Les joueurs, c’est ça qu’ils voulaient : se mettre dans une situation de défi. Quand on a vu qu’on allait jouer contre Halifax, on était vraiment contents. »

Saint-Laurent affrontera ce jeudi soir les Wanderers de Halifax, club professionnel de Première Ligue canadienne (PLC), dans le cadre de la phase préliminaire du Championnat canadien. Une victoire sur ce match à élimination directe lui donnerait rendez-vous avec le Toronto FC en quarts de finale. Rien de moins.

Un triomphe serait aussi historique, puisqu’il s’agirait de la première fois qu’une équipe québécoise semi-pro parviendrait à éliminer un adversaire professionnel dans cette compétition, et seulement la deuxième fois pour une formation de ce calibre au pays.

Pour ajouter de l’eau au moulin de l’espoir, les joueurs de Saint-Laurent n’ont pas à regarder bien loin dans leur rétroviseur : le TSS FC Rovers, club de Colombie-Britannique, a sorti le Valour FC, l’équipe de Winnipeg en PLC, en 2023.

« Comme on a dit aux joueurs, c’est une grande occasion, ajoute Placentino, un ancien attaquant de l’Impact de Montréal. C’est une grande vitrine pour eux. La pression doit être sur Halifax, et pas sur nous. »

« Ils vont à l’école, ils travaillent »

On attrape le directeur technique en début d’après-midi. Les joueurs et membres du CS Saint-Laurent sont débarqués de l’avion dans la capitale de la Nouvelle-Écosse environ 1 heure 30 minutes plus tôt. C’est l’heure du lunch lorsqu’il répond à l’appel de La Presse.

« Je pense que notre staff a fait une grande préparation, assure Placentino. Ils ont fait le maximum pour mettre les joueurs dans une position pour bien faire. Et oui, je pense que les gamins sont prêts à jouer ce match. »

La majorité des joueurs évoluant à ce niveau ont de 19 à 25 ans. L’équipe s’entraîne environ quatre fois par semaine, en plus du match du week-end.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Le CS Saint-Laurent s’entraîne environ quatre fois par semaine, en plus du match du week-end.

« Les joueurs qui jouent en PLC sont des professionnels qui sont payés pour faire ça, et ils le font tous les jours, explique le directeur technique. C’est leur travail. Une équipe de Ligue1, ce sont des joueurs qui ne sont pas payés, à part peut-être quelques-uns. Ils vont à l’école. Ils travaillent. C’est beaucoup plus compliqué. »

Ce qu’ils vivent cette semaine est donc particulier. Surtout que Halifax est reconnu pour la belle ambiance qui règne au Wanderers Grounds. Ce qui n’empêche pas le club québécois de vouloir jouer les trouble-fêtes devant une équipe en difficulté. C’est trois défaites en trois matchs de PLC cette saison pour les Néo-Écossais.

« Puisqu’ils n’ont pas trop bien commencé la saison, ils seront peut-être plus nerveux avant le match. C’est sûr que leurs partisans s’attendent à une grande victoire. Et nous, on va essayer de les en empêcher ! »

« Jamais trop tard »

Cette participation au Championnat canadien, Saint-Laurent l’a acquise en remportant le championnat de la Ligue1 Québec, l’an dernier. L’AS Blainville (2018, 2019, 2021), le CS Mont-Royal Outremont (2022) et le FC Laval (2023) ont été les autres représentants semi-pros de la province au cours des dernières années.

L’un des artisans du titre de 2023 a été Loïc Kwemi, prolifique marqueur de 17 buts en 17 matchs. Les Wanderers devront avoir l’artilleur de 27 ans à l’œil s’ils ne veulent pas tomber dans le piège que leur préparent leurs adversaires.

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Loïc Kwemi (à gauche) a marqué 17 buts en 17 matchs avec le CS St-Laurent en 2023.

« Loïc, c’est le type de joueur que s’il se met à jouer, il va vraiment faire un show, lance Placentino. Son tir, son drible, ses courses, il est puissant. Je pense qu’il va arriver avec une certaine attitude, pour montrer qui est Loïc Kwemi. »

« C’est un joueur qui devrait être pro, mais qui ne l’est pas, ajoute le directeur technique. Même s’il a 27 ans, c’est un joueur qui peut vraiment faire la différence [jeudi]. On ne sait jamais dans la vie. Ce n’est jamais trop tard. »

Après tout, le CS Saint-Laurent a formé deux étoiles montantes du soccer québécois et canadien en Ismaël Koné et Moïse Bombito. Le premier joue maintenant avec Watford en deuxième division anglaise, le deuxième commence à s’imposer avec les Rapids du Colorado en MLS.

Ces deux réussites ont donné beaucoup d’envergure au club autant au Québec qu’au Canada, estime Placentino. Mais le succès ne se compte pas que là.

« On parle de deux joueurs qui jouent au niveau professionnel, mais on a presque 60 joueurs et joueuses qui ont eu des bourses d’études full rides aux États-Unis. C’est vraiment important. »

Mais pour l’instant, toute la concentration est sur le match de jeudi soir, en Nouvelle-Écosse. Du moins, pour les joueurs.

« Pour mon staff et moi, on pense déjà à l’après. On doit être préparé, parce que si on gagne, [le match aller contre le Toronto FC] sera le 8 mai au Centre Claude-Robillard. »

Il se reprend. Exit le « si ».

« Il y aura beaucoup de travail, quand on va gagner [jeudi] ! »

« Pourquoi ne pas faire un évènement avec ça ?

C’est une grosse année pour le CS Saint-Laurent. Il y a quelques semaines, il a été annoncé que le club montréalais, en sa qualité de champion québécois, affrontera le Green du Vermont dans le cadre de la première Maple Cup, le 3 juillet prochain, à Burlington. On souhaite que ce match amical soit joué annuellement entre le gagnant de la Ligue1 Québec et cette équipe de la USL League Two, la quatrième division américaine. Il s’agit là d’une très belle idée, que Rocco Placentino souhaite déjà développer de plus belle. « Je veux amener ça à un autre niveau, dit-il. On veut faire un aller-retour, donc si possible jouer contre eux ici au mois d’août au Centre Claude-Robillard. Pourquoi ne pas faire un évènement avec ça ? » Le Green du Vermont se distingue par ses valeurs environnementales qu’il inclut dans toutes ses décisions, ses activités et sa culture. Il a disputé sa saison inaugurale en 2022, et joue ses matchs au Virtue Field de l’Université du Vermont.

Pas assez d’une seule équipe professionnelle

« Je pense que d’avoir juste une équipe professionnelle de soccer au Québec, ce n’est pas normal », croit Rocco Placentino. L’ancien de l’Impact, dont il a porté les couleurs pendant cinq ans, a le club de sa ville « à cœur », bien entendu. Mais si la discussion autour d’une équipe de la PLC dans la province tourne autour de la ville de Québec, Placentino souhaite plutôt en voir une s’implanter à Montréal. Le personnel, les joueurs et les infrastructures nécessaires existent déjà, selon lui. « Avec notre effectif, avec les coachs qu’on a déjà à Saint-Laurent, si on faisait ça tous les jours comme travail, on a déjà une équipe de PLC. On peut jouer au Centre Claude-Robillard. On a tout ce qu’il faut pour avoir une deuxième équipe professionnelle à Montréal. Il faut convaincre quelqu’un qui a beaucoup d’argent d’avoir cette confiance en nous. »