Notre entretien a eu lieu à 20 h 30. Depuis la semaine dernière, Otmane Ibrir n’a plus d’autres disponibilités, quel que soit le jour de la semaine de travail.

Le nouvel entraîneur des moins de 23 ans à l’Académie du CF Montréal a conservé ses fonctions de directeur technique avec l’Association régionale de soccer Richelieu-Yamaska (ARSRY), située à Saint-Hyacinthe, où il vit.

Comment concilier tout ça ? « Eh boy, ça, c’est une bonne question de départ », répond-il.

Sa journée type :

8 h : Arrivée au bureau de l’ARSRY. « J’arrive tôt pour faire un peu d’administration parce que je suis gestionnaire de tous les programmes techniques de la région. »

9 h 30 à 11 h : Sur le terrain avec un groupe sport-études à Saint-Hyacinthe.

11 h à 13 h 30 : Retour au bureau pour de la gestion diverse. De la formation des entraîneurs au sport-études en passant par le programme de reconnaissance des clubs « qui est un gros dossier nouveau dans le soccer québécois ».

14 h 30 : Arrivée au Centre Nutrilait, à Montréal, où il s’occupe alors de la relève du CF MTL. Il discute avec son personnel, lui explique le plan pour la séance d’entraînement.

15 h 45 à 17 h 30 : Sur le terrain avec les moins de 23 ans.

Vers 18 h 45 : Retour à la maison à Saint-Hyacinthe.

« Je suis pas mal occupé ces temps-ci », admet-il.

Exigeant

Ce rythme, l’entraîneur ne sait toutefois pas jusqu’à quand il devra le maintenir. Ça pourrait être de courte durée. Il a été nommé pour la saison 2021, mais n’a aucune garantie pour la suite.

« Je ne l’ai pas demandé, je n’en ai pas besoin. J’ai 57 ans, je ne suis pas un gars qui relance sa carrière. Je l’ai dit clairement, quand on m’a appelé, je ne m’y attendais vraiment pas, assure-t-il. Les contrats, six mois, huit mois, une année, deux années, pour quelqu’un qui a mon profil, ce n’est pas la chose la plus importante. »

Ce qui lui importe, par contre, c’est ce qu’il peut apporter aux jeunes le temps qu’il sera en poste.

« Je leur ai dit le premier jour : “Parce que je respecte votre projet de devenir joueurs pros, je vais être exigeant avec vous”, rapporte Ibrir. Mais l’exigence fonctionne seulement quand il y a aussi, entre guillemets, de l’affection. »

L’exigence, c’est sa « carte de visite ». Il veut contribuer à un climat, une culture qui favorisera la réussite de ses jeunes espoirs. Mais, ultimement, ces derniers sont les premiers responsables de leur projet, souligne-t-il.

Cela dit, dans le contexte qui prévaut, un élément clé échappe au contrôle de tous : dirigeants, entraîneurs, joueurs.

« Les jeunes U23 ont sans aucun doute besoin d’un ingrédient très important qui va les aider à éclore, c’est la compétition. Ils ont atteint un bon niveau et ce qui va les aider à passer un autre cap, c’est vraiment une compétition contre des adultes. C’est clair, net et précis. Ça va se concrétiser assez rapidement, j’espère, mais on vit au jour le jour. »

PHOTO DAVID BOILY, LAPRESSE

Otmane Ibrir donne des consignes à un jeune joueur de l’Académie du CF Montréal.

On parle ici, évidemment, des conséquences de la pandémie.

En théorie, les moins de 23 ans de l’Académie commenceront sous peu à se frotter aux équipes de la Première ligue de soccer du Québec (PLSQ), indique l’entraîneur. Il reste à voir quand.

Le groupe des moins de 23 ans compte 29 joueurs, dont 4 gardiens de but.

Le bagage d’Algérie

Le communiqué transmis le mois dernier par le CF Montréal pour annoncer son embauche en fait foi. La feuille de route d’Otmane Ibrir est très fournie. Ce texte aurait pu ne porter que sur son parcours.

Né à Alger, d’un père ancien joueur professionnel puis entraîneur, il a toujours baigné dans un environnement de soccer.

Il a joué au plus haut niveau dans son pays d’origine avant d’arriver au Canada pour les études, un peu passé la mi-vingtaine. Déjà titulaire d’une formation universitaire en éducation physique, il souhaitait y ajouter un diplôme de deuxième cycle.

En 1991, il s’est aligné avec le Supra de Montréal, a joué l’année suivante au sultanat d’Oman, puis est revenu dans la métropole, participant alors à la naissance de l’Impact.

Otmane Ibrir (deuxième à partir de la droite) lors d’une conférence de presse de l’Impact de Montréal en avril 1993

« Avec comme honneur d’être sur le onze de départ du premier match disputé dans l’histoire de l’Impact à Claude-Robillard », signale l’ex-milieu de terrain qui jouera deux saisons avec le club.

Depuis les années 1990, Otmane Ibrir a occupé une multitude de postes d’entraîneur ou de dirigeant, tant au niveau national que provincial.

En 2006, il a renoué avec ses origines maghrébines alors qu’on lui a offert d’entraîner la formation algérienne des moins de 17 ans.

« J’étais parti depuis 16 ans, je suis retourné [en Algérie] pour la famille, relate-t-il. Les enfants étaient au primaire, alors je me suis dit que c’était l’occasion ou jamais de replonger un peu dans le pays d’origine et ç’a été quatre fabuleuses années. »

Le coaching chez les jeunes

En cours de route, au début des années 2000, Ibrir a été directeur technique de la Fédération de soccer du Québec.

À l’époque, il avait exprimé le souhait de rehausser le calibre des jeunes. Pour y arriver, il fallait nécessairement améliorer la formation des entraîneurs, plaidait-il.

Et puis ?

Quand on regarde dans le rétroviseur, il y a eu des pas vers l’avant, c’est clair. Est-ce que c’est parfait ? La réponse est non.

Otmane Ibrir

La structure a ses défauts, affirme-t-il. Et, au-delà des cours, des licences, un élément important manque actuellement dans le portrait global, selon lui.

« Ça prend des mentors. Un mentor, c’est quelqu’un qui te suit dans ton quotidien, te chapeaute, te donne des feedbacks sur tes séances. Et ça, on ne le voit pas assez dans nos clubs, dit-il. Parce que nos structures sont très verticales, et pas horizontales, je pense qu’on fait un job moyen pour ce qui est de la formation des entraîneurs. C’est un avis personnel.

« Mais depuis que Mike Vitulano est à la fédération [il est directeur du développement à Soccer Québec], il y a des pas de géant, enchaîne Otmane Ibrir. Il est en train de structurer la formation, il y a beaucoup plus de cours. »

En résumé, il restera le défi du mentorat, mais à tout le moins, l’enseignement offert aux coachs gagne et gagnera encore en qualité.

« Il faut avoir de bons coachs partout, pas juste avec les AAA. J’insiste beaucoup sur les 9-12 ans. C’est une période cruciale pour le développement d’un jeune, note Ibrir. Si on n’a pas de bons coachs dans cette tranche d’âge là, ça va être difficile de rattraper après. »