Suivant les traces des Québécoises Rhian Wilkinson et Josée Bélanger, aujourd'hui retraitées, Amandine Pierre-Louis joue dans la National Women's Soccer League (NWSL) depuis la saison dernière. Avec le Sky Blue FC, au New Jersey, la Lavalloise vit son rêve de joueuse professionnelle à seulement quelques heures de route de la maison. « C'est assez incroyable de voir qu'il y a une telle ligue aussi proche de Montréal », dit-elle au cours d'une entrevue téléphonique.

Lancée en 2013, la NWSL est composée de 9 équipes qui disputent chacune 24 matchs de saison régulière, habituellement entre les mois de mars et septembre. On y trouve la totalité de la sélection américaine, quelques-unes des meilleures Canadiennes, dont Christine Sinclair, ainsi que plusieurs vedettes internationales comme la Brésilienne Marta.

« C'est une ligue qui a beaucoup de potentiel et c'est pour moi la meilleure ligue au monde. Chaque match est un combat avec des résultats toujours serrés. Il n'y a pas de 6-0 ou de 5-0, souligne l'ancienne joueuse du Centre national de haute performance (CNHP). C'est une saison courte, mais intense. J'apprends énormément en étant, par exemple, aux côtés de Carli Lloyd. » 

« La ligue grandit et ce serait le fun qu'il y ait une équipe au Canada. Pourquoi pas à Montréal ? »

- Amandine Pierre-Louis

Chaque année, l'Association canadienne de soccer (ACS) alloue un certain nombre de joueuses aux clubs de la NWSL en acceptant de payer une partie du salaire. Ce n'est pas le cas de Pierre-Louis qui a dû passer par le repêchage, en janvier 2018, après ses quatre années à l'Université de West Virginia. Sa sélection dès le premier tour, au sixième rang, l'a un peu surprise. D'un côté, elle occupe une très rare place de joueuse étrangère, mais, de l'autre, elle a été récompensée pour son bon séjour universitaire. En 2017, elle a notamment remporté le titre de meilleure défenseure dans sa conférence.

« Si une jeune joueuse me demande comment devenir professionnelle, je lui conseillerais de passer par une université américaine. Tu as les études qui sont payées et tu évolues à un niveau que tu n'aurais jamais trouvé au Québec, juge la défenseure. Oui, on a de bons programmes au Québec et des entraîneurs talentueux, mais il n'y a pas assez de compétition. Aux États-Unis, il y a aussi une belle visibilité puisque les matchs sont à la télévision, comme sur ESPN. De la région de Bourassa (NDLR : Montréal-Nord et Est de Montréal), il n'y a pas beaucoup de filles qui sont allées jouer chez les professionnelles, mais je montre que c'est possible. »

Pierre-Louis a été la première Québécoise repêchée. Elle a depuis été imitée par Bianca St-Georges, également passée par West Virginia, qui a été sélectionnée par les Red Stars de Chicago cette année.

Une blessure grave

Le saut chez les professionnelles ne s'est pas fait sans heurts. Victime d'une fracture du tibia en novembre 2017, Pierre-Louis n'a pu jouer son premier match qu'au mois de juillet. Dans les médias américains, le Sky FC a aussi été épinglé pour la piètre qualité du logement fourni aux joueuses et pour des conditions d'entraînement difficiles.

L'équipe dit avoir corrigé le tir. Les joueuses peuvent être logées dans le même immeuble à Freehold, à environ 90 km de Manhattan. Pierre-Louis, par exemple, partage son appartement avec deux autres coéquipières. Les salaires, quant à eux, varient de 16 538 $US à 46 200 $US avec une masse salariale s'établissant à 421 500 $US par équipe.

« On est dans des appartements et on te prête une auto pendant que tu es en ville. Quand on a deux entraînements, le club nous fournit le repas. Lors des déplacements, le club paie également les repas à l'hôtel ou te donne de l'argent pour que tu manges ce que tu veux. On est vraiment bien même si on ne peut pas comparer ma qualité de vie à celle de Samuel Piette, reconnaît-elle. Il y a beaucoup plus d'argent du côté masculin, mais c'est quand même bien pour une ligue qui commence à se développer. On ne peut même pas comparer notre situation actuelle à celle d'il y a cinq ans. Des équipes de la MLS, comme Orlando, Houston ou Portland, possèdent leurs équipes féminines. »

Elle rêve d'ailleurs d'une affiliation avec les Red Bulls (MLS), qui sont également situés au New Jersey. Sur le plan international, elle n'a pas mis une croix sur la sélection canadienne. Elle n'a plus été convoquée depuis un camp d'entraînement en janvier 2017.

« C'est une question de timing. Il y a beaucoup de joueuses à ma position et il y a eu cette blessure aussi. Je me dis que j'aurai ma chance lors du prochain cycle, mais je ne pense pas que ce sera pour les prochains Jeux olympiques [en 2020]. J'ai les capacités d'y être », ajoute celle qui espère participer aux prochains Jeux panaméricains.

Un changement de position

Pierre-Louis s'est fait un nom au Québec et au Canada en tant qu'attaquante. Puis, en raison des blessures dans l'équipe universitaire de West Viriginia, elle a dû se retrouver en défense. « Ç'a été une transition quand même difficile parce que c'est un autre aspect du jeu. En défense, tu dois être plus patiente, plus organisée et plus alerte par rapport à ce qu'il y a autour de toi. Mais je peux encore jouer les deux positions », dit Pierre-Louis, qui peut jouer autant à droite qu'à gauche.

Sa situation n'est pas sans rappeler celle de Josée Bélanger qui avait connu un tel recul de position en fin de carrière. « De toute façon, les arrières latéraux sont presque devenus des attaquants. Le jeu part souvent d'eux », philosophe la Lavalloise.