Oui, Kim Boutin a eu peur. Malgré les efforts de son entourage, elle était au courant des menaces formulées par des milliers de partisans coréens sur ses comptes de réseaux sociaux.

« Je ne peux pas vous cacher que j'ai eu de la peine et que ça a été difficile... J'ai voulu tourner la page rapidement, mais rendue ici, j'ai eu une claque au visage après mon échauffement. C'était l'émotion... »

La patineuse de Sherbrooke n'est pas chicanière. Elle écoute du Fred Pellerin et serre la main de chacune de ses adversaires avant une course. Pour le public coréen, elle avait préparé un signe d'amour lors de sa présentation pour sa finale du 1500 m. « Pour passer à autre chose », elle avait aussi enlacé Choi Min-jeong la première fois qu'elle a revu la Sud-Coréenne à la cafétéria, deux jours après sa disqualification au 500 m.

Mais quand le coup de pistolet est donné, Boutin se transforme en guerrière. Sur la glace, elle « laisse parler son instinct ». Hier matin (heure de l'Est), celui-ci lui dictait de batailler parmi les trois premières pendant toute la durée du 1500 m. Cette lutte de tous les instants lui a valu de gagner la médaille de bronze, sa deuxième après celle du 500 m mardi.

Cette fois, elle a pu la savourer en traversant la ligne derrière Choi, médaillée d'or sous les cris de son public (et de quelques journalistes) en délire, et de la Chinoise Li Jinyu, médaillée d'argent.

« Je ne veux rien enlever à ma médaille au 500 m parce que je l'ai méritée et je suis contente de l'avoir fait. Là, après ce qui s'est passé, on dirait que ça m'a redonné un boost de courage. Kim, tu la mérites, celle-là aussi. »

Après sa course, l'athlète de 23 ans n'a fait ni une ni deux et a plongé dans les bras de son entraîneur Frédéric Blackburn. Celui qui a toujours cru en elle malgré les embûches et les pertes de repères des dernières années. Celui qui la voit toujours arriver à l'aréna Maurice-Richard avant les autres pour effectuer ses exercices de dos.

En quittant la glace, Boutin a reçu l'accolade chaleureuse de sa coéquipière Marianne St-Gelais, disqualifiée en demi-finale.

« J'étais vraiment contente parce que je sais très bien que Valérie [Maltais, stoppée en demi-finale] aurait pu être sur le podium, Marianne aussi. C'est le travail qui fait en sorte qu'on est une équipe forte. On s'emmène au plus haut niveau et c'est ce qui fait en sorte qu'on gagne des médailles comme celle-là. Je dois beaucoup à ces filles-là. »

Ces coéquipières ont été d'une aide essentielle quand la vague de haine virtuelle s'est abattue sur elle. « Je suis arrivée dans le vestiaire, les athlètes ont été super agréables avec moi. J'avais beaucoup de peine et elles m'ont prise dans un cercle pour me redonner de l'énergie et me dire que c'était un cas isolé et que je ne devais pas m'en faire. Ça m'a donné beaucoup de courage. »

Boutin est devenue la première Canadienne à monter sur le podium dans deux distances individuelles en courte piste à de mêmes Jeux olympiques depuis Marc Gagnon en 2002. Mardi matin (heure de l'Est), elle s'alignera au 1000 m avant de prendre part à la finale du relais.

Déjà, la « guerrière pacifique », comme la surnomme parfois Blackburn, a marqué les Jeux de PyeongChang.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Marianne St-Gelais attendait Kim Boutin pour la féliciter à sa sortie de la patinoire.