Luc Robitaille sera intronisé au Temple de la Renommée du hockey ce soir.

Il y a quelques années, Robitaille m'avait raconté sa journée lors du repêchage de 1984. C'est l'une des histoires de repêchage les plus cocasses, comme quoi on ne sait jamais quel jeune hockeyeur on a sous les yeux...









 


La Presse

Sports, samedi 20 mars 2004, p. S1

LUCKY LUKE CONTRE JOHN BUCYK

Mathias Brunet



Luc Robitaille se souvient encore parfaitement du jour où il a été repêché par les Kings de Los Angeles, le 9 juin 1984, au Forum de Montréal.

C'était l'année de Mario Lemieux. Les Penguins de Pittsburgh l'avaient choisi au premier rang, mais le grand Mario, déjà frondeur, n'avait même pas daigné se présenter à leur table.

Luc Robitaille n'avait pas les ambitions de Lemieux. Il entretenait tout de même l'espoir d'être sélectionné en quatrième ou cinquième ronde. Ne venait-il pas de connaître une saison de 85 points à sa première année junior avec les Olympiques de Hull? Un dépisteur des Kings de Los Angeles l'avait même approché quelques semaines auparavant.

Les rondes passent. Robitaille, installé dans les hauteurs du Forum, retient son souffle chaque fois que le représentant des Kings prend le micro. En quatrième ronde, déception, Los Angeles sélectionne un jeune homme du nom de Tom Glavine. Celui-ci ne jouera jamais dans la LNH, mais il deviendra l'as de la rotation des lanceurs des Braves d'Atlanta, au baseball.

Cinquième ronde, déception. Sixième ronde, déception. En septième ronde, le responsable du recrutement chez les Kings s'empare du micro : "The Los Angeles Kings are proud to select Luke...", l'homme s'arrête net, consulte ses dépisteurs, puis reprend le micro : "The Los Angeles Kings are proud to select, from the University of Vermont, Shannon Deegan! "

Robitaille est cruellement déçu. Et le Forum qui est déjà presque désert. Arrive la neuvième ronde et finalement, le jeune homme de Ville d'Anjou est choisi par les Kings, au 171e rang. Tout feu tout flamme, il bondit de son siège dans les estrades et descend en courant les escaliers pour aller remercier ses bienfaiteurs.

Un gardien de sécurité l'empêche de passer puisque les joueurs repêchés aussi tard n'ont plus accès au plancher où se trouve la direction des équipes. Par chance, Pierre Lacroix, agent de joueurs à l'époque, le reconnaît et plaide sa cause auprès du garde.

"Quand je suis arrivé à la table des Kings, il ne restait plus grand monde, raconte Robitaille. Ils étaient deux, le responsable du recrutement de l'équipe et un secrétaire de route. Le recruteur m'a dit: Il ne nous reste plus de " calotte ", mais on peut toujours te donner une pin ".

Les deux représentants des Kings sont loin de se douter qu'ils ont sous les yeux un éventuel membre du Temple de la renommée du hockey...

Vingt ans, huit participations au match des Étoiles et 1367 points plus tard, Luc Robitaille tente ce week-end de devenir l'ailier gauche le plus productif de l'histoire de la Ligue nationale devant l'illustre John Bucyk. L'ancienne vedette des Bruins a amassé 1369 points entre 1955 et 1978.