(Toronto) Elles se sont entraînées ensemble pendant presque cinq ans. L’une vise une quatrième participation historique aux Jeux olympiques. L’autre veut assurer sa qualification individuelle dans une épreuve surprise. Leurs ambitions respectives risquent fort d’entrer en collision.

Katerine Savard et Mary-Sophie Harvey se retrouveront nez à nez dès le 100 m papillon à la première journée des Essais olympiques et paralympiques de natation, qui s’ouvrent ce lundi à Toronto. La compétition se tient dans la Ville Reine en raison de l’incendie qui a causé des dommages de 40 millions à la piscine du Parc olympique à Montréal.

Après l’entrée en scène attendue de Summer McIntosh au 400 m libre, quatrième à Tokyo à 14 ans, le 100 m papillon féminin retiendra l’attention. À moins d’une énorme surprise, Maggie Mac Neil, championne olympique en titre, devrait s’imposer.

Son temps d’inscription est plus d’une seconde plus rapide que celui de sa plus proche poursuivante, Katerine Savard. Son chrono de 57,81 s remonte toutefois aux dernières sélections de mars 2023. La nageuse originaire de Pont-Rouge ne s’en est pas approché de moins d’une demi-seconde depuis les Championnats du monde de l’été dernier au Japon.

Après les derniers Mondiaux de Doha, en février, Savard a quitté le club CAMO de Montréal, où elle nageait depuis 2014, pour retourner au Club de natation région de Québec, son alma mater. « Malheureuse », elle souhaitait retrouver le réconfort de sa famille élargie, dont sa mère, sa première partisane.

Interviewée en avril, l’athlète de 30 ans se disait en paix avec cette décision « émouvante ». Son plus grand défi sera de monter sur le bloc avec confiance ce lundi. Aborder les Essais comme un « jeu », comme le lui a rappelé son entraîneur de la première heure, Marc-André Pelletier.

« Tu es probablement l’athlète que j’ai coachée qui adore le plus jouer dans la vie, lui a-t-il lancé le mois dernier. N’oublie pas que la compétition, c’est un jeu. Va faire ce que tu aimes le plus. »

La médaillée de bronze au relais aux Jeux de Rio en 2016 souhaite se placer dans cet état d’esprit à Toronto, où elle vise également une sélection aux relais 4 X 100 m et 4 X 200 m libre.

« Au bout du compte, il arrivera ce qui arrivera. Il faut juste que j’arrête d’avoir peur du résultat final. »

La surprise Harvey

Quand elle montera sur le bloc numéro 4 dans l’avant-dernier départ des préliminaires, Savard plongera juste au-dessus de Mary-Sophie Harvey, ex-coéquipière de CAMO qui se sera exécutée dans le même couloir dans la vague précédente.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Mary-Sophie Harvey

Nageuse aux multiples talents, la septuple médaillée des Jeux panaméricains a ajouté le 100 m papillon, une spécialité où elle avait excellé plus jeune, à son arsenal. Sa participation à cette épreuve aux Essais olympiques, où elle est la troisième inscrite, représente une occasion de briser la glace avant les 100-200 m libre et 200-400 m QNI plus tard cette semaine.

Limitée aux seules séries du relais 4 X 200 m aux Jeux de Tokyo, Harvey s’était juré de ne plus revivre une telle déception. Une qualification individuelle d’entrée de jeu lui libérerait l’esprit pour la suite.

« Ça reste une nage bonus, a noté la nageuse de 24 ans le mois dernier. Je voulais faire une épreuve où je n’avais pas de pression. Ça enlève un petit stress avant mon 200 m libre. Ça va juste être d’avoir du plaisir et voir ce que ça peut donner. »

Comme Savard, non seulement Harvey doit-elle finir au moins deuxième, mais elle doit aussi réussir le temps de qualification olympique de 57,92 s. Elle est passée à 13 centièmes il y a un mois en finale de l’Omnium canadien de Toronto, course remportée par nulle autre que Summer McIntosh (57,19 s). La quadruple championne mondiale n’a pas inscrit le 100 m papillon à son agenda des Essais afin de se concentrer sur le 400 m libre.

Une sélection au papillon ouvre aussi la porte à une participation au relais 4 X 100 m quatre nages, une épreuve qui a valu le bronze à Harvey aux Championnats du monde de 2023, où elle a assuré la portion de crawl en préliminaires.

Malgré leur différence d’âge de six ans, Savard et Harvey ont scellé une grande amitié pendant les confinements de 2020 et 2021. Au Centre sportif panaméricain de Toronto, où trône une tour Eiffel miniature, elles devront mettre ce lien de côté le temps d’un 100 m papillon sous haute tension.