La demande d’autorisation d’exercer une action collective visant la Ligue canadienne de hockey, la Ligue de hockey junior Maritimes Québec (LHJMQ) ainsi que les 18 équipes qui la composent a été acceptée, mercredi, par le juge Jacques G. Bouchard de la Cour supérieure du Québec.

La demande vise « tous les joueurs de hockey qui ont subi des abus alors qu’ils étaient mineurs et évoluaient au sein de la Ligue de hockey junior majeur du Québec, et ce, depuis le 1er juillet 1969 », peut-on lire dans la procédure judiciaire.

Le requérant principal de cette demande, déposée par le cabinet Kugler Kandestin, est Carl Latulippe, ex-joueur des Saguenéens de Chicoutimi et des Voltigeurs de Drummondville. Choix de premier tour au repêchage de 1994, M. Latulippe dit entre autres avoir été victime de plusieurs sévices de la part de certains vétérans chez les Saguenéens, notamment de violence, d’intimidation et d’agressions. La Presse avait relaté son histoire il y a un an.

Le bon véhicule procédural

Le mois dernier, la LHJMQ, par l’entremise de son avocat Christian Trépanier, avait plaidé que la demande d’autorisation d’exercer uneaction collective devait être rejetée, car il ne s’agissait pas du bon véhicule procédural pour entendre cette cause. MTrépanier avait souligné que « sur 18 des équipes visées dans le recours, 13 n’existaient pas au moment des faits ». Pour lui, « joindre tout le monde dans une même réclamation et demander leur responsabilité solidaire sans égard à leurs actions concrètes » était une « thèse indéfendable ».

Représentant de M. Latulippe, l’avocat David Stolow avait quant à lui plaidé que la Ligue canadienne de hockey (LCH), la LHJMQ et ses équipes avaient fait preuve de « négligence systémique » en tolérant « une culture d’abus et de silence » et que l’action collective était le bon véhicule pour entendre cette affaire.

Dans son jugement publié mercredi, le juge Jacques G. Bouchard explique que la procédure d’autorisation d’une action collective « ne constitue pas une préenquête sur le fond ». Il s’agit plutôt d’un « processus de filtrage » où un juge doit simplement s’assurer « d’écarter les demandes qui sont frivoles ou manifestement mal fondées », ce qui n’est pas le cas ici, tranche-t-il.

Dans sa décision, le juge reconnaît que la demande « est formulée de façon large et ambitieuse ». « Mais ce n’est qu’à l’examen au mérite de toutes les allégations de faits qu’il sera possible de déceler ou non l’existence d’une telle responsabilité solidaire à l’égard de toutes [les équipes] ou de certaines équipes seulement ». Le juge indique que le fardeau de la preuve relative à « la négligence alléguée de chacune des défenderesses qui l’auraient même érigée en système » posera « un sérieux défi » aux demandeurs.

Le magistrat note que le fait qu’une procédure similaire se déroule en Ontario ne doit pas « empêcher le tribunal [québécois] d’exercer sa compétence ». Il accorde donc à M. Latulippe le statut de représentant et autorise la demande d’action collective. M. Latulippe réclame 650 000 $ aux défendeurs et 15 000 000 $ de dommages-intérêts punitifs et exemplaires collectifs.

Dans le document judiciaire, on mentionne que le terme « abus » désigne « toute forme d’agression physique, sexuelle et/ou psychologique, notamment le fait d’avoir été confinés, rasés, dénudés, drogués et/ou intoxiqués de force, forcés ou encouragés à agresser physiquement et/ou sexuellement autrui, forcés de boire ou de manger de l’urine, de la salive, du sperme, des excréments et/ou d’autres substances abjectes, forcés de s’auto-infliger des blessures, ou forcés de commettre des actes de bestialité ».

MStolow affirme que M. Latulippe a « très bien accueilli » ce jugement qui lui donne, ainsi qu’à plusieurs autres joueurs potentiels, « l’opportunité de demander justice pour les abus qu’ils ont subis ». Quand l’avis de jugement officiel sera transmis aux parties dans les prochains jours, la LHJMQ et les autres défendeurs auront 30 jours pour demander une permission d’en appeler. La LHJMQ indique que leurs avocats étudient la décision du juge et « décideront ensuite si l’on va en appel ».

Avec la collaboration de Simon-Olivier Lorange, La Presse

Deux causes en parallèle

La procédure d’action collective portée par Carl Latulippe contre la Ligue canadienne de hockey (LCH), la LHJMQ et ses 18 équipes évolue en parallèle d’une démarche similaire entreprise en Ontario. Là-bas, une demande d’autorisation d’action collective a été déposée l’an dernier par trois anciens joueurs de hockey disant avoir été victimes d’abus dans leurs années junior, dont Daniel Carcillo. Cette demande a été rejetée en février 2023 par le juge Paul Perell. La décision a été portée en appel. Mais du même coup, le juge Perell a proposé aux parties un autre véhicule pour régler le litige, soit des actions individuelles déposées pour chaque équipe par des groupes de plaignants. Lors d’une audience à la mi-mars, Carl Latulippe a indiqué ne pas vouloir se joindre à la procédure ontarienne et a dit « préférer que [son] dossier soit entendu ici ».

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     Nombre de joueurs estimés qui ont évolué dans la LHJMQ depuis 1969
    cabinet kugler kandestin