En fin de soirée, alors que l’issue du match ne faisait déjà plus aucun doute, les fans se sont mis à scander le nom du gardien.

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Ça a touché le gardien en question.

« Il n’y a pas de mots pour décrire ça, a soupiré Cayden Primeau. C’est un mardi soir, dans un aréna spécial… juste de pouvoir jouer ici, je trouve que c’est surréel. »

Oui, cette soirée a été celle de Primeau. C’est lui qui a mené le Canadien à ce gain de 3-0 face aux Blue Jackets de Columbus, avec un total de 41 arrêts, souvent spectaculaires.

On note aussi qu’il s’agit de son deuxième zéro de suite au Centre Bell, dans ce qui fut seulement son cinquième départ à domicile cette saison. Un zéro qui a par ailleurs été acquis avec 41 arrêts, ça n’arrive pas souvent ; seuls Jacques Plante, José Théodore et Carey Price ont réussi un blanchissage avec plus d’arrêts (42) à Montréal.

Primeau, un jeune homme de bien peu de mots, avait le sourire facile dans ce vestiaire, mais pas le ton triomphant. « Rien ne change pour moi, a-t-il répondu quand on lui a demandé si le récent départ de Jake Allen ne va pas un peu lui décompliquer la vie. Je vais continuer de tenter d’aider l’équipe à gagner. Mais voir les partisans m’appuyer comme ça, ça signifie beaucoup. On rêve de ce genre de soirée. »

L’enjeu, le véritable, est disparu depuis bien longtemps, et n’effectuera pas un retour comme Elvis en 1968, et puis d’ailleurs, le Elvis qui était ici en ce mardi soir a fini par quitter le building lui aussi.

Alors ce qui reste de cette trop longue saison va servir à prendre des notes en vue de plus tard, et c’est ici qu’on rappelle que ce qui reste va être important pour Cayden Primeau.

« Il a super bien joué, il était prêt pour ce match-là, a expliqué l’entraîneur Martin St-Louis. Les Blue Jackets lançaient beaucoup et de partout, mais on a quand même bien géré ça, et quand ils ont eu quelques chances de marquer, Cayden était là.

« C’est une occasion pour lui, la direction est allée dans la direction d’un système à deux gardiens, c’est un message pour lui, et c’est une chance d’avoir plus de rythme dans ses présences devant le filet. »

David Savard a été impressionné lui aussi.

Je pense que c’est le meilleur match que j’ai vu de sa part. C’est lui qui est allé chercher la victoire pour nous. C’était pas notre meilleur, mais il nous a gardés dans le match.

David Savard

On aura bien sûr compris que ces Blue Jackets ne sont pas à confondre avec les Oilers de 1984, et que, comme ceux du Canadien, leurs partisans vont s’adonner à des simulations de boulier au cours des prochaines semaines. Mais tout de même, Primeau a été bon, spectaculaire, et dans le cadre d’une saison perdue, il n’y a pas de petites victoires.

Ils ne sont plus que deux, donc, et Cayden Primeau aura enfin une véritable occasion de se faire valoir.

« J’ai essayé de leur montrer ça pendant toute la saison alors rien ne change, a-t-il ajouté. Je vais continuer comme ça. Ce fut un match immense, mais je me concentre sur le prochain… »

En hausse

Joshua Roy

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Joshua Roy (89)

Cayden Primeau a été la vedette du match, mais avec son 4e but de la saison, Roy s’est offert un 3e but à ses 5 derniers matchs.

En baisse

Josh Anderson

Un autre match où on ne le sent pas très impliqué ; il a 3 points à ses 11 derniers matchs.

Le chiffre

98

Le nombre de tirs tentés par les Blue Jackets en direction du filet montréalais

Dans le détail

Quand le coach et le joueur disent la même chose

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Martin St-Louis (au centre)

Joshua Roy était assis à son casier, casque d’écoute vissé sur la tête, pour son entrevue d’après-match au 98,5 FM. Il dépose le micro, puis on l’accroche pour une petite dernière, simplement pour lui demander s’il a vu sa vie défiler devant ses yeux en allant se planter devant le filet au moment où Arber Xhekaj, l’homme au tir à 107 milles à l’heure, s’élançait. « Tu n’y penses pas vraiment sur le coup », a assuré Roy, qui a fait dévier le tir en question pour marquer. « Peu importe qui tire, c’était ma job d’aller devant le but, et j’y ai été. Dans le junior, j’y allais, mais un peu moins, j’étais plus le gars qui contrôlait la rondelle en zone offensive. Il faut que j’améliore ça. J’ai vu ce soir que c’est bénéfique. » Quelques minutes plus tard, c’était au tour de Martin St-Louis de se prononcer sur le sujet. Et l’explication du coach ressemblait drôlement à celle du joueur. « Des deux côtés de la glace, Josh a l’intelligence de faire ce que la game lui demande à ce moment-là. Il était le premier en bas, il a vu qu’on jouait en haut, et il s’est arrêté devant le filet. À ce moment-là, c’était ça, la job. Même si ce n’est pas un gars habitué d’être là, c’est ta job, tu es le plus proche. » Visiblement, Roy comprend ce que son entraîneur lui demande.

Pas la faute du gardien

Le Canadien n’a pas disputé son meilleur match, mais heureusement pour lui, l’Elvis qui défendait le filet des Blue Jackets était davantage celui de 1975 que celui de 1961. Elvis Merzlikins n’avait en effet pas l’air dans son assiette, comme en fait foi sa fiche de trois buts accordés sur quatre tirs, répartis sur 5 min 48 s. Même s’il a sorti Merzlikins du match à la faveur de Daniil Tarasov, Pascal Vincent a défendu son gardien partant. « J’ai changé de gardien pour changer le momentum. Je ne pense pas que c’était la faute d’Elvis, mais je voulais agir tout de suite. Le premier but, c’est un revirement. Le deuxième, on est en désavantage numérique. Le troisième, on s’est tiré dans le pied », a résumé l’entraîneur-chef des Blue Jackets.

Ça se poursuit pour le désavantage numérique

Moment cocasse lors du point de presse d’avant-match de Martin St-Louis. Un collègue amorce sa question en soulignant que le Canadien est 1er dans la LNH en désavantage numérique depuis la fin de février. « Ah oui, vraiment ? », s’est exclamé un St-Louis diablement enthousiaste. Il faut rappeler qu’avant cette séquence fructueuse du Canadien, qui a commencé le 27 février, l’équipe était au 32e et dernier rang de la LNH en infériorité numérique depuis l’embauche de St-Louis en février 2022. Mardi, le Tricolore a tenu en échec l’attaque à cinq des Jackets, accordant 11 tirs en 8 minutes. Une bonne partie de ces tirs provenait toutefois de la périphérie, facilitant le travail de Cayden Primeau. Les patineurs du CH ont aussi eu leur mot à dire en bloquant 32 tirs, dont quelques-uns en désavantage numérique. « Joel Armia en a bloqué tout un », a d’ailleurs souligné avec justesse Kaiden Guhle. Armia est rentré au banc sur une jambe après cette séquence, et semblait souffrir de la jambe droite. Il a effectué une seule présence dans les 17 minutes qui restaient alors au match. On ne tombera pas en bas de notre chaise s’il a droit à un congé thérapeutique mercredi.

Guillaume Lefrançois, La Presse