(Raleigh) Martin St-Louis répète souvent que la progression d’une équipe de hockey – et sans doute de bien d’autres choses – n’est pas un processus linéaire.

(Re) lisez notre couverture en direct Consultez le sommaire du match

La défaite de 4-1 du Canadien en Caroline, jeudi soir, en a fait la preuve de plusieurs manières.

Avec quatre points amassés dans une victoire et deux revers en tirs de barrage, l’équipe conclut ce voyage de quatre matchs dans le sud-est des États-Unis avec un bilan franchement potable. Contre des adversaires mieux nantis, le CH s’est serré les coudes et a offert des performances dont il n’a pas à rougir. Le concept, toutefois, a trouvé ses limites à Raleigh.

Les visiteurs ont certes livré une bonne bataille, sur une patinoire où ils n’ont pas gagné depuis des années. Mais en troisième période, une des deux équipes était nettement la meilleure. Et ce n’était pas le Tricolore.

« Je sens que ce voyage est un gros positif, a résumé l’entraîneur-chef après la rencontre. On montre qu’on peut compétitionner contre n’importe qui. »

Plusieurs fois, il a parlé du fait que son club se « rapprochait » des clubs de tête. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il avance à grande vitesse dans leur direction ni qu’il se dirige en ligne droite. Les pauses et les détours sont inévitables. Certaines avancées seront lentes, d’autres rapides.

Deux exemples tirés du match de jeudi illustrent ce dernier phénomène.

Le premier, positif, vient du désavantage numérique. C’est probablement le département qui a le plus piétiné cette saison. Il était mauvais l’an dernier, il l’a encore été depuis le début de la campagne. Trop souvent, ses artisans ont paru confus, brouillons, prévisibles.

PHOTO JAMES GUILLORY, USA TODAY SPORTS VIA REUTERS CON

Juraj Slafkovsky (20)

Or, tiens donc, cette unité a été parfaite au cours des trois derniers matchs et n’a cédé qu’une fois à ses 16 dernières occasions, ce qui lui confère une efficacité de 93,8 % dans l’intervalle. L’échantillon est certes limité, mais on retient surtout la manière dont les quatuors montréalais ont travaillé en Caroline.

Devant l’une des meilleures attaques massives de la LNH, les spécialistes du CH étaient organisés, alertes et agressifs. En quelque six minutes, ils n’ont laissé les Hurricanes ne cadrer que trois tirs.

« On a changé de petites choses qui nous permettent de faire de meilleures lectures, a souligné David Savard en fin de soirée. Il y a plus de clarté dans notre désavantage numérique et ça nous permet d’écouler plus de punitions. […] Ce sont des choses dont on parle beaucoup. On essaie de continuer à s’améliorer. »

Avantage numérique

L’autre exemple de progrès fluctuant vient de l’avantage numérique.

Au cours des deux derniers mois, l’amélioration avait été phénoménale à cinq contre quatre. La première vague connaissait quasi systématiquement de bons matchs, générant des chances de marquer de qualité à presque toutes les occasions qu’elle avait de déferler en zone adverse.

Non seulement la production en avantage numérique a-t-elle ralenti – un but en 20 occasions au cours des huit derniers matchs –, mais c’était particulièrement pénible jeudi.

Nick Suzuki a certes frappé le poteau en première période. Mais en deuxième et en troisième, les punitions dont ont écopé les locaux sont devenues autant de rendez-vous manqués pour les visiteurs. La rondelle circulait avec moins de fluidité, les chances et les tirs étaient rares – à peine deux tirs cadrés en presque sept minutes.

PHOTO JAMES GUILLORY, USA TODAY SPORTS VIA REUTERS CON

Nick Suzuki (14) et Frederik Andersen (31)

Et sans un arrêt spectaculaire de Samuel Montembeault, le CH aurait accordé un autre but avec un homme en plus. Au dernier vingt, Suzuki a tenté une passe du revers à l’aveuglette en direction de Mike Matheson. La passe a plutôt été parfaite pour Seth Jarvis, qui s’est échappé.

« C’était un revirement stupide de ma part, s’est navré le capitaine. C’était un jeu horrible, je ne peux pas faire ça. […] Jarvis m’attendait juste là. »

Au sujet des insuccès à cinq contre quatre, Suzuki a rappelé que les Hurricanes étaient l’un des meilleurs clubs de la ligue en désavantage numérique, et ce, depuis des années. Il a aussi ajouté que si ses coéquipiers et lui avaient profité de leurs chances en début de match, ils auraient pu miser sur un effet d’entraînement. C’est possible.

À propos du revirement de Suzuki, St-Louis a noté que « ce sont des choses qu’on peut corriger », mais que, du reste, « les intentions étaient là ».

Ces erreurs corrigibles deviennent quand même récurrentes. Mais elles nous ramènent surtout à cette non-linéarité du processus. L’avantage numérique semblait avoir débloqué, mais le voilà de nouveau à la recherche d’une étincelle. On pourrait dire un peu la même chose du premier trio, par ailleurs. Cole Caufield n’a pas marqué dans 14 des 15 derniers matchs. Juraj Slafkovsky, qui traîne probablement une blessure, n’a récolté qu’un point à ses huit dernières sorties. Ils semblaient pourtant marcher sur les eaux il n’y a pas si longtemps.

Parallèlement à ces régressions, d’autres éléments ont avancé. On a déjà parlé du désavantage numérique qui vit de beaux moments, mais on pourrait aussi regarder du côté de Joshua Roy, par exemple, qui ressemble drôlement à un joueur de la LNH.

Tout n’est pas perdu, en somme. Le progrès existe, on le voit bien. Seulement, il y a tellement de dossiers à mener de front que le résultat ressemble parfois à un apprenti conducteur qui tente d’apprivoiser la transmission manuelle.

Il arrivera tôt ou tard à destination. Mais ça pourrait être long. Et cahoteux.

En hausse

Samuel Montembeault

PHOTO JAMES GUILLORY, USA TODAY SPORTS VIA REUTERS CON

Sam Montembeault (35)

Il voudra sans doute revoir le premier but, mais il a tenu ses coéquipiers dans le match jusqu’à tard en troisième période.

En baisse

Jake Evans

Une rondelle qu’il a perdue a directement mené au but gagnant des Hurricanes, et il a peiné pendant toute la soirée dans ses confrontations contre les deuxième et troisième trios adverses.

Le chiffre du match

60 %

On s’amusait la veille des déboires de Rafaël Harvey-Pinard au cercle de mise au jeu, mais il a été le seul joueur de centre de son club à gagner la majorité de ses confrontations jeudi : 3 sur 5, ou 60 %.

Dans le détail

Frederik Andersen de retour

À entendre les « Fred-dy ! Fred-dy ! » pendant la présentation des joueurs, on s’est demandé pourquoi il y avait ici autant de nostalgiques du téléroman québécois mettant en vedette Dominique Pétin et Luc Guérin. Après vérification, c’est bel et bien Frederik Andersen que les partisans encourageaient avec enthousiasme. Le gardien est en effet revenu au jeu contre le Canadien après avoir raté 50 matchs en raison d’un ennui lié à un caillot sanguin. Le Danois a rapidement cédé sur un tir de loin de Joshua Roy, mais il a par la suite paru très solide, arrêtant 24 tirs. Il s’est notamment dressé, coup sur coup, devant Josh Anderson et Brendan Gallagher en début de troisième période, et on lui a décerné la première étoile. Pour lui faire de la place dans la formation, la direction des Hurricanes a soumis le nom d’Antti Raanta au ballottage.

Joshua Roy, encore

Unique marqueur de son club en Caroline, Joshua Roy s’est inscrit au pointage dans un deuxième match d’affilée. Et il croyait bien avoir marqué de nouveau en troisième période à la suite d’une belle manœuvre individuelle, mais les officiels ont refusé le but, jugeant qu’Alex Newhook avait gêné le gardien dans son travail. Martin St-Louis a jonglé avec l’idée de contester cette décision, mais il n’était « pas assez sûr » de son coup, surtout avec un pointage de 2-1. « J’aurais peut-être dû prendre une chance », a-t-il dit après le match. Il a toutefois de nouveau complimenté le Québécois de 20 ans. « Il joue du très bon hockey, a-t-il estimé. Il est créatif, il a de la confiance. C’est dommage qu’il se soit fait refuser ce but. »

Sous pression en Caroline

S’il y a une chose qu’il ne faut pas donner aux Hurricanes, c’est une avance en troisième période. Le CH, en effet, n’a cadré que deux tirs au cours des 10 dernières minutes de jeu, dont un très tard avec un pointage de 4-1. Les Montréalais s’étaient fait jouer le même tour à leur dernière visite à Raleigh à la fin du mois de décembre. Les Hurricanes, de fait, sont reconnus pour la pression qu’ils exercent autant en attaque qu’en défense. « En troisième, ils ne nous permettaient pas changer, ce qui nous obligeait à faire de longues présences », a noté David Savard. « Ils sont durs à affronter, a abondé Nick Suzuki. Ils sont vraiment agressifs, toujours dans ta face, et ne te laissent jamais de temps. » Sachant en plus que l’organisation vient d’acquérir Jake Guentzel des Penguins de Pittsburgh, le vétuste PNC Arena s’annonce particulièrement hostile en séries éliminatoires.