Les athlètes se plaisent à répéter qu’ils font abstraction du bruit ambiant, qu’ils ne lisent pas et n’entendent pas ce qui s’écrit ou se dit à leur sujet.

C’est sans doute vrai… jusqu’à un certain point. « Dans l’époque où l’on vit, on sait tous que, même si on veut l’éviter, du bruit trouvera toujours une manière d’arriver jusqu’à nous. On doit accepter que ça existe. »

Au cours d’une brève discussion avec La Presse, jeudi matin, après l’entraînement du Canadien, Jake Allen n’a pas fait semblant. Il sait très bien que maintenant que Sean Monahan a été échangé, il générera beaucoup d’attention à l’approche du 8 mars, date limite des transactions dans la LNH.

Dans sa plus récente liste des 35 joueurs les plus susceptibles de changer d’adresse au cours du prochain mois, l’informateur Frank Seravalli, du site Daily Faceoff, place Allen au septième rang. Le réseau TSN lui attribue le même classement. Le site Athletic, dans une compilation datant du 18 janvier, voyait Allen au cinquième échelon ; deux des quatre joueurs devant lui, Monahan et Elias Lindholm, ont été échangés depuis.

Ce n’est pas non plus comme si Allen venait d’apparaître dans le portrait. Les hommes masqués du Tricolore se sont retrouvés, chacun leur tour, au centre de toutes les conjectures imaginables depuis le mois d’octobre, voire avant. Dès qu’un des 31 autres clubs de la ligue se retrouvait en difficulté devant le filet, le feu gagnait en intensité. Cela sans parler des discussions constantes entourant le ménage à trois chez les gardiens.

« On me parle d’échange depuis le mois de novembre, souligne Allen. En fait, ça fait deux ans que j’entends mon nom circuler. Ce n’est rien de vraiment nouveau. C’est la nature de la bête, et je comprends la situation. Alors je ne m’en fais pas. Ça fait partie de notre travail.

« Je répète toujours la même chose : j’ai signé [un contrat] pour jouer ici. Tant que rien ne change, je suis ici pour jouer. C’est tout ce que je peux faire, et on verra ce qui arrivera d’ici quatre semaines. J’aimerais bien rester ici. »

Inédit

Il est toutefois inédit pour Allen d’être ce joueur-là : celui dont on se demande chaque jour s’il sera échangé. Le défenseur Joel Edmundson était passé par là la saison dernière et avait avoué, une fois l’échéance passée, avoir vécu une importante dose de stress.

Le gardien affirme ne pas se sentir particulièrement stressé, du moins pas encore. « Si tu me le redemandes la semaine avant la date limite, ce sera peut-être différent », concède-t-il. Edmundson, souligne-t-il, avait par ailleurs « déjà été échangé deux fois ».

Allen a lui aussi déjà été échangé, sans toutefois avoir eu droit au crescendo des rumeurs. « Ça ne m’est jamais arrivé », confirme-t-il. À sa dernière saison chez les Blues de St. Louis, en 2019-2020, il était l’adjoint de Jordan Binnington au sein d’une équipe qui venait de gagner la Coupe Stanley. La transaction qui l’a fait passer chez le Canadien à la fin de l’été suivant l’a pris « par surprise ». En pleine pandémie de COVID-19, il était chez lui, au Nouveau-Brunswick, à un moment où personne ne savait à quel moment la ligue reprendrait ses activités. S’il y a eu du « bruit », il ne l’a pas entendu.

Dans le contexte actuel, il tente d’adopter une approche « réaliste », en restant ouvert à toutes les possibilités. Son contrat est assorti d’une liste de sept équipes auxquelles il ne peut être cédé. Cela lui confère, en ce sens, un certain contrôle sur sa destinée.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Jake Allen

Sa famille n’est pas affectée par la situation, assure-t-il. Ses enfants « sont trop jeunes pour le réaliser ». « Et ma femme est avec moi depuis plus de 10 ans dans cette ligue. » Le couple a vu des amis et amies proches traverser cette épreuve. Conséquemment, « elle est flexible et compréhensive, elle sait ce qui est en jeu, elle connaît les possibilités ». « On aime tous habiter ici », ajoute Allen.

« C’est ainsi, laisse-t-il tomber. C’est dans l’air depuis un bon moment déjà, et je pense avoir bien géré ça jusqu’ici. » À moins que le Tricolore ne bouge rapidement, il pourrait avoir à jongler avec la situation encore quelque temps.

Marché tranquille

Depuis le début de la saison, le marché des gardiens n’est pas très actif, voire pas du tout. On peut toutefois se demander si l’aiguille ne bougera pas sous peu, alors que les clubs de tête se préparent pour les séries éliminatoires.

Certaines équipes, pourtant bien positionnées au classement, ont étonnamment peu de profondeur devant le filet. L’Avalanche du Colorado, par exemple, vient de confier le poste d’adjoint à la recrue Justus Annunen. À Edmonton, Stuart Skinner a effectué 28 départs sur une possibilité de 35 depuis que Jack Campbell a été cédé aux ligues mineures. À Toronto, Ilya Samsonov a repris vie après être allé se ressourcer dans la Ligue américaine, mais voudra-t-on amorcer les séries avec un tandem complété par le très bancal Martin Jones ?

Allen apparaît soudain comme l’une des meilleures options sur le marché. Ses statistiques globales sont loin de faire rêver, mais il se maintient parmi les meilleurs geôliers à cinq contre cinq du circuit, et ce, même s’il évolue derrière l’une des pires défenses.

On comprendrait que le salaire moyen de 3,85 millions qu’il empochera pour une autre saison refroidisse les autres équipes à son sujet. Cela étant, le directeur général a encore la possibilité de retenir la moitié de cette somme en concluant une transaction, ce qui lui confère une relative marge de manœuvre, d’autant que les autres options ne sont pas infinies sur le marché.

Le nom de Marc-André Fleury est parfois évoqué ; le Québécois a l’« avantage » de devenir joueur autonome sans restriction, ce qui en ferait un cas classique de joueur dit de location. TSN suggère aussi Kaapo Kahkonen, des Sharks de San Jose. Autrement, avec autant d’équipes coincées sous le plafond salarial, on serait surpris si une aspirante à la Coupe Stanley mettait la main sur Elvis Merzlikins, Jacob Markstrom ou John Gibson au cours des prochaines semaines.