Les Québécois Caroline Ouellette, Pierre Turgeon et Pierre Lacroix ont été intronisés au Temple de la renommée du hockey, lundi soir.

Caroline Ouellette tenait dans ses bras sa fille Liv quand Lanny McDonald s’est adressé à elle en ouverture de cérémonie : « Félicitations et bienvenue au Temple de la renommée du hockey. » Le moment tant attendu était venu.

Granato. James. Heaney. Ruggiero. Goyette. Hefford. Wickenheiser. St-Pierre. Sallinen.

Ajoutez maintenant Ouellette à cette liste de légendes. D’immortelles.

« Chacune d’entre vous m’a inspirée, poussée, montré ce que ça veut dire que d’amener notre jeu au prochain niveau », a d’ailleurs lancé, au début de son discours, la nouvelle intronisée à l’intention des neuf femmes qui l’ont précédée.

Ouellette a souligné avec plus d’insistance l’impact qu’a eu Kim St-Pierre, ancienne coéquipière et grande amie, dans son parcours. C’est d’ailleurs l’ex-gardienne qui lui a remis sa plaque sur la scène, signe de sa grande importance.

« Ta confiance en moi m’a donné la force de trouver ma place et ma voie, de dire Ouellette. Je ne serais jamais devenue la même joueuse sans toi à mes côtés.

« J’espère que, dans cinq ans, je serai assise là où tu es assise présentement et que je serai témoin de la 20femme intronisée au Temple de la renommée. Je crois sincèrement qu’il y a tant de femmes qui méritent ce grand honneur en tant qu’athlètes et en tant que bâtisseuses. »

« Tous les noms possibles »

Dans un discours d’une quinzaine de minutes, Ouellette est revenue sur son parcours au hockey, en commençant par le moment où elle a convaincu, au bout de deux ans, ses parents de l’inscrire au hockey. Elle, cette jeune fille de Montréal qui regardait religieusement les matchs du Canadien.

Mon père n’avait jamais vu une fille jouer au hockey. C’est ma mère, Nicole, qui, éventuellement, m’a amenée au magasin pour acheter ma première paire de patins.

Caroline Ouellette

Ouellette a joué avec des garçons de 9 à 17 ans. Elle a été traitée « de tous les noms possibles », s’est-elle souvenue. Mais ces défis, affirme-t-elle, l’ont « aidée à développer une plus profonde appréciation de la chance qu’[elle] avait de jouer au hockey quand tant de filles de [s]on âge n’avaient pas la même opportunité ».

« Je vais toujours me rappeler ce que mon père me disait au sujet des moqueries : Caro, tu ne contrôles pas ce que les gens disent, mais tu contrôles toujours tes actions et ton attitude. La meilleure chose à faire est de faire la différence sur la patinoire, là où tu as du contrôle. »

Ouellette a ainsi remercié, avec émotion, ses parents d’avoir « cru en Équipe Canada avant même qu’[elle] n’y croie ».

Un à un, la quadruple médaillée d’or olympique a remercié ceux et celles qui ont eu leur rôle à jouer dans sa longue et fructueuse carrière. Du lot, son idole France St-Louis, qui était présente dans la salle, les yeux dans l’eau. Et sa femme, Julie Chu, elle aussi une quadruple olympienne avec l’équipe… américaine. « Elle est extraordinaire, je vous le promets », de dire Ouellette devant l’hilarité générale.

À la fin de son discours, celle qui est présentement entraîneuse-chef associée des Stingers de l’Université Concordia s’est dite « pleine d’espoir pour le futur » avec l’arrivée de la toute nouvelle ligue professionnelle de hockey féminin, dont la première saison s’amorcera en janvier.

« Je suis reconnaissante pour toutes les femmes qui sont passées avant moi et se sont battues pour un futur meilleur pour nous toutes. […] Je suis impatiente d’être témoin de ce qui s’en vient pour notre jeu. J’espère y passer ma vie. Ça ferait de moi la femme la plus heureuse. »

Deux autres grands

C’était aussi le grand soir pour deux autres Québécois : Pierre Turgeon était également intronisé, tout comme Pierre Lacroix, à titre posthume. Le premier en tant que joueur, le deuxième en tant que bâtisseur. Tous deux sont d’ailleurs reliés, Lacroix ayant été l’agent de Turgeon.

PHOTO COLE BURSTON, LA PRESSE CANADIENNE

Pierre Turgeon reçoit sa bague de membre du Temple de la renommée.

« À partir de l’âge de 11 ans, Pierre et sa femme Coco, leurs fils Éric et Martin, m’ont accueilli dans leur famille, a justement mentionné Turgeon. Coco, merci pour ton hospitalité. Je suis tellement honoré et touché d’être intronisé le même soir que ce grand bâtisseur. »

Turgeon, cinquième joueur de l’Abitibi-Témiscamingue à recevoir la consécration ultime, a salué « deux de ses héros » en Dave Keon et Jacques Laperrière, l’organisation des Citadelles de Rouyn-Noranda ainsi que son entraîneur de l’époque, André Racicot.

Le nouvel immortel est revenu sur son parcours, de son repêchage par les Sabres de Buffalo à sa transaction vers Montréal qui lui a permis de réaliser « un rêve d’enfance : jouer pour le Canadien ».

L’ancien capitaine du Tricolore est devenu émotif au moment de mentionner la journée du 23 décembre 2010, date du décès de sa fille dans un accident de la route.

« Je suis reconnaissant pour tout le soutien que nous avons eu de notre famille, de nos amis et du monde du hockey. De quel monde formidable nous faisons partie. Tu nous manques, Liz. »

Les « liens incassables » de Lacroix

Pour l’intronisation de Pierre Lacroix, son ancien collègue chez l’Avalanche du Colorado Joe Sakic y est allé d’un vibrant discours au micro. Puis, le petit-fils de Lacroix, Max, s’est présenté sur scène. Le jeune homme de 19 ans s’est fait la voix de sa famille pour remercier tous ceux qui ont joué un rôle dans le parcours de son grand-père. Il est revenu sur la « loyauté » de ce dernier envers ses joueurs et sur l’amour qu’il leur portait.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE X @HOCKEYHALLFAME

Joe Sakic et le petit-fils de Pierre Lacroix, Max Lacroix

« Un de ses outils secrets pour forger des liens incassables était son amour pour la nourriture, a-t-il raconté en souriant. Le smoked meat de Montréal était son repas préféré. Ça symbolisait sa passion pour la nourriture en plus de créer une atmosphère conviviale au sein de l’équipe. C’était comme si, pendant que les entraîneurs travaillaient sur les exercices à pratiquer, il planifiait le prochain repas, pas seulement pour satisfaire leur faim, mais pour nourrir les liens qui faisaient d’eux des champions. »

« Pierre, qui a toujours évité les projecteurs, se tient désormais devant son éclat. […] Maudit que j’t’aime, papa [c’est ainsi qu’il appelait celui qu’il considérait comme son meilleur ami]. »

Max Lacroix a ensuite invité sa grand-mère, Coco Lacroix, sur scène dans ce qui s’est avéré un des moments les plus touchants de cette soirée d’intronisation :

« Merci beaucoup au monde du hockey. On doit tout au monde du hockey. On a vécu la meilleure vie au monde, c’est le meilleur sport au monde. Je veux juste dire quelques mots à Pierre : ton rêve est devenu réalité, mon amour, je suis tellement heureuse », a-t-elle dit en regardant le ciel.