(Boston) La dernière saison ne s’est certainement pas terminée comme il l’aurait voulu. La direction du club a tenté de le convaincre de disputer une autre campagne. Malgré une logistique familiale complexifiée par la récente arrivée d’un quatrième enfant, un ultime retour aurait été possible, assure-t-il.

Or, le plus simplement du monde, le cœur n’y était plus. Patrice Bergeron a donc pris la seule décision qui lui semblait logique, celle d’accrocher ses patins.

Après avoir publié la veille une longue lettre dans laquelle il remerciait les personnes qui l’ont aidé à connaître une telle carrière, le Québécois a précisé les raisons qui l’ont poussé à prendre sa retraite alors qu’il est encore parmi les meilleurs joueurs de centre de la LNH – il vient d’ailleurs tout juste de remporter le trophée Selke récompensant le meilleur attaquant défensif du circuit.

Lisez « La plume pour éviter le “flafla” »

Devant quelques dizaines de journalistes réunis dans les profondeurs du TD Garden de Boston, Bergeron a été fidèle à lui-même. Patient, calme, mesuré dans ses interventions, autant en anglais qu’en français. Et généreux de son temps, dont il disposera désormais en abondance.

La défaite des Bruins au premier tour des récentes séries éliminatoires a laissé un goût amer, si bien qu’il lui importait de « laisser la poussière retomber » avant de prendre une décision aussi importante pour sa famille et pour lui.

Déjà, en signant un contrat d’un an en août dernier, il se préparait à ce que 2022-2023 soit son dernier tour de piste. L’idée a fait son chemin de semaine en semaine, de mois en mois, au gré de discussions avec des membres de sa famille, des amis, des coéquipiers. « Ils m’ont écouté, ils ont parfois essayé de se faire l’avocat du diable et de peser les pour et les contre, a raconté Bergeron en point de presse. Je pense que c’est ce support qui m’a le plus guidé depuis le début. Plus tu en parles, parfois, plus la réponse vient d’elle-même. C’est un peu ce qui s’est passé. »

Au fil de ces conversations, un thème revenait, invariablement : « Il faut savoir quand partir. » Et porter attention aux signes qui annoncent la fin.

Celui qui n’a jamais raté une journée au gymnase ou sur la glace n’avait, soudain, plus envie de se remettre au travail avec autant d’intensité. Le besoin de renouer avec l’entraînement qu’il a ressenti l’été dernier ne s’est, cette fois, jamais manifesté. Il a attendu que « la motivation revienne ». Elle n’est pas revenue.

Quand il se lève le matin, son corps lui rappelle sans ménagement les sévices physiques subis au cours d’une carrière professionnelle de 20 ans. Les indices s’accumulaient.

Je suis un gars intuitif, j’écoute mon instinct et mon cœur. C’était le moment de passer à autre chose.

Patrice Bergeron

Malgré l’usure du temps, il se dit privilégié d’avoir le luxe de se retirer alors qu’il est encore en pleine possession de ses capacités. La préparation aux entraînements devenait de plus en plus longue. Sur la glace, toutefois, il se sentait « encore bien ». Une récolte de 58 points, dont 27 buts, à 37 ans l’avait déjà confirmé.

De hockeyeur à chauffeur

Il se dit donc prêt à devenir le « chauffeur Uber » de sa famille. Malgré toute la gratitude qu’il ressent pour le sport qu’il adore, il sait que les deux dernières décennies lui ont volé beaucoup de temps avec ceux qui comptent le plus pour lui. « J’ai beaucoup de rattrapage à faire à la maison », résume-t-il.

Ses plans ne sont pas encore établis. Même si l’organisation souhaiterait le garder dans l’entourage du club, le nouveau retraité n’a pas de projet en ce sens. Il ne se voit pas davantage devenir entraîneur à moyen ou long terme.

« Je veux prendre un pas de recul et penser à ce que je veux faire, trouver ce que sera le prochain chapitre. »

Il s’attend à vivre « un petit deuil » l’automne venu, lorsque la rentrée scolaire coïncidera avec sa première absence d’un camp d’entraînement en plus de 30 ans.

« Il va y avoir une première dans plusieurs choses, ça va être spécial, admet-il. En même temps, ç’a été réfléchi, j’ai pris le temps d’y penser longuement. J’ai hâte à la prochaine étape, de voir ce que la vie m’amènera. »

Il se doute que la camaraderie du vestiaire et la compétition lui manqueront. Les longs voyages ? Moins.

Puisque ses deux plus vieux sont déjà inscrits à l’école, un potentiel déménagement à Québec, dont sont originaires Bergeron et sa conjointe, n’est pas envisagé pour la prochaine année. Ça pourrait toutefois suivre. « On verra », souffle-t-il.

Il part avec le sentiment du devoir accompli, sans aucun regret. Avec l’impression d’avoir « tout donné », « tout laissé sur la glace ». Surtout, il ne laisse pas l’échec des dernières séries occulter tout ce qu’il a vécu auparavant.

« Le temps m’a permis d’avoir une vue d’ensemble sur ce que j’avais été capable d’accomplir pendant 20 ans. Je suis tellement reconnaissant de tout ce que j’ai pu vivre comme émotion, comme expériences, comme défis, que la dernière partie, je ne peux pas lui accorder autant d’importance. Il y a eu trop de belles choses. »