Lors de sa rencontre avec les médias à Buffalo, le 8 juin, Kent Hughes avait soufflé le chaud et le froid au sujet de Matvei Michkov.

Tout en rappelant que l’organisation a des « contacts » en Russie pour effectuer des vérifications au sujet de l’intrigant attaquant, Hughes avait aussi soulevé quelques bémols. Entre autres :

  • personne dans l’organisation ne lui avait parlé de vive voix ou ne l’avait vu jouer en personne cette saison ;
  • rien n’empêche Michkov de signer un autre contrat en KHL une fois que sa présente entente viendra à échéance, en 2026.

« On doit d’abord l’évaluer comme joueur, et le comparer avec les autres gros espoirs », avait rappelé Hughes. Des propos qui tombent sous le sens, parce que c’est une démarche qui se fait pour chaque espoir. Mais Hughes s’adressait d’une part au marché de Montréal, marché qui s’enflamme à la possibilité qu’un tel talent soit disponible au cinquième rang. D’autre part, il s’adressait indirectement à ses collègues DG, qui tentent de lire ses intentions dans l’immense partie de poker qu’est le repêchage.

Au cours des derniers jours, plusieurs directeurs généraux se sont à leur tour adressés aux médias en vue du repêchage. Et il était intéressant de constater en quoi leur discours différait de celui du DG du Canadien. Ils semblaient en effet moins prompts à soulever des mises en garde.

Doug Armstrong, directeur général des Blues de St. Louis, a été le plus catégorique : son équipe ne s’est « jamais empêchée » de repêcher des Russes par le passé.

Notons cependant que les Blues parleront au 10e rang ; à moins d’un cataclysme, il serait étonnant que Michkov soit encore disponible.

« Évidemment, le climat politique est différent, a convenu Armstrong, en visioconférence mercredi. Le joueur le mieux coté détient un contrat à long terme et je devine qu’il va l’honorer. Et on ne l’a pas vu en personne. Mais de façon générale, ces joueurs sont si loin de jouer dans la LNH que je n’aurais pas peur d’en repêcher un. »

Armstrong ne parle pas sans connaissance de cause. En 2010, au moment où il faisait la transition vers le poste de DG, les Blues avaient sélectionné Vladimir Tarasenko au 16e rang, à une époque où les Russes dégringolaient souvent au repêchage, de crainte qu’ils soient retenus en KHL. Tarasenko s’était finalement joint aux Blues deux ans plus tard. Dès sa deuxième saison, le dynamique ailier a inscrit 21 buts en 64 matchs et s’établissait comme joueur d’impact.

« Quand j’ai commencé, on ne songeait même pas à amener des Européens tant qu’ils n’avaient pas joué pour leur équipe nationale et qu’ils n’avaient pas connu du succès avec leur équipe professionnelle, s’est souvenu Armstrong. Tu les laissais se développer et ils arrivaient à 23, 24 ans. Mais maintenant, avec l’autonomie complète à 27 ans, le processus est accéléré, car tu as leurs droits pour une durée limitée. »

Armstrong fait commodément abstraction du fait que dans le haut du tableau, les équipes peuvent généralement réclamer des joueurs capables de les aider rapidement. Du repêchage de 2021, par exemple, quatre des cinq premiers joueurs réclamés (Owen Power, Matty Beniers, Mason McTavish et Kent Johnson) ont occupé un rôle important dans la LNH la saison dernière, soit un an après leur sélection. L’autre joueur du quintette, Luke Hughes, est arrivé chez les Devils du New Jersey en fin de saison.

Ross Mahoney, DG adjoint à Washington, a lui aussi relativisé les craintes par rapport au contrat de Michkov à Saint-Pétersbourg. Les Capitals détiennent le huitième choix, et au repêchage de 2022, ils avaient été la première équipe à réclamer un Russe qui jouait en Russie.

C’était Ivan Miroshnichenko, au 20e rang. Cet attaquant jouera en Amérique du Nord dès l’an prochain. D’aucuns diront qu’avec Alexander Ovechkin comme capitaine, les Capitals ont leurs entrées en Russie pour désamorcer les situations délicates.

« J’ai vu ce que les gens écrivent au sujet du contrat, a admis Mahoney, lui aussi en visioconférence. Mais ça arrive que des joueurs, en Russie ou ailleurs, détiennent un contrat de deux ou trois ans.

« À mes yeux, c’est comme si on repêchait un joueur de Saskatoon, dans la WHL. Ce joueur peut encore passer deux ans dans le junior, jouera probablement une saison ou deux à Hershey [le club-école des Capitals], et soudainement, ça revient au même que s’il détenait un contrat de quatre ans avant de venir jouer pour nous. Donc ces questions de contrat ne nous influencent pas vraiment. »

Le retour du rideau de fer

Il reste que les équipes qui repêcheront tôt un Russe, que ce soit Michkov, l’attaquant Daniil But ou le défenseur Dmitri Simashev, le feront avec des données plus limitées que pour les espoirs évoluant dans d’autres pays.

« Tout est arrêté. Donc on se fie beaucoup à nos recruteurs là-bas et à leurs contacts, a admis Doug Armstrong. De plus, ils n’ont pas participé à la Coupe Hlinka-Gretzky, au mondial U18, à la Série Canada-Russie. Ce sont beaucoup d’occasions ratées de les voir jouer en personne, de leur parler et d’apprendre à les connaître. Ça ressemble peut-être plus à ce qu’on faisait avant la fin de la guerre froide ! »

PHOTO MATT SLOCUM, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Daniel Brière, nouveau DG des Flyers de Philadelphie

« Kenny Hoodikoff, notre recruteur en Russie, a rencontré ces joueurs et les a souvent vus jouer en personne, a précisé Daniel Brière, nouveau DG des Flyers, aux médias de Philadelphie. On a aussi passé beaucoup de temps à les analyser sur vidéo. »

Il y a deux semaines, Hughes disait avoir comme « plan » de parler à Michkov de vive voix à Nashville. Brière, qui parlera au septième rang, a dit croire qu’il aura « la chance de le rencontrer » avant le repêchage. Quant à Ross Mahoney, il est resté évasif sur les plans des Capitals, prétextant qu’ils n’étaient « pas finalisés ». Les démarches demeurent opaques, cependant, et l’agent de Michkov n’a pas répondu aux messages de La Presse afin d’obtenir des précisions.

La suite du feuilleton dans les prochains jours à Nashville.