Vous êtes en visite dans la famille par un jeudi soir tranquille, quand vous recevez un appel vous disant que vous êtes invité à la Maison-Blanche dans trois jours.

Ce scénario est peut-être digne d’un film, mais la gardienne de but Jane Gervais l’a vécu dans la vraie vie, il y a deux semaines. Le 12 juin dernier, une cinquantaine d’équipes championnes de la NCAA, de tous les sports, étaient conviées dans la capitale américaine. Les champions des grandes ligues professionnelles y sont reçus chaque année, et cette fois, l’invitation a aussi été transmise aux athlètes collégiaux.

À titre de joueuses du programme de hockey des Badgers du Wisconsin, Gervais et sa compatriote québécoise Marianne Picard ont donc pu s’aventurer au-delà des grilles qui ceinturent le 1600, Pennsylvania Avenue NW.

Gervais était chez ses grands-parents, à Québec, quand elle a reçu l’appel. « L’invitation ne s’était pas rendue du premier coup, donc on l’a su à la dernière minute », raconte-t-elle à La Presse.

Dès lors a commencé un branle-bas de combat. Trois jours après l’appel, elle sautait dans un avion à Québec, à destination de Washington. Arrivée le dimanche soir, elle est repartie le mardi matin, non sans avoir foulé la pelouse de la Maison-Blanche et visité le Capitole.

PHOTO AJ HARRISON, FOURNIE PAR LA NCAA

Jane Gervais et Chayla Edwards

Au début, on attend dans la rue. Ensuite, les chiens renifleurs viennent nous inspecter. Puis, les agents vérifient notre identité. La sécurité était vraiment serrée. On avait même fait préparer un chandail de l’équipe au nom de Joe Biden, et on n’a pas pu rentrer avec. On voulait prendre une photo dans le jardin, près de la fontaine, et on s’est fait dire qu’on était trop loin ! C’était vraiment comme dans un film !

Jane Gervais, gardienne de but des Badgers de l’Université du Wisconsin

« On arrive, il y a de la sécurité partout, des gardes avec de gros fusils, confirme Gervais. On n’a pas pu entrer dans la Maison, mais de proche, c’est tellement impressionnant ! À un moment donné, il s’est mis à pleuvoir, et dès que ça a commencé, des gardes sont apparus avec des parapluies. C’était comme dans un film, comme dans The Hunger Games. »

Voyez un extrait de la cérémonie (en anglais)

Future pédiatre

Picard et Gervais sont les deux seules Québécoises des Badgers. Elles se sont connues au Collège Stanstead et se sont suivies à Madison. « Ça fait du bien d’avoir quelqu’un du Québec avec moi, c’est réconfortant, lance Picard. Des fois, entre les périodes, si j’ai besoin de parler et que je ne veux pas que les autres comprennent, je vais voir Jane. »

PHOTO MEG KELLY, FOURNIE PAR LA NCAA

Jane Gervais et Marianne Picard

Picard joue à l’attaque. Victime d’une déchirure au ligament antérieur croisé à l’automne 2021, elle est revenue dans un rôle de soutien cette saison, « pour reprendre le rythme ». « Un an sans jouer, c’était dur. La saison prochaine, je devrais avoir plus de temps de glace. » Dans ces circonstances, elle a été limitée à 7 points (1 but, 6 passes) en 42 matchs.

Gervais partageait quant à elle la tâche devant le filet avec Cami Cronish en début de saison, mais une blessure subie en novembre lui a fait rater deux mois d’action. À son retour au jeu, elle a joué de façon sporadique, puisque sa coéquipière devenait difficile à déloger, avec 8 jeux blancs en 32 matchs. La carrière universitaire de Cronish est toutefois terminée et Gervais espère s’établir comme gardienne titulaire l’an prochain.

Les deux Québécoises ont la chance de jouer au sein de l’un des programmes de hockey les plus réputés de la NCAA. Les Badgers ont en effet remporté trois des quatre derniers titres nationaux et évoluent dans des installations enviables. Leur domicile, le LaBahn Arena, a été inauguré en 2012.

On est traitées comme des pros. La bouffe et l’appartement sont payés, l’aréna ouvert en tout temps. Tu peux t’entraîner en privé avec les coachs. Je suis venue ici pour Mark Johnson, un des coachs les plus réputés.

Marianne Picard, attaquante des Badgers de l’Université du Wisconsin

Picard espère que ses années dans les terres de Cole Caufield lui ouvriront les portes d’Équipe Canada et du hockey professionnel. Parmi les options qu’elle aimerait avoir : jouer pour la Force de Montréal et étudier à McGill. Car dans deux ans, elle souhaite tenter sa chance à l’école de médecine pour devenir pédiatre.

« À force de travailler dans les écoles de hockey, j’ai réalisé que j’adore les enfants. Donc je peux appliquer ça à la médecine. Et j’ai beaucoup d’énergie ! », lance-t-elle.

Gervais vient quant à elle de terminer son baccalauréat en gestion de la technologie et amorcera sa maîtrise à l’automne, une formation qui pourrait par exemple lui permettre de gérer les départements sportifs en milieu scolaire. Mais elle trouve que l’option d’une carrière professionnelle « s’en vient vraiment intéressante ».

« Avant, les options n’étaient pas viables à long terme. Mais maintenant, avec la PHF, ça change. Une de mes amies, Maude Poulin-Labelle, vient de signer un contrat de 69 000 $. Il me reste deux ou trois ans à l’école et je verrai ensuite. »

En attendant, la voie universitaire leur a permis de vivre l’expérience d’une vie, même si les circonstances ont fait en sorte que le président Biden n’a pas assisté à l’évènement. Il subissait un traitement de canal, le chanceux.

On n’est pas entrées, on restait dehors, mais c’était impressionnant. Kamala Harris a fait le discours, elle était comme à 10 m de nous. C’est fou de prendre une seconde et de réaliser que tu es sur le gazon de la Maison-Blanche ! Peu de gens vont vivre ça.

Jane Gervais

Une semaine plus tard, sa coéquipière Marianne Picard n’était toujours pas redescendue de son nuage, elle non plus.

« C’est là que j’ai réalisé que cette femme-là est une des personnes les plus puissantes au monde. Elle, la vice-présidente des États-Unis. Et moi, la petite fille du Québec ! De la voir en personne, c’était irréel ! »

Pas les seules

Marianne Picard et Jane Gervais n’étaient pas les seules représentantes du Québec à avoir mis les pieds sur le terrain de la Maison-Blanche le 12 juin. L’équipe championne du tournoi masculin de hockey, les Bobcats de l’Université Quinnipiac, comptaient dans leurs rangs quatre joueurs d’ici. Le gardien Yaniv Perets, le défenseur Charles-Alexis Legault et l’attaquant Cristophe Tellier ont donc eu droit à la visite, tandis que le quatrième Québécois du club, Christophe Fillion, n’a pas pu s’y rendre. En water-polo, la Québécoise Floranne Carroll a également fait le voyage, en tant que membre de l’équipe de l’Université Stanford.

En savoir plus
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    Le programme féminin des Badgers de l’Université du Wisconsin a remporté sept championnats de la NCAA depuis 2006.