Le repêchage 2023 ne regorge pas d’espoirs de premier plan en provenance du Québec, une réalité également vraie devant le filet. Mais même sans faire parler d’eux, les meilleurs gardiens québécois sont encore à un niveau précoce dans leur développement. Qui sait si l’un d’eux sera une carte cachée ?

L’actualité des derniers mois nous a rappelé en quoi le développement des gardiens est une science inexacte et imprévisible.

Le Montréalais Devon Levi, 212e joueur repêché en 2020, 19e gardien réclamé, a débarqué dans la LNH au terme d’une glorieuse carrière universitaire. Il aura toutes les chances, au prochain camp d’entraînement, de démontrer qu’il peut jouer à Buffalo à temps plein.

Adin Hill a été repêché au 3e tour en 2015, mais était cantonné à un rôle de numéro 2 depuis plusieurs années. Il est devenu le gardien titulaire des Golden Knights de Vegas ce printemps et porte maintenant le titre de champion de la Coupe Stanley. Repêché un rang derrière lui en 2015 : Samuel Montembeault, largué par les Panthers de la Floride il y a deux ans, jugé assez compétent pour représenter le Canada au Championnat du monde ce printemps.

Ce qui nous mène au repêchage de la semaine prochaine. Cette cuvée 2023 n’est pas vue comme un grand cru devant le filet, en l’absence d’espoirs enthousiasmants comme l’étaient Spencer Knight et Yaroslav Askarov ces dernières années.

Parmi les gardiens nés au Québec, aucun n’intéressait assez d’équipes pour faire partie des 106 joueurs invités au camp d’évaluation de la LNH il y a deux semaines. C’est donc au téléphone que nous avons joint Quentin Miller, Rudy Guimond et Daniel Héroux, classés respectivement 11e, 17e et 21e parmi les gardiens nord-américains par la Centrale de recrutement de la LNH.

Développement tardif

Pour plusieurs recruteurs, la taille est une espèce de prérequis incontournable. Or, à son année de repêchage dans la LHJMQ, Rudy Guimond mesurait 5 pi 7 po. Cette saison, il s’est présenté au camp d’entraînement à 6 pi 1 po, et il fait maintenant… 6 pi 4 po !

« Je pense que je vais grandir encore, je n’ai presque pas de barbe, j’ai encore l’air d’un bébé ! », lance-t-il en riant.

Guimond a suivi un parcours atypique. Plutôt que de tenter sa chance avec les Lions du Lac St-Louis, comme les meilleurs joueurs de l’Ouest-de-l’Île, il a plutôt joué à Kuper Academy, à Kirkland, afin de s’inscrire au programme sport-études. Issu d’une famille qui valorise l’éducation, « c’était très clair que je voulais aller dans la NCAA », précise-t-il. Ce qu’il fera à l’Université Yale, rien de moins, à compter de 2025.

Avec un tel profil, il n’a jamais été repêché dans la LHJMQ et portait cette saison les couleurs de Taft, un « prep school » du Connecticut.

Daniel Héroux tenait lui aussi à passer par les bancs d’école, mais a été repêché par les Mooseheads d’Halifax, une organisation aux vastes ressources. Héroux a d’ailleurs passé 48 heures au camp de l’équipe. « Tu vois les entraîneurs, les membres du personnel, c’est vraiment du sérieux », dit-il.

PHOTO FOURNIE PAR DAVE ARNOLD

Daniel Héroux

Mais à l’automne 2024, il se joindra à l’Université du Vermont, à moins de deux heures de Montréal, maintenant qu’il a terminé ses études à Kimball Union Academy, au New Hampshire.

« Je serai au Vermont jusqu’à 23 ans, je serai bien meilleur et prêt pour aller jouer pro, confie le Montréalais au bout du fil. Je connais des gars qui sont sortis de la LHJMQ à 20 ans et ils ne trouvaient pas d’équipe professionnelle. Je voulais avoir du temps et être prêt quand je vais arriver dans le pro. »

Quentin Miller, lui, n’a jamais même pensé à la NCAA parce que de son propre aveu, « personne ne [le] connaissait ».

« J’ai toujours joué dans le CC, BB. Dans le midget, c’était la première fois que je jouais dans le AAA », détaille-t-il. Les Remparts de Québec ont finalement repêché cet Ahuntsicois au 176e rang en 2021, et en tant qu’auxiliaire de William Rousseau, il a remporté la Coupe Memorial ce printemps.

Quel potentiel ?

Employé dans 20 matchs en saison, Miller n’a pas joué une seule minute en séries, et a eu droit à 14 petites minutes pendant la Coupe Memorial.

« Même si je n’ai pas joué, j’ai vu ce que c’est d’aller en séries, la préparation que ça demande, rappelle-t-il. Et Rousseau a fait une super bonne job, donc ce n’était pas injuste non plus ! J’ai essayé de soutenir les gars. Quand on se préparait à jouer contre une équipe, on analysait le gardien adverse. À la fin des entraînements, j’essayais d’imiter ses faiblesses pour aider nos attaquants. »

Les recruteurs ont donc un échantillon limité pour l’évaluer. Ça n’a pas empêché une vingtaine d’équipes de la LNH, selon son estimation, de le contacter au cours des derniers mois.

« Plusieurs gardiens signent des contrats sans avoir été repêchés. Je vais faire mon chemin malgré tout », prédit-il. Le départ de Rousseau, échangé à Rouyn-Noranda, devrait cependant l’aider à jouer davantage la saison prochaine.

Rudy Guimond, lui, n’a pas eu droit à autant d’entrevues. Après avoir grandi, il doit maintenant « remplir » sa charpente, et c’est ici que la voie universitaire pourrait le servir.

« Certains gardiens sont prêts à jouer pro à 20 ans, en finissant la LHJMQ, concède Dan Shakibaian, son conseiller. Mais Rudy, même à 164 lb, n’est pas encore mature physiquement. Ça lui donne six ans pour prendre du poids, pour être prêt physiquement pour les luttes dans son demi-cercle. »

Ce n’est pas que la LHJMQ n’est pas bonne pour les gardiens, mais certains gars ont besoin de plus de temps.

Dan Shakibaian, conseiller de Rudy Guimond

Les équipes de la LNH se tournent rarement vers les écoles secondaires pour dénicher des gardiens. Deux portiers y ont été repêchés en 2015, mais un seul en sept repêchages depuis.

Cela dit, les Red Wings de Detroit et les Flyers de Philadelphie se sont entretenus avec Guimond par visioconférence. Sa courbe de croissance pourrait en intriguer certains. Et il vient de conclure la saison avec une efficacité de ,943, la 3e du circuit scolaire de la Nouvelle-Angleterre. « Même si je ne suis pas repêché, je sais que je pourrai jouer pro après Yale », rappelle-t-il.

Daniel Héroux a lui aussi connu une saison faste, avec une efficacité de ,933 dans ce même circuit. Mais au moment de lui parler, il ne pensait pas se rendre à Nashville pour le repêchage. « J’ai tellement de temps, je dois juste continuer à travailler. Si je suis assez bon, je suis assez bon. »

Le repêchage est par nature un exercice de projection. Mais avec les circonstances particulières à la position de gardien, prédire le potentiel d’un jeune de 18 ans semble plutôt périlleux.

Les principaux espoirs

Carson Bjarnason

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB NHL.COM

Carson Bjarnason

  • No 1 des gardiens d’Amérique du Nord (Centrale de recrutement de la LNH)
  • 6 pi 3 po, 190 lb
  • Fiche en 2022-2023 : 21-19-6, moyenne de 3,08, efficacité de ,900 avec les Wheat Kings de Brandon (WHL)

Né à une cinquantaine de kilomètres de Brandon, jouer pour l’équipe junior de sa région était à ses yeux une meilleure option que la NCAA. Son nom de famille est d’origine danoise, mais il est issu de la communauté métisse et tient en admiration un autre gardien issu des Premières Nations en Carey Price. « J’essaie d’être aussi calme que lui. Cette sérénité est ce qui me distingue », nous a-t-il dit, au camp d’évaluation de la LNH, il y a deux semaines.

Michael Hrabal

  • No 2 des gardiens d’Amérique du Nord (Centrale de recrutement de la LNH)
  • 6 pi 7 po, 215 lb
  • Fiche de 2022-2023 : 9-13-7, moyenne de 2,86, efficacité de ,908 avec les Lancers d’Omaha (USHL)

Ce Tchèque qui n’a rien à envier à Shaquille O’Neal vient de terminer sa première saison en Amérique du Nord. La saison prochaine, il se produira à l’Université du Massachusetts. Il espère y rester trois ans avant de passer aux rangs professionnels. Hrabal a rencontré le Tricolore pendant la semaine à Buffalo et dit avoir eu « une bonne impression » suite à cette entrevue.

Trey Augustine

  • No 3 des gardiens d’Amérique du Nord (Centrale de recrutement de la LNH)
  • 6 pi 1 po, 190 lb
  • Fiche en 2022-2023 : 29-1-2, moyenne de 2,13, efficacité de ,926 (équipe U18 du Programme national de développement des États-Unis)

Ses statistiques sont renversantes, mais il joue derrière une fabuleuse machine de hockey, où on retrouve notamment les espoirs Will Smith, Ryan Leonard et Gabriel Perreault. Le défi des recruteurs consiste donc à déterminer quelle part des succès de l’équipe lui revient. À Buffalo, ses coéquipiers ont abondé dans le dithyrambe. « Le meilleur gardien sur qui j’ai tiré, a martelé Smith. Quand j’arrive dans les matchs, ça devient facile. Il n’est pas le plus grand, tu penses avoir trouvé une ouverture, mais la rondelle finit dans son gant. »