Le Canadien a beau avoir écoulé presque tous ses billets cette saison, la patience des partisans ne sera pas éternelle. C’est pourquoi Geoff Molson a aligné sa position sur celle de son directeur général, Kent Hughes, qui a dit à son bilan de fin de saison que ses attentes « vont changer ».

« Je pense qu’il a raison », a lancé Molson, en mêlée de presse en marge d’une annonce de don au programme de tennis des Carabins de l’Université de Montréal.

« L’équipe qui a joué la première moitié de saison, en santé, était beaucoup plus performante que celle en deuxième moitié, à cause des blessures et peut-être autre chose. C’est une longue saison. Les jeunes ont très bien joué en première moitié et l’année prochaine sera une autre année d’expérience. Même pour eux, les attentes seront plus élevées. »

Les indices pour mesurer la patience des partisans sont imparfaits. Il y a bien eu ces huées entendues ici et là, les quelques soirs où l’équipe s’est fait détruire, ou quand l’avantage numérique était incapable de s’organiser.

Sinon, on peut relever les bancs vides au Centre Bell. L’équipe a officiellement annoncé des salles combles de 21 105 spectateurs pour 37 de ses 41 matchs à domicile la saison dernière, mais dans les faits, certains abonnés ne se déplaçaient pas ou étaient incapables de revendre leurs billets.

Au sujet des billets, Molson a d’ailleurs peu subtilement esquivé une question lui demandant s’il allait revoir le principe des matchs dits « Premium » l’an prochain. Cette catégorisation servait en effet de justification à l’équipe pour majorer le prix des billets de certains matchs.

« Ce que j’ai vu, c’est une foule extraordinaire qui a soutenu l’équipe à chaque match, a lancé le propriétaire du Canadien, dans un élan d’enthousiasme. Je suis très fier que nos partisans nous aient [encouragés] pendant les périodes creuses avec des blessures et on va tout faire pour revenir en santé l’an prochain. »

Encore l’infirmerie

Molson a tenu un bilan somme toute positif, à l’exception de l’épineuse question des blessures. Il n’y a pas fait référence une, mais bien deux fois avant même que le point soit explicitement mentionné dans une question.

« Si on laisse les blessures de côté, l’avenir est très prometteur », a-t-il dit dans sa première réponse. L’autre mention était dans la première citation rapportée en début de texte.

Rappelons que pour la deuxième saison de suite, le Tricolore a mené la LNH au chapitre des matchs manqués par les joueurs en raison de blessures. Ils ont raté quelque 600 matchs, si bien que l’équipe était privée de 7 joueurs par match, en moyenne.

« On ne va jamais gagner avec autant de blessures, a affirmé Molson. Jeff et Kent [Gorton et Hughes, et non pas l’ancien joueur de baseball] l’ont dit. Il faut regarder partout pour voir comment on peut être plus en santé comme équipe. C’est un travail qu’on va faire cet été. »

Loin du niveau des séries ?

Pendant un instant, on a cru que Marc Bergevin s’était déguisé en Geoff Molson. « La première chose que ça me dit, c’est que n’importe quelle équipe peut gagner », a laissé tomber le proprio du Canadien, une idée que son ancien directeur général évoquait souvent.

Molson parlait ici du premier tour des séries de la LNH. À ses yeux, « dans trois séries, l’équipe pas [censée] gagner a gagné ». Dans les faits, si on s’en tient strictement au classement de la saison, l’équipe négligée a remporté deux des huit séries de premier tour : Seattle (contre le Colorado) et la Floride (contre Boston).

« Ça démontre l’équité dans la Ligue nationale. Chaque match, n’importe quelle équipe peut gagner. On voit des équipes qui se développent depuis six, sept ou huit ans, qui essaient de gagner et enfin, elles ont réussi. »

J’espère que nous, comme équipe, nous allons apprendre et suivre le chemin des équipes qui gagnent.

Geoff Molson

Bien malin celui qui trouvera une seule marche à suivre dans la construction des huit équipes qui ont triomphé au premier tour. Le Kraken de Seattle et les Golden Knights de Vegas sont des modèles difficilement applicables ailleurs puisqu’ils sont issus de l’expansion. Les Devils du New Jersey ont dû « reprendre » leur reconstruction après qu’une participation inattendue aux séries en 2018 fut finalement un mirage.

Après de très longues traversées du désert, les Maple Leafs de Toronto, les Hurricanes de la Caroline, les Panthers de la Floride et les Oilers d’Edmonton participent régulièrement aux séries depuis quelques années, tandis que les Stars de Dallas alternent entre exclusion des séries et parcours intéressant depuis 10 ans. Mais leur fabuleux repêchage de 2017 (Miro Heiskanen, Jake Oettinger, Jason Robertson) pourrait très bien les lancer jusqu’à la fin de la décennie.

Alors, quel modèle suivra le Canadien ?

Les décisions de Hughes et de Gorton autour de la période du repêchage et du marché des joueurs autonomes en diront long. Mais quand, après deux ans de reconstruction, on prévoit déjà des « attentes plus élevées », c’est probablement le signe d’un propriétaire qui n’entend pas patienter encore cinq ans.

Ne vous attachez pas aux chandails bleus…

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Le Canadien a montré une fiche de 1-6-1 dans les matchs disputés avec les chandails bleus rétro cette saison.

Les fameux chandails bleus rétro du Canadien ont fait jaser toute la saison. L’équipe a montré une fiche de 1-6-1 dans les matchs disputés en bleu cette saison, subissant quelques-unes de ses pires dégelées de l’année. Après le huitième et dernier match en bleu, Martin St-Louis n’avait pas mâché ses mots. « C’est une franchise historique… Il y a probablement des gars qui ont porté ce chandail il y a 50 ans, en rouge et blanc, et qui nous regardent d’en haut en se disant : “Qu’est-ce que vous faites en bleu ?” » Geoff Molson a rappelé que « c’est une initiative de la ligue [que l’équipe] soutient », mais a aussi reconnu que si elle revient, des changements seraient apportés. « C’est impossible de croire que c’est à cause des chandails, mais on a perdu beaucoup de matchs ! a-t-il convenu. Je ne pense pas qu’on va revoir [les chandails bleus] l’an prochain. […] Si ça revient, on va changer de couleur, je pense ! »

Guillaume Lefrançois, La Presse