« Ce n’est pas comme si on tuait le temps », a promis Martin St-Louis, un peu plus tôt cette semaine, alors que son équipe venait de se faire blanchir dans un deuxième match de suite. « On vient au travail », a-t-il ajouté.

Ses hommes lui ont d’abord donné raison jeudi. Et ils lui ont ensuite donné tort samedi. Dans une défaite de 7-1 aussi cinglante que gênante, le Tricolore a eu l’air de ce qu’il est : une équipe à plat, physiquement comme émotionnellement.

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Les Leafs, eux, ont aussi montré leur vrai visage. Celui d’une équipe de tête, prête aux rigueurs des séries éliminatoires.

St-Louis n’a pas tenté de maquiller la réalité. « On n’était pas là », a-t-il dit à quatre reprises pendant une mêlée de presse éclair de 62 secondes, au cours de laquelle il s’est exprimé dans les deux langues officielles.

Quelles étaient ses attentes, a priori ? « Être meilleurs que ça. »

Avait-il sous la main les armes nécessaires pour contrer les deux premiers trios des Leafs, l’un des meilleurs top 6 du circuit ? « Ça prend de meilleures intentions. »

Sheldon Keefe, son homologue torontois, a parlé de la manière « intelligente » et « structurée » dont ont joué ses hommes. « Ils n’ont rien fait pour se nuire », a-t-il résumé.

Deux qualificatifs qu’on ne pourrait affubler au Canadien, qui a donné six avantages numériques aux locaux. Ceux-ci en ont profité pour marquer trois fois.

Samuel Montembeault a été mitraillé de 46 lancers, presque autant que les 50 consentis aux Hurricanes de la Caroline il y a une semaine. Le CH a répliqué avec 21 petits tirs, dont un seul en première période.

Le site Natural Stat Trick a établi que les Leafs avaient eu l’avantage par 17 à 1 au chapitre des chances de marquer de qualité à 5 contre 5. On pourrait mentionner qu’il s’agit d’une statistique somme toute subjective, mais avec un tel écart, la tendance est indéniable.

« On a écopé de trop de punitions. C’est difficile de générer du momentum, a noté Mike Matheson. Quand tu donnes des chances à une équipe comme ça, c’est difficile. » C’est sans doute un euphémisme.

Il a vu ses adversaires « gagner en confiance » grâce à leur exécution en avantage numérique, ce qui s’est reflété sur le jeu à cinq contre cinq. Dans ces circonstances, « tu sais que ça n’ira pas bien pour toi », a poursuivi le défenseur, très à propos.

« On savait à quoi s’attendre, mais on n’a pas bien réagi, a renchéri Joel Edmundson. On devait être disciplinés ; on ne l’a pas été. »

Pas fiers

Chris Wideman a été autrement plus direct. « Je ne suis pas sûr qu’il y ait grand-chose dont on puisse être fiers », a-t-il lancé.

Il y a une semaine, après avoir vu ses hommes être lessivés par les Hurricanes, Martin St-Louis avait donné raison aux partisans qui ont hué son club au Centre Bell.

Les deux affirmations sont lucides, mais elles ne sont pas réjouissantes. Pas seulement pour les courageux qui combattent la lassitude en regardant les derniers matchs. Mais aussi pour le proverbial développement de cette jeune équipe et de sa toute aussi proverbiale « culture ».

Reconstruire signifie souffrir. Il faut perdre des matchs pour descendre au classement et obtenir des choix avantageux au repêchage. La recette est connue.

Mais perdre de cette manière ? À répétition ? Il y a évidemment une armée de blessés, mais il n’y a plus beaucoup de signes de la belle hargne qui animait cette formation il y a quelques semaines encore. Celle qui lui donnait la capacité de surprendre quelques adversaires mal préparés.

Il reste néanmoins quelques guerriers. Matheson, notamment, qui a encore flirté avec les 30 minutes de jeu samedi.

« Il nous reste deux matchs pour nous prouver, terminer la saison sur une bonne note et partir pour l’été avec un peu de positif », a-t-il souligné.

Invité à commenter le fait que les Leafs ont déployé leur première vague d’avantage numérique avec une avance insurmontable en toute fin de match, le Montréalais n’a pas tiqué.

« Comme compétiteur, je veux jouer contre les meilleurs tout le temps. Je crois qu’on serait de mauvais perdants si on se fâchait qu’ils sortent cette unité. Ils se préparent pour les séries, ils veulent donner à leurs gars autant de chances que possible. J’aurais aimé leur donner une meilleure opposition, mais je voulais voir leur première vague. »

Il faudrait bien encadrer ces sages paroles dans le vestiaire pour les deux ultimes duels, contre les Islanders de New York, qui joueront possiblement leur saison, et contre les Bruins de Boston, qui se passent de présentation.

Perdre ces rencontres n’aura pas d’impact sur la destinée de cette équipe. La manière de jouer, toutefois, sera significative.

Martin St-Louis a parlé toute la saison de la primauté du processus sur les résultats. Ce serait un bon moment pour montrer que la leçon a été apprise.

En hausse

PHOTO DAN HAMILTON, USA TODAY SPORTS VIA REUTERS

Nick Suzuki

Le capitaine n’a pas abandonné. Même si ça ne se traduit pas sur la feuille de match, chacune de ses présences est marquée par un effort sincère et acharné. Un exemple pour ses coéquipiers.

En baisse

PHOTO ERIC HARTLINE, USA TODAY SPORTS VIA REUTERS CON

Jake Evans

Sa confrontation contre le trio de Ryan O’Reilly a été à l’avantage évident des Leafs. Et il s’est fait humilier à un contre un par Auston Matthews en troisième période sur la séquence menant au sixième but des locaux.

Le chiffre du match

PHOTO FRANK GUNN, LA PRESSE CANADIENNE

Ilya Samsonov (35) fait l’arrêt devant Michael Pezzetta (55).

3

En 8 minutes d’avantage numérique, seulement trois petits lancers du Tricolore ont atteint le gardien Ilya Samsonov. C’est mince, au bas mot.

Dans le détail

Michael Pezzetta malmené

Immédiatement après que les Leafs eurent pris les devants 2-0, en première période, Michael Pezzetta a jeté les gants face à Wayne Simmonds. On ne doute pas de ses bonnes intentions, mais ça ne s’est pas passé comme il le voulait. Trois coups de poing plus tard, Pezzetta était au sol. On parle peu de lui, mais le numéro 55 ne connaît pas une très bonne fin de saison. Il n’a pas amassé le moindre point à ses 11 derniers matchs. Il présente un différentiel de -5 à ses trois dernières sorties. Et malgré toute sa volonté, ce n’est pas un pur bagarreur non plus. Il soulignait, au cours des derniers jours, être l’un des rares attaquants actuels du club à présenter un style robuste sur la glace. Il a probablement raison, mais cela lui suffira-t-il à se voir offrir un nouveau contrat l’été prochain ? Ce n’est pas fait, disons.

Un inconnu sur le banc

On a eu beau fouiller, mais on n’a trouvé aucune trace de Jett Alexander dans le système de développement des Maple Leafs. Le gardien de 23 ans, qui défend d’ordinaire le filet de l’Université de Toronto, était pourtant en uniforme au bout du banc. L’organisation lui avait accordé, quelques heures avant la rencontre, un contrat d’essai amateur. Avec la blessure de Matt Murray, dont le nom n’a toutefois pas été ajouté à la liste officielle des blessés, les Leafs se retrouvaient dans l’absurde situation où ils n’avaient plus assez d’espace salarial disponible pour rappeler un gardien des mineures, et pas davantage pour offrir un contrat à l’espoir Matthew Knies, dont l’arrivée dans la Ville-Reine est attendue de pied ferme. En faisant d’Alexander son gardien d’urgence, l’équipe a ainsi « créé » l’espace nécessaire pour revenir à ses affaires habituelles au cours des prochains jours. Un autre apprentissage riche.

La controverse qui n’en est pas une

Jett Alexander, dans tous les cas, se souviendra longtemps de cette soirée. Le jeune homme, résolument survolté, a été envoyé dans la mêlée alors qu’il restait 70 secondes au match et que son équipe était en avance 7-1. Il n’a reçu aucun tir, mais pourra dire qu’il a joué dans la LNH, ce qui, de l’opinion unanime, n’est pas rien. Sa présence a toutefois provoqué de toutes petites flammèches dans les deux camps. L’entraîneur-chef des Leafs, Sheldon Keefe, a avoué que ce n’était « pas [sa] décision ». Qui donc a passé la commande ? « Ce n’est pas important », a-t-il rétorqué. Chez le Canadien, Chris Wideman n’a pas apprécié du tout le geste des Leafs, qu’il a perçu comme un affront. « Ils auront ce qu’ils méritent dans quelques semaines », a-t-il lancé en fin de soirée aux journalistes Eric Engels et Kevin McGran, référence à l’historique d’éliminations rapides des Torontois en séries éliminatoires. Personne d’autre, toutefois, ne s’est formalisé de la situation. « Je pense que c’était cool pour lui », a résumé Mike Matheson. Fin de la non-controverse.