(Trois-Rivières) Le sixième chapitre de la Série de la rivalité entre les Canadiennes et les Américaines, disputé lundi soir à Trois-Rivières, avait toutes les allures d’une finale olympique. Un autre grand match, une autre victoire du Canada, cette fois par la marque de 5-1, et une autre soirée signée Marie-Philip Poulin.

Chaque match dans lequel est impliquée Poulin se transforme en conte de fées. Parce qu’elle met des étoiles dans les yeux de tous ses admirateurs, mais surtout parce qu’elle trouve le moyen de rendre la finalité toujours un peu plus belle. Un peu plus spéciale.

La rivalité entre le Canada et les États-Unis aurait une saveur bien différente si la Beauceronne n’y était pas. À l’inverse, sa légende n’aurait pas l’ampleur actuelle sans tous ces moments de grâce contre les Américaines.

Dans le délire le plus complet, la joueuse de 31 ans a inscrit le cinquième filet des siens, récoltant ainsi son 200point en carrière avec l’équipe canadienne. Elle est la cinquième à atteindre ce plateau dans l’histoire du programme.

Même si elle avait un filet béant, sa coéquipière et partenaire de trio Brianne Jenner a préféré lui remettre le disque, pour que Poulin puisse écrire une autre page d’histoire.

« On a commencé dans le programme ensemble quand on avait 16 ans, a précisé la capitaine après la rencontre. C’est comme un cycle. C’est quand même fou ce qui s’est passé. »

PHOTO STÉPHANE LESSARD, LE NOUVELLISTE

Les deux équipes ont maintenant trois victoires dans la Série de la rivalité.

D’autant plus que le Canada devait absolument gagner ce duel pour rester en vie dans la série. Après avoir perdu les trois premières rencontres, les championnes olympiques en titre ont refusé de s’éteindre, remportant les deux matchs suivants.

Avant cet autre affrontement sans lendemain, à l’ouverture des portes, une masse d’irréductibles était agglutinée à l’entrée principale. Dans la masse, des chandails numérotés 29 par dizaines. L’équipe canadienne jouait au Québec pour la première fois depuis 2017. Hors de question pour les amateurs de rater le retour au bercail de leur reine.

Un total de 4636 personnes se sont présentées. Un record pour l’établissement trifluvien.

De toutes ces personnes, aucune n’est restée assise lors de l’hommage servi à Poulin avant la rencontre. Ses deux parents, Danye et Robert, ainsi que son frère, Pier-Alexandre, étaient présents, fiers et émus, au centre de la glace, lorsque Poulin a été célébrée pour avoir remporté le trophée Étoile du Nord, remis à l’athlète canadien de l’année en 2022.

Habituellement rigide et impassible, Poulin s’est laissé emporter par les émotions. La foule a bondi et lui a servi une ovation de plusieurs minutes.

C’était un moment très émotif. […] Ça m’a touchée.

Marie-Philip Poulin

Ébahie et soufflée par cette cérémonie, la jeune Elizabeth Giguère ne pouvait qu’apprécier et surtout prendre conscience de son privilège de pouvoir côtoyer l’idole de toutes les générations. « On est fières d’elle. Ça ne fait pas très longtemps que je suis dans cette équipe, et juste de la voir pratiquer chaque jour, tu vois qu’elle mérite tout ce qui lui arrive. Je suis juste honorée de faire partie de ça. »

Poulin est l’une des rares athlètes à avoir la faculté de briller même si elle est plus effacée. Elle n’a pas été la meilleure joueuse de ce sixième match, mais elle aura été la plus inspirante malgré tout.

Domination canadienne

Visiblement portée par l’ambiance et la grandeur du moment, la troupe canadienne a rapidement imposé son rythme.

Sarah Nurse s’est emparée d’un retour de lancer en avantage numérique ; 18 secondes plus tard, Laura Stacey, la meilleure chez les Canadiennes, a décoché un tir dans la lucarne pour doubler l’avance des locaux. La partie n’était pas encore vieille de quatre minutes.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Kelly Pannek et Kristin O’Neill

À vrai dire, ce début de rencontre a scié les jambes des Américaines, incapables de générer la moindre offensive. Dominées dans toutes les phases du jeu, les visiteuses ont lancé seulement deux fois sur la gardienne Ann-Renée Desbiens au premier vingt.

« J’ai joué beaucoup à l’extérieur du filet. J’ai l’impression que j’ai eu plus de passes que de lancers », a blagué la native de Charlevoix.

Claire Thompson et Brianne Jenner ont été les autres marqueuses. Comme quoi une joueuse de premier trio ou même une défenseure de deuxième paire sont capables de contribuer.

« Je suis fière de notre équipe », a ajouté Desbiens, persuadée que le dernier match, mercredi à Laval, sera tout aussi intense.

Un autre chapitre

L’une des deux équipes sera couronnée championne de la série d’ici 48 heures. Il est difficile de conserver le rythme lorsque le nombre de jours entre les matchs se compte en semaines.

Néanmoins, considérant la manière dont les Canadiennes ont joué et la proximité du match ultime, les favorites locales ont réellement le vent dans les voiles.

D’autant plus que les Américaines, Hilary Knight et Megan Keller en tête de liste, ont joué d’indiscipline, visiblement frustrées par le déroulement de la soirée. Les arbitres ont même dû intervenir à plusieurs reprises pour éviter les débordements.

Un match Canada et États-Unis, on dirait toujours un match de médaille d’or, peu importe on joue où et quand. Ce n’est jamais amical, c’est devenu très intense.

Ann-Renée Desbiens

La gardienne a cependant précisé que le match, compte tenu de son importance et de l’historique entre les deux équipes, aurait pu être bien différent sans la motivation supplémentaire de jouer devant les siens. « J’avais des papillons. On ne se tanne pas de jouer à la maison. »

Même son de cloche du côté de Poulin : « Un gros merci à Trois-Rivières qui s’est déplacé ce soir pour venir nous supporter. Le hockey féminin, c’est gros, et je l’apprécie beaucoup. »

Prochain match : États-Unis c. Canada, mercredi à 19 h à la Place Bell de Laval