(Newark, New Jersey) Il se passe quelque chose de spécial au New Jersey cette saison. Sans tambour ni trompette, les Devils se sont hissés parmi l’élite de la LNH, où personne ne les attendait.

De Jack Hughes à Dougie Hamilton en passant par Nico Hischier, les artisans du succès sont nombreux. Mais n’oublions pas l’entraîneur-chef dans tout ça. Un homme dont la saison a commencé sous les huées de partisans exaspérés d’attendre. Cet homme, c’est Lindy Ruff.

Bill Lindsay est bien placé pour en parler. L’ancien des Nordiques et du Canadien a joué sous Ruff en Floride, de 1993 à 1997, quand ce dernier était entraîneur adjoint chez les Panthers. Encore aujourd’hui, Lindsay suit la LNH de près en tant qu’analyste des matchs des Panthers à la radio.

« En Floride, on pratiquait la trappe parce que c’était la seule façon qu’on allait gagner, se souvient Lindsay, au bout du fil. Regarde les équipes de Lindy ensuite, elles ont toujours été bonnes en zone neutre. Quand il a mené les Sabres [de Buffalo] en finale en 1999, ils créaient des revirements au centre de la patinoire, pour partir rapidement en transition.

« Au New Jersey cette année, on voit ça. Les Devils sont une des surprises et le mérite revient à Lindy et à Tom Fitzgerald [le directeur général]. »

Donner une chance

Antoine Roussel n’avait que 39 matchs derrière la cravate quand les Stars de Dallas ont embauché Ruff en 2013. Même s’il n’avait pas encore le statut de vétéran, il avait reçu un appel de Ruff, qui voulait « se présenter », tout simplement. C’était le début d’une collaboration de quatre ans.

« Ç’a été mes meilleures années. Il m’en donnait, du lousse, se souvient le Français de naissance, Saguenéen d’adoption. Il m’a essayé avec Tyler Seguin. Il a cru en moi, il a cru en un petit gars pas repêché. Je me suis établi comme un vétéran et j’ai joué 10 ans parce qu’au début de ma carrière, il m’a fait confiance. »

Ce que Roussel a apprécié ? « Son côté humain », répond-il d’emblée. Et derrière le banc ? « Il avait le feeling de la game. Si tu jouais bien, il t’en donnait. C’est le fun, un coach comme ça. Certains coachs font juste envoyer les trios 1, 2, 3, 4, ils voient seulement le lendemain sur la vidéo que tel trio fonctionnait, et c’est frustrant pour un joueur. »

Jason Pominville, lui, a joué sous les ordres de Ruff à Buffalo, à compter de 2005. Ruff était déjà en selle depuis huit ans quand l’attaquant est arrivé chez les Sabres.

C’est le premier qui a cru en moi, qui m’a donné ma chance.

Jason Pominville

Le Québécois a fait partie de cette génération qui a propulsé les Sabres après le lock-out de 2004-2005, quand Buffalo a aligné des saisons de 110 et 113 points.

« Lui et Darcy Regier [le DG] ont réalisé qu’il y aurait moins d’accrochage et que le jeu serait plus rapide. Regarde les années qu’on a eues, notre attaque, la créativité… C’est sûr qu’on avait de bons joueurs. Mais la ligue, c’est beaucoup du copier-coller. Lui, il était en avance. »

Parmi l’élite

Mine de rien, Ruff fait désormais partie de l’élite de son métier. Mardi, contre le Canadien, il dirigera son 1688match à titre d’entraîneur-chef dans la Ligue nationale.

Plus de matchs pour un entraîneur-chef dans la LNH

  1. Scotty Bowman (2141)
  2. Barry Trotz (1812)
  3. Joel Quenneville (1768)
  4. Paul Maurice (1743) *
  5. Lindy Ruff (1687) *

* Toujours actifs

Une partie de sa longévité s’explique par son séjour de 15 ans à la barre des Sabres, une anomalie dans le milieu. « Darcy Regier est lui aussi resté longtemps. Ils avaient de la stabilité avec le propriétaire. Mais un entraîneur ne restera pas longtemps s’il n’est pas bon. C’était un bon coach, qui avait une connexion avec les fans. Les gens l’adoraient. »

Ruff a remporté le trophée Jack-Adams, remis à l’entraîneur de l’année, en 2006. Si les Devils maintiennent le rythme, il s’invitera dans la conversation pour en remporter un deuxième. Déjà, il a eu droit aux excuses des mêmes partisans qui l’avaient hué en début de saison, ce qui vaut bien un trophée en soi.

Sur la scène internationale, il compte deux médailles d’or olympiques, acquises en tant qu’adjoint avec Équipe Canada à Vancouver en 2010 et à Sotchi en 2014.

Tout ce qui lui manque, c’est une Coupe Stanley. Il est passé proche en 1999, à deux victoires, en fait, jusqu’au but controversé de Brett Hull. Trois autres fois, Ruff a mené les Sabres en finale d’association, mais c’était en 1998, 2006 et 2007.

Depuis 2007, cependant, les équipes de Ruff ont gagné un seul tour éliminatoire, et c’était en 2016 à Dallas.

Avec leurs succès cette saison, les Devils ont les munitions pour veiller tard. Mais ça impliquera, si la logique est respectée, d’éliminer coup sur coup les Hurricanes et les Rangers. Un projet ambitieux s’il en est un.