Sans hésiter, Éric Raymond lance cette phrase pour amorcer notre conversation : « Pour un gardien, la ligne est mince entre le très bon, le bon… et le moins bon. »

Cette ligne est mince pour tout le monde aussi, de manière générale, et elle l’a été également pour Samuel Montembeault.

Dans le cas du gardien québécois, ce fut une affaire de quelques centimètres seulement. Un changement, tout petit, qui allait lui permettre de se transformer, et aussi de transformer l’arc de sa carrière.

Mais avant de se rendre là, il a fallu que le 30 juillet 2021 arrive. C’est à cette date que Marc Bergevin, alors directeur général du Canadien, a embauché Raymond à titre d’entraîneur des gardiens. Raymond, lui-même un ancien gardien « jamais repêché, qui s’est promené beaucoup dans les rangs mineurs », de son propre aveu, était un ami de celui qui était alors l’entraîneur du Canadien, Dominique Ducharme.

À ce moment précis de l’histoire, les deux gardiens du Canadien se nommaient Carey Price et Jake Allen. Price étant blessé, un troisième gardien allait s’ajouter dans le portrait, Montembeault, réclamé au ballottage le 2 octobre.

Raymond, qui se souvenait de l’avoir croisé au hockey junior québécois, s’est attaqué alors tout de suite à ce qu’il croyait être une légère faille dans le jeu de celui qui venait tout juste d’arriver : son positionnement.

PHOTO TIRÉE DU SITE LNH.COM

Éric Raymond, entraîneur des gardiens avec le Canadien

« Quand tu commences à travailler avec un gardien, tu vois ses forces, tu vois ce qui le met dans le trouble, ce qui lui donne du succès, d’expliquer Raymond en entrevue avec La Presse. Avec Sam, je savais exactement où je m’en allais. »

Sur la glace et sur vidéo, l’entraîneur des gardiens a vite remarqué que l’ancien des Panthers avait tendance à sortir un peu trop de son demi-cercle, une habitude acquise avec les années.

« Il y a environ huit choses qui peuvent mal virer juste avant qu’un gardien accorde un but, mais le gardien n’a pas le temps de penser à tout ça, d’ajouter Raymond. Alors, il faut qu’il y ait des automatismes, et parmi les huit choses, il y a le positionnement. Mon travail, c’est de faciliter la vie du gardien… »

Pour y arriver, il a demandé à Montembeault de commencer à se tenir un peu plus profondément dans son filet. Pas trop, mais juste assez pour lui donner un meilleur temps de réaction lorsque les Auston Matthews de ce monde s’élancent dans sa direction.

Travailler

Le principal intéressé s’est mis au boulot, et il s’en souvient encore très bien.

« Avec Éric, et dès que je suis arrivé ici, l’idée, c’était de jouer différemment, explique Montembeault. Parce que les passes sont tellement rapides dans cette ligue, surtout lors des entrées de zone, et moi, j’étais souvent en retard dans mes déplacements. Je devais m’étirer pour faire des arrêts. Maintenant, en étant plus profond dans le filet, j’ai moins de gestes à faire, je peux réagir à la rondelle plus rapidement. »

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Samuel Montembeault

Avec les Panthers en Floride, c’était différent. Ils voulaient que je fasse un pas vers l’avant, un pas vers l’arrière… on a changé ça. Maintenant, c’est rendu un automatisme de me placer comme je le fais.

Samuel Montembeault

Comme par magie, c’est cette nouvelle position devant le but qui permet au gardien québécois de vivre les meilleurs moments de sa jeune carrière.

À la pause des Étoiles, le voici qui affiche une moyenne de 3,19, et un taux de ,909, autant de chiffres qui sont vastement supérieurs aux résultats de la saison dernière, alors qu’il avait, entre autres, un taux de ,891 à sa fiche.

Éric Raymond s’en frotte les mains, mais pas trop. Parce qu’il continue de croire que son élève peut faire encore mieux.

Évidemment que Sam a effectué un gros pas en avant cette saison… mais tout ça, ça s’est fait avec du travail acharné et une bonne attitude de sa part. Il a dû s’adapter et là, on est partis… mais maintenant, le défi, c’est de continuer.

Éric Raymond

« Sam a 26 ans, et avec son attitude, sa méthode de travail, je pense que oui, il peut devenir meilleur, et c’est le but. On va y arriver en travaillant de la bonne façon chaque jour. On se concentre sur la journée qui est devant nous ; penser à ce qui peut arriver dans cinq ans, dans trois ans, c’est trop loin. »

On ne sait trop s’il va lire ceci, mais s’il le fait, c’est sur une plage du Mexique qu’il le fera. Car Samuel Montembeault a choisi de profiter de la pause et de partir sans sac de hockey, sans patins, sans rien, ou presque. Ce sera du repos, et rien que ça, pour les prochains jours.

Est-ce que c’est un peu ça, que de partir au sommet ? Peut-être pas tout à fait, mais Éric Raymond trouve le moyen de savourer un peu tout ça. « Parce qu’au mois d’octobre, il n’y a pas beaucoup de monde qui aurait pu prédire ce que Sam allait faire cette saison… »