Des fois, ça ne doit pas être si facile que de s’appeler Joel Armia.

Un joueur comme lui, costaud, ancien choix de premier tour, prototype du « power forward » moderne, comme on le dit en anglais, ça débarque toujours quelque part en suscitant des attentes. Irréalistes, parfois, mais des attentes pareil.

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Et puis on le voit aller, Armia, dans un match comme celui-ci, par un samedi soir de fête au Centre Bell, quand les « ôlé ôlé ôlé » résonnent déjà dans la place en deuxième période, et puis on se demande pourquoi il ne fait pas ça plus souvent.

Il a marqué deux buts cette fois-ci, dont le but égalisateur, dans une victoire de 5-4 sur les Blues de St-Louis.

Armia, homme de peu de mots, n’allait pas nous expliquer en détail la recette de ce soudain succès en fin de soirée. Ce sera pour une autre fois. Mais il a au moins expliqué ce qui n’allait pas avant cette soudaine explosion de trois buts en deux matchs.

« Je jouais vraiment mal, a-t-il admis devant son casier. Et puis il vient un temps où on doit savoir se regarder dans le miroir. »

Il vient un temps où il faut savoir exiger mieux de soi-même.

Joel Armia

Le miroir, exiger mieux, tout ça est fabuleux, mais encore faut-il pouvoir la mettre dedans pour s’extirper de la fange et voir la vie du bon côté. À seulement 29 ans, Joel Armia n’est certes pas un joueur fini, mais il est aussi un joueur frustrant ; les mains, les habiletés, la puissance, tout est là, tout comme ce « plafond » dont aime parler Martin St-Louis de temps à autre, quand il veut discuter du potentiel d’un tel ou d’un tel.

Tout est là, donc, et dans un monde idéal, Joel Armia serait ce joueur-là, celui de jeudi, celui de samedi soir, capable de saisons de 30, peut-être de 40 buts. « Ça fait du bien de pouvoir obtenir des bonds favorables », a-t-il soupiré, en laissant entendre que la rondelle n’est pas toujours sa meilleure amie.

« On a eu plusieurs discussions depuis le début de la saison, a expliqué Martin St-Louis. Les discussions peuvent seulement l’amener à une certaine place. Ensuite, c’est à lui de penser à ça, pour essayer s’en sortir. »

Le vent du changement

Jonathan Drouin en est un autre qui a eu des discussions avec Martin St-Louis. Il croyait bien avoir enfin réussi son premier but de la saison, mais en fin de soirée, les gens de la LNH ont revu le but et l’ont plutôt crédité à Josh Anderson.

Mais Drouin, comme Armia, sent que le vent du changement est en train de souffler malgré tout.

« Comme Joel, j’obtiens des chances de marquer depuis les derniers matchs, a expliqué l’attaquant québécois. Alors je comprends très bien comment il peut se sentir. J’en parlais justement avec Martin [samedi matin] ; ça ne sert à rien de s’inquiéter quand on obtient des chances de marquer, parce que ça va finir par arriver. »

Jake Evans, le centre d’Armia depuis peu, voit tout plein de qualités en son ailier droit.

« C’est l’un des meilleurs ici en protection de rondelle », a-t-il expliqué.

Avant les deux derniers matchs, il n’obtenait peut-être pas la production souhaitée, mais jamais qu’il ne le montrait, il ne s’est pas apitoyé sur son sort. C’est vraiment un joueur intelligent.

Jake Evans

À part de ça, et il faut bien le souligner, il régnait au Centre Bell une ambiance des grands soirs en ce samedi festif. Pour une équipe qui est au 27e rang du classement général au moment d’écrire ceci, c’est tout de même digne de mention.

Martin St-Louis a parlé de « l’énergie du samedi soir », ce qui n’est pas bien loin de la fièvre du samedi soir, et puis d’ailleurs, le plus gros succès des Bee Gees n’est-il pas Stayin’Alive ?

C’est un peu ce que Joel Armia a fait, le temps de nous rappeler ce qu’il est capable de faire.

En hausse

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Joel Armia

Qui d’autre ? Un match de deux buts, et il est passé à deux ou trois centimètres d’en ajouter un troisième durant le troisième engagement.

En baisse

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Michael Pezzetta

Un joueur d’énergie comme lui ne peut pas se retrouver au banc des punitions comme ça. Sa deuxième punition a mené au quatrième but des Blues.

Le chiffre du match

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Joel Armia, auteur de deux buts samedi soir, reçoit les félicitations de ses coéquipiers.

3

Nombre de buts de Joel Armia à ses deux derniers matchs.

Ils ont dit

C’est l’énergie du samedi soir. Tu le savais qu’il y aurait de l’énergie dans le building. On a bâti notre match, plus le match avançait. Nos unités spéciales étaient bonnes. Les gars savaient qu’on jouait un bon match. Quand tu rentres en troisième et que t’es dans le match, c’est plus facile d’avoir de la passion que si tu perds par trois ou quatre buts.

Martin St-Louis

Pendant la dernière minute, on était nerveux au banc, surtout que Joel [Armia] a cassé son bâton. Quand un joueur casse son bâton en zone défensive, tu commences à stresser. Mais on a eu deux gros blocs de Savard et Edmundson. Tu gagnes des matchs comme ça.

Jonathan Drouin

Je pense que ce fut l’un de mes matchs favoris cette saison… On a réussi à profiter de bons favorables, et on a bien joué sur toute la ligne. Je pense que notre trio en entier fait du bon travail, c’est plaisant de jouer avec ces gars-là.

Jake Evans

On laissait beaucoup de chances dans l’enclave. Maintenant, on est plus sûrs de nos décisions. On donne moins de chance, on joue mieux en zone défensive et on sort plus rapidement.

David Savard

Propos recueillis par Richard Labbé et Guillaume Lefrançois, La Presse

Dans le détail

La voix de Michel Lacroix à défaut d’un but

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Jonathan Drouin

Ç’aura pris quelques minutes, mais la Ligue nationale a fini par confirmer ce qui était apparent sur les reprises au ralenti : le but gagnant est allé à la fiche de Josh Anderson, et non pas de Jonathan Drouin. Anderson a en effet donné une dernière poussée à la rondelle, qui traversait lentement la ligne rouge. Il a donc privé son bon ami de son premier but de la saison. Au moment de nous parler, Drouin ne savait pas encore que le but était officiellement attribué à Anderson. L’annonceur maison, Michel Lacroix, l’a lui-même su dans la dernière minute de jeu et a jugé qu’en faire l’annonce après la sirène finale aurait cassé un brin l’atmosphère de fête qui régnait sur le Centre Bell. « C’était 4-4. Que ce soit moi ou Anderson qui ait marqué, on était contents, a dit Drouin. Mais ça a fait du bien d’entendre Michel Lacroix dire mon nom ! »

L’autre réussite d’Evans

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Jake Evans

Derrière chaque grand ailier se cache un centre, veut le dicton que l’on vient d’inventer. Joel Armia et Evgenii Dadonov connaissent de bons moments et il importe de se pencher sur le travail de leur centre, Jake Evans. Lui-même a connu ses difficultés offensives cette saison, inscrivant son premier but à son 34e match. Mais il semble avoir énergisé ses deux ailiers. Ce trio a livré une performance du tonnerre, samedi, performance d’autant plus remarquable que les trois avants ont fait face toute la soirée au premier trio des Blues, celui de Robert Thomas. Selon Natural Stat Trick, le Canadien a dominé les Blues 4-0 aux chances de marquer de grande qualité pendant les quelque neuf minutes où Evans et Thomas étaient sur la patinoire en même temps à cinq contre cinq. « Il a une grosse responsabilité au centre, aux mises au jeu, il écoule les punitions. Je suis content qu’il soit récompensé parce que c’est un travaillant », a résumé Martin St-Louis.

Un avantage numérique diversifié

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Kirby Dach

Trop souvent, les menaces du Canadien en avantage numérique viennent de Nick Suzuki avec son tir des poignets du côté droit, ou de Cole Caufield avec son tir sur réception du côté gauche. Il était donc frappant de voir d’où sont venues les occasions de marquer samedi. Nick Suzuki en a eu une tonne depuis le haut de l’enclave, ce que les anglophones appellent la position du bumper. Kirby Dach a d’ailleurs marqué de là, parce que Suzuki, plutôt que de faire son habituel relais transversal à Caufield, a modifié l’angle de sa passe pour rejoindre Dach. Jonathan Drouin a quant à lui obtenu des tirs de qualité depuis la pointe. « On en a parlé avant le match, on voulait équilibrer notre jeu, a expliqué Drouin. Quand on fait toujours la même chose, tu regardes la vidéo et tu peux savoir ce qu’on va faire. On voulait essayer de les étirer le plus possible et utiliser les deux côtés. Cole a eu ses tirs sur réception, il a touché le poteau et ensuite, on est allés de l’autre côté et Suzuki a fait une super belle passe à Dach. »

Guillaume Lefrançois, La Presse