Une histoire de viol collectif secoue une fois de plus la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ). Trois jeunes hommes, dont deux évoluaient à l’époque avec les Voltigeurs de Drummondville, ont été accusés d’agression sexuelle sur une adolescente de 15 ans. Deux des accusés, mineurs au moment des faits, ont déjà été déclarés coupables. Le troisième, qui était majeur, a plaidé non coupable et aura son procès à l’été 2023.

Cet accusé majeur, âgé de 18 ans au moment des évènements, est Noah Corson. Il s’agit du fils de l’ancien attaquant du Canadien de Montréal Shayne Corson. Il a brièvement porté l’uniforme des Voltigeurs au cours de la saison 2016-2017.

L’affaire, qui s’est déroulée en 2016, a été révélée par Radio-Canada mardi. Dans un communiqué, autant les Voltigeurs que la LHJMQ ont assuré mardi n’avoir appris que récemment l’existence de ces évènements. Les deux instances ont promis d’offrir « leur entière collaboration à l’enquête policière et au processus judiciaire si elles sont sollicitées ».

Aucun des trois accusés ne fait aujourd’hui partie de la formation. Noah Corson est actuellement sous contrat avec les Comets d’Utica, dans la Ligue américaine de hockey. Cette saison, il a toutefois évolué au sein du Thunder d’Adirondack, club-école des Comets dans l’ECHL, ligue professionnelle de calibre inférieur. En fin de journée, les Comets ont rappelé Corson.

Nous sommes au courant de l’allégation [concernant Noah Corson]. Nous prenons cette question très au sérieux. Nous avons appris ce matin [mardi] les accusations. Nous ferons d’autres commentaires bientôt.

Jeff Mead, président des opérations du Thunder d’Adirondack

En soirée, l’organisation des Comets a annoncé que Corson allait « s’absenter pour une durée indéterminée », et qu’elle ne ferait « pas d’autres commentaires pour le moment ».

L’avocat de Corson, MGilles Doré, n’a pas répondu à nos appels mardi soir.

Les deux autres joueurs, maintenant âgés de 23 ans, jouent encore au hockey, mais ne font pas partie d’équipes du circuit professionnel. Il nous est impossible de les identifier, puisqu’ils ont été jugés en Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec.

En juillet 2021, le tribunal les a condamnés à 18 mois de probation et leur a ordonné de faire un don de 1000 $ au Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) de Drummondville. Ils ont aussi dû fournir un échantillon d’ADN et écrire une lettre d’excuses à la victime, dont l’identité fait l’objet d’une ordonnance de non-publication.

Les faits

Selon un exposé commun des faits que La Presse a pu consulter, la victime, alors âgée de 15 ans, fréquentait un des deux mineurs de 17 ans depuis quelques semaines lors des évènements. Ils avaient eu quelques rendez-vous, mais n’étaient pas en couple.

Le soir de l’agression, elle l’a rencontré dans une brasserie sportive de Drummondville, alors qu’il se trouvait en compagnie de Noah Corson et de l’autre joueur mineur des Voltigeurs. Elle ne connaissait ni l’un ni l’autre.

PHOTO GUILLAUME LEFRANÇOIS, ARCHIVES LA PRESSE

Noah Corson, en septembre dernier, lors du camp des recrues des Devils du New Jersey

Le groupe s’est ensuite déplacé chez la victime. Cette dernière s’est retrouvée seule avec les deux joueurs mineurs, dans sa chambre à coucher, où les deux adolescents ont entrepris « des initiatives sexuelles » auprès d’elle.

« [La victime] ne consent pas à l’activité sexuelle de groupe et, vu son âge au moment des faits, elle ne peut légalement y consentir », souligne l’exposé des faits.

Noah Corson se serait alors joint au groupe et aurait fait des gestes sexuels plus agressifs, selon le document judiciaire.

« Tout au long de l’évènement, les trois accusés ne s’assurent pas du consentement de l’adolescente et poursuivent les activités sexuelles auprès d’elle », ajoute l’exposé des faits.

Le mineur qui fréquentait la victime avant l’agression a filmé l’agression avec son téléphone cellulaire, mais a ensuite supprimé la vidéo. Il a constaté que la victime pleurait après les évènements.

Cet accusé a fait l’objet d’un mandat d’arrêt au cours de l’année 2020 parce qu’il a omis de se présenter en cour dans le cadre des procédures judiciaires.

Un autre scandale

Ce n’est pas la première fois que des allégations d’agression sexuelle sont portées contre des joueurs de la LHJMQ pour des viols collectifs présumés.

En 2015, la police de Gatineau avait ouvert une enquête après qu’une femme a allégué que six joueurs des Olympiques se sont livrés à des gestes sexuels à son égard alors qu’elle était intoxiquée. Aucune accusation n’a été déposée dans cette affaire.

Deux joueurs des Tigres de Victoriaville, âgés de 19 ans au moment des faits, sont par ailleurs présentement devant les tribunaux pour se défendre d’accusations d’agression sexuelle et de production d’une vidéo sans le consentement d’une victime, pour des gestes qui se seraient produits quelques heures après une victoire de leur équipe au championnat de 2021. Les deux joueurs ont été suspendus indéfiniment par la LHJMQ en octobre 2021, mais la date de leur procès n’a pas encore été officiellement fixée.

L’article de Radio-Canada a été publié le jour même où l’ancien juge de la Cour suprême du Canada, Thomas Cromwell, témoignait devant un comité parlementaire à Ottawa au sujet l’enquête qu’il a menée sur la gouvernance de Hockey Canada. Le conseil d’administration de l’organisme a été poussé à démissionner en bloc, en octobre, à la suite du scandale provoqué par l’utilisation d’un fonds spécial pour régler la poursuite d’une victime alléguée d’un viol collectif qui aurait été commis par d’anciens joueurs de l’équipe canadienne de hockey junior en 2018.

Réactions politiques

« On n’est plus dans l’anecdote », dit la ministre des Sports

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Pascale St-Onge, ministre fédérale des Sports

La ministre fédérale des Sports, Pascale St-Onge, affirme que les révélations de Radio-Canada au sujet d’un autre cas de viol collectif impliquant notamment deux anciens joueurs des Voltigeurs de Drummondville démontrent encore une fois qu’il existe une culture « toxique » dans le monde du hockey. « Chaque fois qu’on entend ces histoires-là, c’est horrifiant. On n’est pas dans l’anecdote. Il s’agit vraiment d’une culture qui est imprégnée dans le monde du hockey », a-t-elle déploré. Elle a ajouté que « tous ceux qui sont impliqués de près ou de loin dans l’univers du hockey » — les parents, les arbitres, les entraîneurs, les associations provinciales et territoriales — doivent en faire plus changer cette culture. Elle a d’ailleurs indiqué que les critères de financement pour les organisations sportives seront modifiés afin d’assurer de meilleures pratiques, plus d’éducation et de prévention.

Une commission d’enquête est nécessaire, dit le Bloc

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Yves-Francois Blanchet, chef du Bloc québécois

Une commission d’enquête s’impose pour faire toute la lumière sur les inconduites sexuelles dans le sport amateur, estime le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet. « L’envergure du scandale qui non seulement a de quoi inquiéter beaucoup de parents qui ont de jeunes femmes qui pratiquent du sport […], ça a une envergure telle que cela ne peut pas être une séquence de petites mesures qui seront adéquates. Il faut vraiment aller au bout de ça. Il faut élargir le processus d’enquête à l’ensemble des sports parce que je ne vois pas comment tu peux de sentir en sécurité dans le contexte actuel », a affirmé le chef bloquiste. Il a précisé qu’une telle commission d’enquête pourrait être présidée par un juge.

Joël-Denis Bellavance, La Presse

Avec Vincent Larouche et de Frédérik-Xavier Duhamel, La Presse