Un directeur général, aussi brillant soit-il, effectue toujours cet échange de trop lorsqu’il est en poste longtemps. Cette transaction peut même marquer la fin d’un règne.

Les Sharks de San Jose venaient de participer aux séries éliminatoires 14 fois au cours des 15 saisons précédentes lorsqu’ils ont acquis des Sénateurs d’Ottawa le défenseur Erik Karlsson, en septembre 2018.

Ils avaient connu neuf saisons de plus de 100 points, et douze saisons de 95 points ou plus. Ils avaient atteint la finale de la Coupe Stanley en 2016 et atteint trois carrés d’as.

Mais le DG Doug Wilson se faisait rabâcher les oreilles avec cette incapacité à remporter la Coupe Stanley et il a été aveuglé par le potentiel énorme de Karlsson, qui venait de connaître cinq saisons consécutives de plus de 60 points, dont trois de 70 points et plus.

L’idée d’acquérir un défenseur droitier offensif paraissait cependant saugrenue aux yeux de certains puisque les Sharks détenaient déjà l’un des meilleurs défenseurs droitiers de la profession, Brent Burns.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Brent Burns

Karlsson est au cœur de l’actualité du hockey cette semaine. Le successeur de Wilson, Mike Grier, ne l’a pas caché, son défenseur est sur le marché, en pleine renaissance, à 32 ans, avec 28 points, dont 11 buts, en seulement 19 matchs.

Les performances ne servent néanmoins pas la cause des Sharks, en pleine reconstruction, 26e au classement général avec une fiche de 6-10-3.

On a lié brièvement Karlsson aux Maple Leafs de Toronto, et même aux Sénateurs, mais avec un salaire annuel de 11,5 millions pour cette année et les quatre suivantes, le Suédois sera très difficile à échanger, d’autant plus qu’il a été accablé par les blessures ces dernières années.

Grier tente cependant de jauger l’intérêt au moment où les performances de son défenseur atteignent leur paroxysme.

Cette transaction en 2018 a fait mal aux Sharks à plusieurs égards. Ils ont sous-estimé la valeur de leur choix de première ronde, 19e au total, l’année précédente, Josh Norris. Celui-ci venait de connaître une saison de 23 points en 37 matchs à l’Université du Michigan, au septième rang des compteurs de son club, il faut le mentionner.

Ça n’est pas une vilaine production pour un joueur de première année dans la NCAA, mais on s’attend à plus d’un choix de première ronde.

Dès sa première saison professionnelle, en 2019-2020, à Belleville, Norris a obtenu 61 points en 56 matchs dans la Ligue américaine. Il est devenu le premier centre des Sénateurs par défaut il y a deux ans, mais personne ne remettait plus en doute ce titre l’an dernier après une saison de 55 points, dont 35 buts, en 66 matchs. Sa perte, après cinq matchs, cette saison, fait mal à Ottawa.

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Josh Norris

Le plongeon vertigineux des Sharks au classement en 2019-2020, après un carré d’as, au cours duquel Karlsson a fortement contribué, a permis à Ottawa de choisir Tim Stützle, au troisième rang en 2020.

Wilson croyait au départ céder un espoir au plafond offensif limité et un choix lointain de première ronde. Il a fourni aux Sénateurs deux centres numéro un, en plus de deux choix de deuxième ronde, en plus de deux joueurs de soutien de luxe, Chris Tierney et Dylan DeMelo.

Mais il y avait pire à venir. Avec le renouvellement de contrat à Karlsson, en 2019, les Sharks allaient consacrer presque 20 millions de sa masse salariale à deux défenseurs droitiers, avec Karlsson à 11,5 millions et Brent Burns à 8 millions. Ce déséquilibre allait être fatal aux Sharks.

On n’a pas pu retenir le capitaine Joe Pavelski, malgré une saison de 64 points, dont 38 buts, en 75 matchs. Pavelski allait rejoindre les Stars de Dallas et atteindre avec eux la finale de la Coupe Stanley. Malgré ses 38 ans, il a amassé 182 points en 222 matchs. Les Sharks n’ont jamais participé aux séries depuis son départ.

Les contraintes salariales ont aussi contraint Doug Wilson à chasser le partenaire régulier de Marc-Edouard Vlasic, le défenseur à caractère défensif Justin Braun. Vlasic n’a jamais pu établir une chimie avec Karlsson.

Il serait étonnant que Grier puisse obtenir des actifs intéressants pour Karlsson. Malgré une saison de 54 points l’an dernier, Burns n’a presque rien rapporté cet été dans cet échange avec les Hurricanes de la Caroline, sinon un gardien de 23 ans doté d’un certain potentiel et un centre de quatrième trio. Et encore, les Sharks retiennent 33 % de son salaire.

L’arrivée de Karlsson à San Jose ne doit pas définir l’excellent règne de Doug Wilson, mais il s’agissait de l’échange de trop.

Retrouvailles en Floride

Les Flames de Calgary retrouveront Matthew Tkachuk en Floride samedi, lors du premier affrontement entre les Panthers et les Flames depuis le fameux échange cet été. Tkachuk produit à pleins cylindres en Floride avec 22 points en 15 matchs, au premier rang des compteurs de son club. Les choses se passent un peu moins bien pour Jonathan Huberdeau, 8 points, dont deux buts, en 13 matchs, critiqué récemment par son entraîneur Darryl Sutter, et le défenseur MacKenzie Weegar, limité à quatre aides en 16 matchs.

PHOTO SERGEI BELSKI, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Jonathan Huberdeau

Huberdeau est employé au sein d’un troisième trio à l’heure actuelle, avec Mikael Backlund et Trevor Lewis, Weegar forme une deuxième paire avec Nikita Zadorov et joue en moyenne 21 : 42 par match.

Les Panthers ont seulement trois points de plus que les Flames au classement, avec leur fiche de 9-7-1, celle de Calgary est de 7-7-2, mais les deux clubs ont chuté au classement par rapport à l’an dernier. Si les séries commençaient aujourd’hui, Flames et Panthers en seraient exclus (la Floride a néanmoins un match de plus à disputer que les Rangers, dernier club qualifié).

À plus long terme, on voudra une meilleure production d’Huberdeau, 29 ans, et de Weegar, 28 ans, à Calgary. Huberdeau entamera l’an prochain un contrat de huit ans, à un salaire annuel de 10,5 millions et Weegar huit ans également, à 6,2 millions par année.

À cet égard, le contrat de Tkachuk, 24 ans seulement, constitue presque une aubaine à 9,5 millions par saison !

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