(Tempe, Arizona) Tous les chemins vers la Ligue nationale sont différents. Le cliché est galvaudé, mais dans le cas du Québécois Carl Bombardier, c’est plus vrai que pour quiconque.

Carl Bombardier, c’est l'entraîneur de haute performance de nutrition à temps plein de 32 ans des Coyotes de l’Arizona. Son chemin vers la LNH, il est passé par la NFL, le baseball AAA et — pourquoi pas ? — la Nouvelle-Zélande.

« Une chose que j’aime beaucoup ici, c’est que le hockey, c’est ma passion, comparé aux autres sports. Je suis chanceux. La culture du hockey, c’est bien, les gars ne se prennent pas pour un autre. Dans la NFL, c’est différent, les joueurs ont leur entourage. Russell Wilson a son propre chef ! »

Mais ici, dans les installations des Coyotes, personne n’a son propre chef, et tous s’en remettent à ses bons conseils.

Quatre ou cinq repas par jour

Au quotidien, son mandat consiste à prévoir quatre repas pour les joueurs les jours de match à domicile, cinq sur la route.

Lors de notre rencontre après l’entraînement matinal des Coyotes, vendredi, il s’affaire à distribuer le « repas d’avant-match », le deuxième des quatre repas. Le premier, c’est le déjeuner avant l’entraînement.

Le troisième, c’est le « snack d’avant-match ». « Du gruau, des boules d’énergie, des fruits, des barres de protéines, énumère-t-il. Ça, je le laisse toujours ouvert parce que les gars peuvent avoir faim pendant le match. »

Reste le repas d’après-match. Ce soir-là, un menu méditerranéen est prévu, avec notamment de l’agneau. En général, il s’en tient à des repas « clean », mais pour maintenir ses joueurs heureux, il doit prévoir des tricheries, surtout quand c’est congé le lendemain.

« Les gars aiment encore la pizza ! rappelle-t-il. À Columbus, c’était le dernier match du voyage, donc on avait de la pizza et des ailes. Mais il y a toujours des gars qui aiment manger “clean”, donc je ne peux pas juste faire un “cheat day” ! »

En général, ce menu sera concocté à partir de ce que peut offrir l’aréna, mais aussi en organisant une livraison d’un restaurant local. À Montréal, il y a deux semaines, les joueurs ont eu droit aux fameux hot-dogs du Centre Bell.

PHOTO TIRÉE DE LINKEDIN

Carl Bombardier

« Si je veux garder ma job, il faut que j’en commande ! Le Centre Bell a aussi fourni des légumes grillés, des patates pilées et des short ribs. Ils font de la bonne bouffe. Et on a fait venir de La Medusa, pour des pizzas et des tortellinis. »

Riche parcours

Natif de Valcourt, Bombardier comprend vite que s’il veut atteindre la LNH, ça ne sera pas comme joueur. Il se tourne donc vers l’Université du Wisconsin–Stout, où il peut tout de même jouer, mais dans un programme de division III.

Étudiant pour devenir à la fois nutritionniste et préparateur physique, il se dirige ensuite vers l’Université de l’Utah pour une maîtrise en nutrition du sport. C’est là que ça se met à débouler.

Ici, un peu de travail avec les programmes sportifs de l’université. Là, un coup de pouce aux Bees de Salt Lake City, club AAA des Angels de Los Angeles.

En 2017, un ancien élève d’un de ses professeurs obtient un poste chez les Raiders d’Oakland. « Il appelle mon prof, il dit qu’il a besoin d’un stagiaire pour l’année. J’avais de l’expérience avec les équipes de football en Utah. J’ai fait trois entrevues et j’ai eu la job », raconte-t-il.

À l’hiver 2018, son stage est fini, et l’option de travailler pour les Pirates de Pittsburgh se présente. Mais la Nouvelle-Zélande lui trotte dans la tête.

« J’ai toujours voulu jouer au hockey pro ailleurs qu’en Amérique du Nord. Je joue aussi au rugby, donc là-bas, je pouvais faire les deux. Et j’entraînais des athlètes. Je savais que si je ne le faisais pas là, je n’aurais jamais ma chance. »

Six mois plus tard, c’est le retour en Amérique du Nord, où il se promène de nouveau, cette fois dans les universités américaines, notamment à Texas Tech. Mais peu après son arrivée, l’entraîneur-chef Kliff Kingsbury est embauché par les Cardinals de l’Arizona. La nouvelle administration ne retiendra pas ses services.

Le voici chez les Seahawks de Seattle, à l’automne 2021, pour un contrat de consultant. Mais son nom commence à circuler. Chez les Coyotes, le nouveau directeur général, Bill Armstrong, entend monter un département de science du sport. Il demande donc une liste des meilleurs nutritionnistes sur le marché.

On a fait nos recherches, et Carl faisait partie des cinq meilleurs candidats. Ce que j’aimais de lui, c’est qu’il vient du milieu du hockey, c’est sa passion. Mais en plus, il a travaillé avec des équipes de la NFL, ce qui est impressionnant.

Bill Armstrong, directeur général des Coyotes

Son mandat est large. En plus des Coyotes, il doit faire quelques virées à Tucson, où joue le club-école, tout en donnant un coup de pouce — souvent à distance — aux espoirs de l’organisation éparpillés un peu partout.

« On travaille en parallèle. Lui, c’est de mettre du gaz dans la tank. Moi, c’est de brûler le gaz ! image André Tourigny, l’entraîneur-chef. Souvent, les gars vont lui faire un commentaire sur leur niveau d’énergie ou parce qu’ils veulent des pâtes dans l’avion, par exemple. L’avantage avec lui, c’est qu’il est près des joueurs, il a un bon feel. Je peux lui demander comment vont les gars. »

« Il s’assure qu’on ait accès à ce dont on a besoin, témoigne le défenseur Josh Brown. Si t’as besoin d’aide, si tu veux compter tes protéines, tes hydrates de carbone, tes lipides, il va t’aider à le faire. »

« Il est le meilleur »

« J’ai besoin de beaucoup de calories pendant une saison, sinon je perds du poids, indique l’attaquant Nick Bjugstad. Et il a toujours des options pour nous. Je lui dis toujours qu’il est le meilleur de la ligue. Cette année, au camp, j’ai pris du poids et j’en avais vraiment besoin. Bomber est vraiment important pour moi. »

On notera que les Coyotes sont une des rares équipes à employer un nutritionniste à temps plein. En général, c’est un rôle occupé par des consultants. Les Coyotes sont souvent critiqués pour leur manque de ressources, mais dans ce cas-ci, difficile de les accuser.

« On savait qu’on avait plusieurs choix au repêchage qui s’en venaient. Maintenant, il faut les développer, rappelle Tourigny. L’organisation fait un très bon investissement dans le conditionnement physique, la nutrition et la science du sport. »

*****

Dans une première version du texte publiée le 31 octobre dernier, Carl Bombardier était présenté comme « le nutritionniste des Coyotes ». C’était une manière de simplifier l’explication de son rôle au sein de l’équipe, mais dans les faits, il n’est pas membre de l’Ordre des diététistes nutritionnistes du Québec. Les Coyotes le présentent précisément comme étant l’entraîneur haute performance de nutrition de l’équipe. Merci d’en prendre note.