« C’est inacceptable, ce qui s’est passé. »

Homme d’ordinaire discret, David Savard ne mâche pas ses mots au sujet de la déconfiture de Hockey Canada.

« Ça fait de quoi, avoir des enfants et voir du monde comme ça », poursuit le défenseur, qui est père d’une fille et de deux garçons.

Depuis le mois de mai, Hockey Canada se retrouve quotidiennement au cœur de l’actualité. L’entente à l’amiable d’une poursuite civile pour agression sexuelle, le printemps dernier, a ouvert la porte à une série de révélations sur les méthodes de gestion de l’organisme.

Depuis plus de 30 ans, la fédération nationale a multiplié les ententes confidentielles avec des victimes d’agression et leur a versé des millions de dollars, en ayant notamment recours à des fonds alimentés par les inscriptions des jeunes joueurs et joueuses du pays.

Un viol collectif, qui aurait été perpétré en 2018, a particulièrement choqué le public. Encore à ce jour, les suspects, dont la majorité était issue de l’équipe canadienne junior, n’ont pas été nommés.

Pendant tout l’été, et encore au cours des dernières semaines, les dirigeants de Hockey Canada ont été talonnés par les parlementaires à Ottawa, à commencer par la ministre des Sports, Pascale St-Onge, qui a ni plus ni moins réclamé un « ménage » à la tête de l’organisme. L’un après l’autre, les commanditaires majeurs ont largué la fédération.

Samedi dernier, la présidente intérimaire du conseil d’administration, Andrea Skinner, a remis sa démission. Et ce mardi, les administrateurs restants ainsi que le président et directeur général de Hockey Canada, Scott Smith, l’ont imitée.

Nombreux sont les membres du Canadien de Montréal qui ont eu des liens avec Hockey Canada. En incluant le personnel d’entraîneurs, ils sont près d’une vingtaine à avoir porté l’uniforme unifolié sur la scène internationale, que ce soit dans les rangs juniors, aux Championnats du monde, à la Coupe du monde ou aux Jeux olympiques.

De dire qu’ils se vident aujourd’hui le cœur serait exagéré. Les personnes interrogées ont suivi le fil des évènements à un degré variable – « je ne suis pas sur les réseaux sociaux », a succinctement lancé Josh Anderson, qui était de la formation canadienne au plus récent Championnat du monde, en mai dernier.

Un constat, toutefois, se dégage. « On espère que les bonnes personnes seront tenues responsables afin qu’on puisse aller de l’avant », a résumé Brendan Gallagher, de loin le plus volubile du vestiaire à ce sujet.

« Il y a un abus de confiance avec Hockey Canada, a ajouté celui qui a représenté son pays à trois reprises. J’espère que les enquêtes suivront leur cours. Hockey Canada a longtemps projeté une image positive ; là, il est évident que des choses doivent changer. »

« C’est très décevant de voir les évènements qui sont survenus », a abondé l’entraîneur-chef Martin St-Louis, qui a joué six fois avec l’équipe canadienne.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Martin St-Louis

« Comme dans n’importe quoi, il faut que des personnes prennent la responsabilité. C’est ce qui est arrivé. »

Interrogé à savoir si, à ses yeux, un changement s’imposait à la tête de Hockey Canada, St-Louis a simplement répondu « oui », sans approfondir.

« Personne n’est fier » de l’escalade des révélations des derniers mois, a enchaîné Jonathan Drouin, un habitué des rendez-vous internationaux dans les rangs juniors.

« Tu espères que ce n’est pas vrai, a-t-il ajouté. Mais malheureusement, on vit dans un monde où c’est bien réel. C’est triste à voir. »

Spontanément, le Québécois a également eu une pensée pour les victimes d’agressions et pour leurs familles. « C’est quelque chose qui marque à vie. »

« Renaître »

Jake Allen, pour sa part, souhaite que Hockey Canada profite de l’occasion pour « renaître de la bonne manière ».

Car, insiste-t-il, « il y a beaucoup plus de bon que de mauvais au hockey ». Dans ce milieu comme dans la société, « tout le monde doit être responsable de ses actions ».

Les comportements inappropriés « ne sont pas la norme », martèle Savard, médaillé d’or avec l’équipe canadienne au championnat mondial sénior 2015.

« Les joueurs de hockey ont mauvaise réputation à cause d’incidents comme ça », déplore-t-il, s’empressant d’ajouter qu’« on entend de bonnes histoires aussi ».

Gallagher tient le même discours. Rien ne lui enlèvera jamais la « fierté » qu’il a ressentie en portant la feuille d’érable. Il souligne tout ce que l’organisation a fait pour le développement du hockey mineur, du hockey féminin, du handisport… « Il y a tellement de bon qui est censé venir de ça », renchérit-il. D’où l’importance d’une relance faite « avec prudence ».

« J’espère qu’on apprendra de ça et qu’on sera meilleurs par la suite », conclut Nick Suzuki.