C’était en mars 2019. Alec Reid, attaquant de l’Armada de Blainville-Boisbriand, mourait des suites d’une crise d’épilepsie. L’histoire avait secoué le hockey québécois tout entier. Plus de trois ans plus tard, le jeune homme renaît en quelque sorte à travers le livre qui lui rend hommage : En plein cœur d’Alec Reid.

Le bouquin, lancé le 13 août, est le fruit du travail de l’auteure Gwen Bobée. Elle-même maman d’un ancien joueur de hockey, Mme Bobée a d’abord été mise au courant de l’histoire d’Alec Reid par sa belle-sœur, qui s’avère aussi être la cousine d’Alec.

Comme tout le monde, l’auteure a été chavirée. Mais l’idée de raconter Alec dans un livre n’est venue que cinq mois plus tard, quand elle a appris que le père du jeune défunt, Luc Reid, venait lui aussi de mourir subitement.

« Là, j’ai été bouleversée », se souvient Mme Bobée, qui a surtout pensé à la douleur que devait éprouver « la maman d’Alec », Josée Vallée.

PHOTO STUDIO JUZOLIE, FOURNIE PAR GWEN BOBÉE

Gwen Bobée, auteure du livre En plein cœur d’Alec Reid

De mère à mère, je comprenais tellement ce qu’elle pouvait ressentir. La perte épouvantable… Quand on me demandait pour qui j’écrivais le livre, force m’a été d’admettre que c’était pour Josée. Je ne la connaissais pas avant.

Gwen Bobée, autrice du livre En plein cœur d’Alec Reid

Avec l’accord de Mme Vallée, l’auteure s’est lancée dans le projet en 2020. Elle a rencontré une trentaine d’intervenants : membres de la famille, amis, copine, coéquipiers et entraîneurs d’Alec ainsi que spécialistes de l’épilepsie.

Divisé en trois grandes parties, le livre raconte d’abord le jour de la mort du jeune homme, avant de relater sa vie d’un ton plus léger. Pour le dernier tiers de l’ouvrage, l’auteure a fait appel à des neurologues et cardiologues de renommée afin d’expliquer avec exactitude comment le cœur d’Alec Reid a pu cesser de battre subitement, cette journée du 3 mars 2019, alors qu’il dormait chez une amie avec sa copine.

Trop de monde me disait : “Comment ça, il est mort ?” C’est devenu comme vital, dans ma quête du livre […] J’ai vraiment poussé pour avoir une explication parce que je sentais que c’était important pour les gens et, tout doucement, ça devenait important pour moi. 

Gwen Bobée, auteure du livre En plein cœur d’Alec Reid

« Je me disais : “Comme j’écris le livre pour Josée, il faut que je lui apporte ces réponses-là.” Elle, ça tourne dans sa tête : “Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?” »

Mme Bobée s’est d’ailleurs inspirée des écrits de la mère d’Alec pour son livre ; ces « jets du cœur » très personnels permettaient à Mme Vallée de « se libérer, essayer de relativiser » les deuils de son fils et de son mari, explique l’auteure.

« Josée me disait toujours : “Gwen, je vais lire chaque chapitre, mais quand je vais être prête. […] Quand je ne le lis pas, ce n’est pas parce que je ne veux pas, c’est parce que je ne peux pas.”. Mais elle l’a fait d’une main de maître. Elle a été une collaboratrice extraordinaire. »

« Je ne la remercierai jamais assez », ajoute-t-elle.

« Un gars qui allait à la guerre »

Bruce Richardson, entraîneur-chef de l’Armada de Blainville-Boisbriand, est le premier à avoir reçu un appel du père d’Alec Reid, le matin fatal. Encore à ce jour, le souvenir est douloureux.

« Tu sais, quand quelqu’un chante une chanson et que tu n’es pas capable de te la sortir de la tête ? C’était comme ça pendant des mois ; j’avais les mots de son père en tête, qui m’appelait en pleurant et en criant, raconte-t-il à La Presse. Il me disait : “Reider est mort, Reider est mort ! Il te respectait tellement, il voulait aller à la guerre pour toi, il aurait tout fait pour toi.” »

Richardson a été l’entraîneur de Reid non seulement avec l’Armada, mais aussi avec les Grenadiers de Châteauguay, dans la Ligue de hockey M18 AAA du Québec, quelques années auparavant. Autrement dit, le joueur et l’entraîneur se connaissaient bien et partageaient une belle relation.

Quand tu coaches, ce ne sont pas des choses qui sont supposées arriver […] Tu arrives dans une situation comme celle-là… J’avais un lien avec le joueur, mais j’ai 22 autres joueurs avec qui je dois adresser la situation. Mais moi aussi, j’ai de la peine. Moi aussi, je suis blessé, ça me fait mal. Mais je dois parler à ces gars-là, les guider, les encadrer. Pour qu’on passe à travers.

Bruce Richardson, ancien entraîneur d’Alec Reid

Quand est venu le temps pour Gwen Bobée de trouver quelqu’un pour écrire le mot de la fin du livre, elle s’est tournée vers Bruce Richardson, qui a accepté sans hésiter. Sauf que l’exercice n’a pas été évident pour l’entraîneur, qui a peiné à trouver les mots. Il lui restait moins de 24 heures avant la date limite quand il s’est finalement installé devant son ordinateur.

« J’ai commencé et je n’étais plus capable d’arrêter, relate-t-il. J’aurais pu faire 100 pages. J’ai commencé en disant comment j’ai appris qu’Alec faisait de l’épilepsie. C’était pendant un échauffement, dans le M18. On était dans les séries. Je ne voulais pas qu’il joue et il m’avait dit : “C’est sûr que je joue, ce n’est pas ça qui va m’arrêter.” »

Encore aujourd’hui, « c’est dur » pour l’entraîneur de parler d’Alec Reid. Au bout du fil, on le sent émotif, mais en aucun cas importuné. « Je pourrais te parler [d’Alec] pendant des heures », lance-t-il. Même si ça fait mal. Et même s’il n’a pas encore trouvé la force de lire le livre.

« J’ai lu une page. Je ne suis pas capable, laisse-t-il tomber. Quand j’ai commencé la première page, je l’ai refermé. Ma femme a fait la même chose. Il est sur mon bureau. Il est là. Je vais le lire un moment donné, mais présentement… Je t’en parle et j’ai encore des frissons. »

Un mot d’Amélie Lemieux

PHOTO ANTOINE MEUNIER, FOURNIE PAR GWEN BOBÉE

On retrouve dans le livre En plein cœur d’Alec Reid un mot spécial signé par Amélie Lemieux, la mère de Norah et Romy Carpentier, enlevées puis tuées par leur père en 2020. « Je me disais : “Qui de mieux qu’une maman qui a perdu ses enfants de façon tragique pour apporter un mot de réconfort à une maman qui a perdu un enfant de façon tragique.” C’était vraiment pour apaiser le cœur de Josée, pour qu’elle se sente comprise », dit l’auteure, Gwen Bobée.