(Ottawa) À l’issue d’une brève réflexion, Hockey Canada a décidé de ne plus utiliser son fonds de réserve pour régler des affaires d’agression sexuelle. Ses dirigeants sont malgré tout attendus de pied ferme par des élus à Ottawa qui poursuivront leur étude en comité la semaine prochaine.

L’organisation s’est retrouvée dans l’embarras pour la énième fois, lundi, lorsqu’on a appris l’existence de ce fonds spécial dans une déclaration sous serment de juillet 2021 signée par Glen McCurdie, qui était alors vice-président des assurances et de la gestion des risques à Hockey Canada.

« Hockey Canada maintient une réserve dans un compte distinct pour payer les responsabilités non assurées qui pourraient survenir », indique la déclaration consultée par La Presse. McCurdie affirme que « les passifs non assurés comprennent les réclamations potentielles pour abus sexuels passés ».

Cela a valu à l’organisation de sévères remontrances de la part du premier ministre Justin Trudeau. « Énormément de gens ont perdu confiance dans cette organisation, a-t-il martelé mardi. Je suis vraiment, vraiment perturbé par la culture qui apparemment s’est immiscée dans les plus hauts niveaux de cette organisation. »

Un peu plus de 24 heures plus tard, Hockey Canada a corrigé le tir.

« À partir de maintenant, le fonds national de capitaux propres ne sera plus utilisé pour le règlement de réclamations liées à une agression sexuelle », a déclaré l’organisation par voie de communiqué, mercredi, reconnaissant « qu’il y a beaucoup à faire pour regagner la confiance de la population canadienne ».

L’argent sera dorénavant « exclusivement réservé aux initiatives de l’organisation en matière de sécurité, de bien-être et d’équité, de même qu’à l’assurance », a-t-on poursuivi en précisant que, « de 2014 à 2021, 98 % des ressources du fonds ont été allouées à ces dépenses ».

Témoignages en comité, prise 2

En avril dernier, une jeune femme a déposé une poursuite de 3,55 millions contre huit ex-joueurs de la Ligue canadienne de hockey, contre la ligue elle-même et contre Hockey Canada, alléguant avoir été victime d’un viol collectif en marge d’un évènement chapeauté par Hockey Canada à London, en Ontario, en juin 2018.

L’affaire a été réglée à l’amiable, et le chèque, dont le montant est inconnu, signé par Hockey Canada.

C’est ce qu’on a appris de la bouche de trois dirigeants de l’organisation, le 20 juin dernier, au comité permanent du Patrimoine canadien.

Et après cette présence qualifiée de « plutôt décevante » par la ministre des Sports, Pascale St-Onge, le trio aura une deuxième chance de faire une meilleure impression, la semaine prochaine.

Le chef de la direction sortant de Hockey Canada, Tom Renney, son successeur, Scott Smith, et le président de la Fondation Hockey Canada, Dave Andrews, ont reçu un autre carton d’invitation du comité. Ils y seront mercredi.

Les patrons des trois ligues juniors majeures du pays – Gilles Courteau, de la Ligue de hockey junior majeur du Québec, David Branch, de la Ligue de l’Ontario, et Ron Robison, de la Ligue de l’Ouest – font également partie de la liste des invités, tout comme Glen McCurdie, qui n’avait pu se présenter en juin.

Les travaux du comité de la Chambre des communes s’amorcent cependant mardi avec les témoignages de la ministre St-Onge et de Danielle Robitaille, qui est associée à la firme Henein Hutchison – celle qui a réalisé l’enquête indépendante initiale en 2018.

Encore des preuves à faire

Le gouvernement Trudeau a suspendu l’attribution de fonds fédéraux à l’organisation le 22 juin dernier.

La ministre St-Onge a alors averti Hockey Canada que deux conditions devaient être remplies pour retrouver cet argent : divulguer les recommandations du cabinet Henein Hutchison et devenir signataire du Bureau du commissaire à l’intégrité dans le sport.

Au moment de publier ces lignes, l’organisation ne figurait pas sur la liste des signataires du Bureau du commissaire à l’intégrité dans le sport. La firme Henein Hutchison n’a pas répondu aux questions de La Presse.

Examen interne de la police de London

Il n’y a pas que Hockey Canada qui se penchera sur ses pratiques : la police de London a aussi déclenché un examen sur les siennes.

« J’ai ordonné qu’un examen interne de l’enquête soit mené afin de déterminer si d’autres avenues d’enquête pourraient être explorées », a déclaré par voie de communiqué le chef du Service de police de London, Steve Williams, sans fournir d’échéance pour la présentation des résultats de l’analyse.

« Nous soutiendrons entièrement ceux qui se manifesteront », a-t-il ajouté.

Un certain nombre de joueurs de l’édition 2018 de l’équipe nationale junior ont publiquement affirmé ne pas être impliqués dans les gestes allégués ou qu’ils n’étaient pas à ce gala.

Il s'agit de Cale Makar, Robert Thomas, Jordan Kyrou, Victor Mete, Conor Timmins, Taylor Raddysh, Jonah Gadjovich, Sam Steel, Maxime Comtois, Kale Clague, Jake Bean, Carter Hart, Colton Point, Cal Foote, et Dante Fabro.

Avec Émilie Bilodeau et Nicholas Richard, La Presse, et La Presse Canadienne