(Denver) La salle de conférence du Ball Arena est grouillante d’activité en ce mardi après-midi. Pour la première fois depuis 2019, la LNH organise une véritable journée des médias, cet évènement où pratiquement tous les joueurs des deux équipes finalistes sont disponibles pour des entrevues. Ils sont six ou sept en même temps, dispersés sur différents podiums, pour répondre aux questions.

C’est essentiellement la dernière occasion de leur parler avant que tout le monde ne tombe en mode finale. Avant que les réponses deviennent plus courtes. C’est donc l’occasion d’aborder des sujets plus légers. Par exemple, quand Nick Paul s’est fait demander de raconter son entrevue entre deux périodes avec Renaud Lavoie à TVA Sports.

On ne le voit pas dans la vidéo, mais l’entraîneur-chef du Lightning, Jon Cooper, interpelle son attaquant. « Il était juste derrière moi, je l’ai seulement entendu, je ne le voyais pas », a raconté Paul, mardi, à la veille du début de la finale entre le Lightning de Tampa Bay et l’Avalanche du Colorado.

« On venait d’accorder un but, et j’avais perdu ma bataille le long de la rampe. Je n’étais pas très content, moi non plus. Jon arrive, il dit : “Viens dans le vestiaire tout de suite !” Ça ne m’était jamais arrivé avant. Il n’y avait aucune chance que je reste là ! »

Ça se passait au premier entracte du deuxième match de la finale de l’Association de l’Est. Les Rangers de New York avaient remporté le premier duel et menaient 2-1 dans le deuxième. Ils ont gagné ce match, mais le Lightning a remporté les quatre rencontres suivantes pour se retrouver ici en finale.

« C’était un match important. On a compris ce qu’on devait faire. On a perdu, mais le message était clair. On retournait ensuite à la maison, et c’est ce qui a amorcé notre réveil », a poursuivi Paul.

Douze jours plus tard, voici le Lightning en finale pour la troisième année de suite. C’est du jamais-vu depuis les Islanders de New York de 1980 à 1983. Le Lightning tente aussi de gagner une troisième Coupe Stanley de suite, un autre exploit inédit depuis Alger Arbour et ses troupiers.

En fait, aligner trois championnats de suite est un exploit, peu importe le sport. Ce n’est jamais arrivé dans la NFL dans l’ère du Super Bowl. Au baseball majeur, les Yankees de New York de 1998 à 2000 sont les seuls à y être parvenus dans les 40 dernières années. Dans la NBA, c’était plus commun, mais les Lakers de Los Angeles de 2000 à 2002 sont la dernière véritable dynastie.

Ce thème des championnats successifs a été étudié par l’état-major du Lightning. « Une des choses qu’on s’est demandée, c’est pourquoi il est si rare qu’une équipe gagne deux fois de suite ? Est-ce parce que ces équipes respirent un peu, une fois qu’elles ont leur nom sur la Coupe, et que ça leur achète quelques années de paix d’esprit ? », a indiqué Cooper.

Photo Ron Chenoy, USA TODAY Sports

Jon Cooper, entraîneur-chef du Lightning de Tampa bay

« Un, l’être humain peut en faire beaucoup sur le plan physique, plus que ce qu’on pense. Deux, les joueurs de la LNH sont des athlètes d’élite. C’est incroyable, ce qu’ils peuvent faire subir à leur corps. C’est plus sur le plan psychologique que ça devient difficile », a noté Julien BriseBois, directeur général du Lightning.

« J’ai parlé à des gens dans différentes organisations qui ont gagné deux titres, pas nécessairement trois. Ce qui revenait souvent, c’est que les joueurs manquaient d’appétit la troisième année. Je n’ai jamais senti ça avec notre équipe. Dans les réunions avec mes joueurs, ils disaient toujours qu’on restait en mission. »

Dans le cas spécifique du hockey, le plafond salarial rigide crée une parité qui fait en sorte qu’il est presque impossible de maintenir à long terme le noyau d’une équipe. Le Lightning est passé par là ces dernières années, notamment l’été dernier, quand l’équipe a carrément perdu son troisième trio pendant la saison morte, faute de marge de manœuvre salariale. Pour une rare fois, BriseBois pourra respirer cet été, lui qui a un seul contrat à renouveler au sein de son noyau, celui d’Ondrej Palat.

Forte opposition

C’est tout le contraire chez l’Avalanche. Cette équipe compte 10 joueurs autonomes sans compensation dans son effectif, notamment le gardien Darcy Kuemper et les attaquants Nazem Kadri et Valeri Nichushkin. C’est sans oublier le fait que Nathan MacKinnon n’en a plus que pour un an à jouer à 6,3 millions de dollars sous le plafond salarial, une somme dérisoire (dans le contexte) pour celui qui fait partie des trois meilleurs joueurs de la LNH.

« Ces prochaines années, d’autres équipes auront aussi ce défi, a rappelé Joe Sakic, directeur général de l’Avalanche. Il faut donc profiter de nos occasions. Mais on a un bon noyau jeune. »

Photo Ron Chenoy, USA TODAY Sports

Joe Sakic, directeur général de l’Avalanche du Colorado

L’occasion que l’Avalanche a, c’est d’abord de gagner la Coupe Stanley, après des années à être perçue comme une puissance en devenir. De 2009 à 2013, l’équipe a repêché trois fois dans les trois premiers rangs, mais les bons résultats en saison ne se convertissaient jamais en longs printemps.

Ensuite, c’est d’empêcher le Lightning de devenir une dynastie. Si on se fie aux propos glanés d’un podium à l’autre, c’est assurément une source de motivation.

« C’est excitant. Ce sont les meilleurs depuis longtemps, et on a la chance de les faire tomber de leur piédestal, a exprimé le défenseur Cale Makar. On essaie de commencer quelque chose de spécial, et ils essaient de continuer à écrire leur dynastie. »

« Ils ont perdu contre Columbus en 2019, et c’est comme si tout le monde les avait oubliés. Et là, ils tentent de gagner une troisième Coupe de suite. Toute la ligue essaie de les imiter », a ajouté un autre défenseur, Erik Johnson.

Comme en 1999

S’il y en a un qui comprend l’enjeu, c’est bien Sakic.

L’ancienne gloire des Nordiques de Québec a du vécu. Comme joueur, avec l’Avalanche, Sakic a notamment connu la violente rivalité avec les Red Wings de Detroit. En 1999, ces deux équipes se sont retrouvées au deuxième tour, et les Wings étaient alors les doubles champions. L’Avalanche l’avait emporté en six matchs, avant de s’incliner en finale de l’Association de l’Ouest.

« C’était une équipe incroyable. On avait beaucoup d’admiration pour eux, se souvient Sakic. On ne les aimait pas, mais il fallait les respecter. Je suis sûr qu’ils pensaient la même chose de nous. Ces équipes, tu dois respecter ce qu’elles ont fait.

« Là, on affronte les doubles champions, et on veut les faire tomber. »

L’Avalanche devra réussir là où les 11 derniers rivaux du Lightning en séries ont échoué.