(Buffalo) Le mois dernier, après que le Canadien eut gagné la loterie pour le premier choix du repêchage, Kent Hughes affichait un large sourire, pour des raisons évidentes.

Un confrère a alors demandé au directeur général du Tricolore, à la blague, s’il comptait utiliser ce choix pour repêcher son fils, Jack Hughes. « Je ne repêcherai pas mon fils au 1er rang, je peux vous dire ça ! », avait-il répondu. Mais il n’a rien précisé pour les autres choix !

Or, il appert que le Canadien fera ses devoirs, même s’il peut paraître incongru que le DG se tourne vers son propre fils. Le Tricolore fait effectivement partie de la liste des 26 équipes qui rencontreront cette semaine Jack Hughes, un charismatique attaquant de 18 ans qui vient de terminer sa première saison à l’Université Northeastern et qui est pressenti pour être réclamé dans les deux premiers tours cet été.

Ce mercredi, Jack Hughes a donc rendez-vous avec l’état-major du Canadien au camp d’évaluation des espoirs, en vue du repêchage. Il aura droit à la classique rencontre d’une quinzaine de minutes lors de laquelle les joueurs se font bombarder de questions.

Quand ma mère a su que je rencontrais le Canadien, elle a dit à mon père : “Tu ne vas quand même pas rester ?” Il a dit : “Je pense que je vais me pousser pour celle-là !”

Jack Hughes

Surpris de rencontrer les employés qui travaillent sous l’autorité de son père ? « Un peu, admet-il. Il en connaît beaucoup sur moi, évidemment ! Mais il n’est pas le seul à prendre les décisions et s’ils ont l’occasion de me repêcher, c’est important que le personnel sache quel genre de personne je suis, pas seulement quel type de joueur je suis. »

L’arrivée d’un deuxième Hughes dans l’organisation serait curieuse, mais pas inédite non plus. Prenez les Jets de Winnipeg la saison dernière : l’entraîneur adjoint Dave Lowry a été promu entraîneur-chef en cours d’année et comptait donc son fils, Adam, parmi ses joueurs. À une autre époque, Bill Dineen a coaché son fils Kevin chez les Flyers de Philadelphie.

Sauf qu’un directeur général qui investit un choix de repêchage, c’est autrement plus significatif. Le Tricolore parlera au 1er rang, au 26e rang, puis de nouveau du début du 2e tour, là où il y a encore moyen de trouver de futures vedettes.

Prenez le 26e rang, justement ; c’est là qu’ont été sélectionnés Phillip Danault, Evgeni Kuznetsov, David Perron et Shea Theodore. Ce n’est pas là un choix à prendre à la légère comme les Devils du New Jersey qui, en 2013, ont sélectionné Anthony Brodeur au 208e rang, bien sûr en guise d’hommage au photographe Denis Brodeur, son grand-père.

« Au début, quand mon père a eu le poste, mon grand frère lui a demandé s’il me repêcherait. Il a dit : “Seulement s’il est assurément, à 100 %, la meilleure option disponible et que le personnel est d’accord.” Ça ne me dérangerait pas d’être repêché par Montréal. Je sais que mon père ne me traiterait pas différemment des autres. Ce serait juste une source de motivation de plus pour prouver aux gens que je n’ai pas seulement été repêché parce que c’est mon père. »

Un indice

En janvier, pendant que la ville se demandait si les rumeurs de l’intérêt de Kent Hughes pour le poste de directeur général du Canadien étaient bien réelles, Jack Hughes avait des indices à la maison familiale, dans la région de Boston.

« On voyait de plus en plus de livres de français sur la table, donc on se doutait de quelque chose ! », lance-t-il en riant.

Quand le père obtient un poste de la sorte, la relation change-t-elle ? « Un peu, parce qu’il est un peu plus occupé, même s’il était assez occupé avant aussi ! Il me laisse plus faire mes choses. Auparavant, il venait me voir après mes matchs et me demandait comment j’avais joué. Quand je n’étais pas content de mon match, il me disait : “C’est vrai que t’as assez mal joué !” Et il me montrait certaines choses. Une fois qu’il a eu le poste, ce n’était pas tout à fait pareil. Je pense qu’il voulait que je trouve mes propres solutions, car il ne sera pas toujours là pour me coacher. »

Car oui, Kent Hughes a longtemps été entraîneur pour ses fils. Il a donc déjà été placé dans cette position délicate que connaissent bon nombre de parents au hockey mineur.

PHOTO JIM PIERCE, FOURNIE PAR L’UNIVERSITÉ NORTHEASTERN

Jack Hughes

« Je dirais même qu’il m’a traité injustement, raconte le jeune homme. Il a été plus dur avec moi qu’avec les autres, parce qu’il pouvait se le permettre. Je crois que ça m’a aidé. Il ne m’aurait pas poussé s’il ne pensait pas que je pouvais en prendre.

« Après certains exercices, il nous demandait de faire deux tours de patinoire. Et il venait patiner à côté de moi, il se mettait à me crier de relever les épaules. Quand on faisait des exercices d’avantage numérique, il me disait : “Tasse-toi.” Et il prenait ma place, il me montrait quoi faire. Je ne dirais pas que c’était injuste, mais il me poussait plus fort que d’autres gars. »

En chute au classement

La saison dernière, Jack Hughes a inscrit 16 points (7 buts, 9 aides) en 39 matchs à l’Université Northeastern. Il se voit comme « un centre bon dans les deux sens de la patinoire », mais aussi comme un O négatif du hockey (nos mots, pas les siens) parce qu’il pense d’abord à alimenter ses coéquipiers.

Difficile de prédire son rang de sélection, par contre. Au classement de mi-saison de la Centrale de recrutement de la LNH, il pointait au 7e rang des espoirs nord-américains. Au classement final ? Au 26e rang. Il est d’ailleurs le membre du top 10 de mi-saison qui a glissé le plus loin au classement.

« C’est dur de l’ignorer, les gens me textaient, admet-il. Je ne pense pas avoir été affecté, mais je suis en désaccord, car je pense que j’ai été meilleur en deuxième moitié de saison qu’en première moitié. Mais c’est la liste de la LNH, pas celle des équipes. Je n’ai pas cherché à comprendre. J’imagine que d’autres gars ont eu une bonne deuxième moitié de saison. »

Être repêché par le Canadien serait spécial pour lui, mais ce n’est visiblement pas le seul logo qui lui ferait plaisir…

« Je suis encore un partisan des Bruins [de Boston]. Mon père a longtemps représenté Patrice Bergeron, donc j’ai appris à le connaître un peu. Tant qu’il sera membre des Bruins, je serai fan d’eux. Et je pense que je serai un fan toute ma vie, sauf peut-être s’ils sont des rivaux de mon équipe ! »

Les Bruins n’ont pas de choix au premier tour, mais parleront au 54e rang. On devine que Jack Hughes sera à l’écoute s’il n’a pas encore le chandail d’une équipe sur le dos.