La mission de la majorité des équipes de la Ligue américaine est claire : préparer des jeunes joueurs en vue d’un saut dans la LNH. Cela n’empêche pas des vétérans d’y connaître de belles carrières. Mais sur le fond, c’est pas mal ça.

Qu’en est-il, toutefois, en séries éliminatoires ? C’est soudain moins clair. Surtout lorsqu’une équipe touche aux séries pour la première fois de sa jeune histoire.

Le Rocket de Laval se retrouve dans cette exacte situation. À sa cinquième saison dans l’île Jésus, il amorcera vendredi sa toute première série contre le Crunch de Syracuse.

Or, un nouveau joueur est apparu dans l’entourage de l’équipe au cours des derniers jours. Le défenseur Mattias Norlinder, après avoir conclu sa saison avec le Frölunda HC, en Suède, s’est joint au Rocket.

Ce n’est pas un inconnu, puisque ce choix de troisième tour du Canadien en 2019 a disputé six matchs avec le Tricolore et six autres à Laval en début de campagne. Il a néanmoins passé l’hiver en Europe. Parlons plutôt d’un revenant, qui a par ailleurs peiné dans son pays d’origine en récoltant seulement 2 mentions d’aide en 21 matchs, une misère pour un joueur réputé pour son apport offensif.

À l’entraînement de mercredi matin, son deuxième avec le Rocket et le dernier de l’équipe avant de partir pour Syracuse, Norlinder patinait au sein d’un duo de réservistes, ce qui laisse croire qu’il pourrait être laissé de côté vendredi.

Devant lui, six vétérans. Xavier Ouellet (28 ans), Louie Belpedio (25), Sami Niku (25), Torry Dello (25), Tobie Bisson (25) et Corey Schueneman (26). Dello et Bisson ont des contrats de la Ligue américaine ; des quatre autres, tous liés au Canadien, on peut dire que seul Schueneman a un réel avenir à Montréal.

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Xavier Ouellet

Aussi bien dire qu’on ne forge pas, actuellement, l’avenir de la défense tricolore. Dans une pure perspective de développement, la logique voudrait donc qu’on fasse une place à Norlinder, 22 ans.

Or, la décision sera plus nuancée, confirme Jean-François Houle, entraîneur-chef du Rocket.

« On a eu 72 matchs pour développer, explique-t-il. Là, c’est rendu très important de gagner. Si ça arrive qu’on puisse développer en même temps, tant mieux. »

Aucune décision n’a encore été prise sur l’utilisation qui sera faite de Norlinder, considéré comme « un atout important pour l’organisation ». Car l’équipe « a aussi 30 autres joueurs à gérer, et c’est important de s’en occuper ».

La même politique s’appliquera au choix du gardien de but. On ne sait pas encore qui de Cayden Primeau ou de Kevin Poulin obtiendra le filet pour le premier duel contre le Crunch.

« [En défense], si Mattias peut nous aider, on va peut-être l’entrer dans la formation », a encore dit Houle.

« On a gagné en équipe cette année, on aimerait gagner en équipe en séries. »

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L’entraîneur-chef du Rocket de Laval, Jean-François Houle

Adaptation

Le fait est que Norlinder est encore en pleine adaptation au hockey nord-américain. Il a eu droit à une courte période d’acclimatation en septembre et en octobre, d’abord au camp de développement du Canadien, puis en début de saison dans la LNH et dans la Ligue américaine. Mais on ne peut dire, à la lumière d’un échantillon limité, qu’il ait eu pleinement le temps d’apprivoiser les petites patinoires de ce côté de l’Atlantique, un obstacle évident pour les défenseurs européens.

Le jeune homme a certes expliqué mardi à quel point il avait amélioré son travail en territoire défensif pendant la saison. Mais à moins d’une transformation totale, il aura de la difficulté à s’imposer immédiatement, à plus forte raison en séries éliminatoires, dans une ligue réputée pour ne faire de cadeau à personne.

C’est justement le fait que la brigade défensive soit expérimentée et rodée qui fait croire à Tobie Bisson que le Rocket peut faire un bout de chemin dans sa quête de la Coupe Calder.

Ça va être physique, on va être maganés, mais on sait composer avec ça. Même les plus jeunes, comme Dello et moi, on a plus d’expérience que bien des gars des autres équipes.

Tobie Bisson

Selon lui, la « constance » de la défense a fait sa force. Ce qui ne représente pas pour autant un frein à l’intégration de Norlinder. Même que son arrivée pourrait donner « un petit coup de pied au cul » à tout le monde, sachant qu’« il y a une chance [qu’un joueur] se fasse sortir de la formation », a ajouté le Québécois en riant.

Xavier Ouellet a abondé dans le même sens.

« On se prépare seulement à gagner des matchs, et c’est un homme de plus pour nous aider », a résumé le capitaine du Rocket. Selon lui, Norlinder est arrivé à Laval « avec une très bonne attitude », sourire aux lèvres, résolument heureux de la chance qui lui est offerte de prolonger sa saison – Frölunda a été éliminé en demi-finale du championnat suédois.

Tout en sagesse, l’attaquant Rafaël Harvey-Pinard a pour sa part rappelé qu’« on n’a jamais trop de profondeur en séries », moment de l’année où « il peut arriver tellement de choses ».

Les circonstances font en sorte que Harvey-Pinard et Jesse Ylönen sont les deux seuls espoirs du Canadien assurés d’être en uniforme vendredi à Syracuse. On repassera donc pour les vertus du développement à ce point-ci. Encore que ce n’est pas à Montréal qu’ils auraient goûté à du hockey de séries cette saison. Une expérience qui, on le sait, vaut aussi son pesant d’or.