Josh Anderson a toujours été reconnu pour son franc-parler depuis son arrivée à Montréal. Au terme d’une soirée où ni ses deux coéquipiers au podium ni son entraîneur-chef n’avaient le goût d’étaler leurs émotions, Anderson a été le meilleur pour exprimer ce que les plus fidèles partisans qui se sont imposé ce match ont ressenti.

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« On s’est fait humilier ce soir, a lancé le gros ailier droit, au terme d’une routinière dégelée, celle-là au compte de 7-1 aux mains des Devils du New Jersey. Quelques erreurs nous ont coûté des buts. On pensait qu’après la pause, on serait reposés et prêts à jouer. Mais vous l’avez vu. Je me sens humilié. »

Il n’y a en effet pas vraiment d’autres termes pour décrire ce qui s’est déroulé au Centre Bell mardi. L’adversaire était une équipe qui avait perdu ses sept matchs précédents, qui avait joué la veille, qui ne gagne qu’un match sur trois cette saison, et qui est privée de ses deux premiers gardiens, de son défenseur numéro 1 (Dougie Hamilton) et de son attaquant le plus créatif (Jack Hughes).

Le scénario habituel s’est répété. Jeff Petry qui commet une erreur de couverture après l’autre. Un joueur comme Michael McLeod, ancien choix de premier tour qui ne totalisait que 12 buts en 127 matchs avant la soirée, qui a des airs de Ray Sheppard avec ses deux buts marqués dans l’enclave. À l’autre bout, un gardien qui a plus ou moins à se démarquer malgré les 31 tirs dirigés vers lui.

Quand une équipe accueille des spectateurs pour la première fois en deux mois, qu’ils ne sont que 500, et qu’on entend des huées pendant la dernière minute, il est difficile de penser à d’autres mots que ceux prononcés par Anderson précédemment.

Du renfort et vite

Ces humiliations, c’est une chose pour les patineurs, qui sont 18 à se répartir le blâme après une défaite. « Ce soir, on avait un seul trio qui fonctionnait », a rappelé Anderson, faisant référence à la quatrième unité, celle pilotée par Ryan Poehling.

Mais devant le filet, les buts encaissés par demi-douzaine ne peuvent pas être bons pour le moral. Or, les chiffres récents donnent le vertige. Depuis Noël, c’est la 14fois (en 14 matchs) que cette équipe accorde trois buts ou plus. Mais surtout, c’est la 9fois qu’elle en permet cinq.

À l’exception d’une période de Jake Allen et d’une période de Michael McNiven, ces raclées ont toutes été subies par Cayden Primeau et Samuel Montembeault. Mardi, c’était le tour de Primeau.

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Michael McLeod devant Cayden Primeau

Ce dernier n’a que 22 ans. Un seul gardien plus jeune que lui – Spencer Knight – joue à temps plein dans la LNH cette saison. C’est ainsi parce qu’il est généralement convenu que les gardiens arrivent plus tard que les attaquants et les défenseurs à maturité. Mais avec Allen et Carey Price sur la touche, avec Montembeault pas à 100 %, Dominique Ducharme n’a d’autre choix que de s’en remettre à Primeau.

Mais celui qui était vu encore récemment comme le meilleur espoir de l’organisation devant le filet en prend pour son rhume. Sa moyenne de 4,62 est la pire dans une saison dans l’histoire du Canadien, parmi ceux qui ont disputé au moins 10 matchs.

Primeau peine à réaliser les arrêts importants, mais ne peut être tenu à l’impossible quand des adversaires accèdent aussi facilement aux zones dangereuses.

« Il faut quasiment être parfaits », a laissé tomber Ducharme dans une réponse. Soulignait-il ainsi la fragilité de ses gardiens ? Impossible de le savoir.

« Je suis sûr que ce n’est pas facile pour un jeune gardien de jouer derrière nous, a convenu le défenseur Ben Chiarot. Mais des jeunes ont la chance de montrer ce qu’ils peuvent faire, dans des circonstances difficiles. Pour t’établir à temps plein dans la LNH, tu dois traverser des tempêtes. Parfois, une équipe va en arracher. Nos jeunes gardiens passent à travers ça en ce moment. »

« Il nous reste beaucoup de matchs à jouer et ce n’est pas plaisant de perdre en ce moment. Ce n’est pas plaisant de venir à l’aréna », a admis Anderson.

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Ty Smith et Josh Anderson devant le gardien Jon Gillies

Bref, les résultats soir après soir sont durs à encaisser, et l’ambiance de travail n’est guère joviale. Ça en laisse très peu pour créer des conditions gagnantes pour le développement des jeunes.

Peut-être au fond que Chiarot a raison, qu’il n’y a rien de mal à un apprentissage « à la dure ». Des équipes comme les Penguins de 2005-2006 ou l’Avalanche de 2016-2017 se sont rétablies après avoir vécu six mois d’horreur. Mais ces équipes comptaient aussi sur des types comme Sidney Crosby et Nathan MacKinnon, ce que le CH n’a pas.

Dans les circonstances, il sera intéressant de voir si la nouvelle administration logera à la même enseigne que Chiarot, ou si elle tentera d’extirper certains jeunes de ce capharnaüm.

Dans le détail

Les voyages de Gillies

Connaissiez-vous bien Jon Gillies avant mardi soir ? Nous non plus. Voici donc un résumé rapide de sa saison 2021-2022. Signe un contrat avec les Mariners du Maine, dans l’ECHL ; est prêté aux Bruins de Providence, dans la Ligue américaine (LAH) ; signe un contrat d’essai avec les Phantoms de Lehigh Valley, aussi dans la LAH ; s’entend avec les Blues de St. Louis le 8 décembre ; dispute un match avec les Blues, qui l’échangent aux Devils le 15 décembre contre des considérations futures ; dispute ensuite huit rencontres avec les Devils avant d’affronter le Canadien. Et voilà qu’il a quitté la métropole avec une victoire en poche, sa deuxième cette saison et seulement la sixième de sa carrière dans la LNH. « C’est un bon gars qui a une belle histoire », a souligné le défenseur Ryan Graves après la rencontre. Ce dernier avait les compliments faciles pour celui qui fait partie des six gardiens à avoir porté l’uniforme noir, blanc et rouge cette saison. « Il nous rend la vie facile », a-t-il résumé. Peut-être pas un grand gardien, mais une belle histoire à n’en point douter.

L’étoile Mercer

Quand les Devils ont fait de lui un choix de premier tour en 2020, Dawson Mercer était décrit comme un attaquant certes doué offensivement, mais aussi appelé à exceller dans les deux sens de la patinoire. C’est surtout le premier aspect qui a retenu notre attention mardi. Son tir sec n’a pas laissé de chance à Cayden Primeau en première période, et sa passe transversale précise a permis à Nico Hischier de creuser l’écart à 3-1 au deuxième vingt. L’un des attaquants les plus utilisés de son club, le Terre-Neuvien a été choisi la première étoile de la rencontre. Cet ancien des Voltigeurs de Drummondville et des Saguenéens de Chicoutimi, dans la LHJMQ, était tout sourire après la rencontre, sa première au Centre Bell. Il était surtout heureux d’avoir marqué tôt dans le match, afin « d’écarter » ce premier but de sa route. « J’ai passé cinq ans au Québec, alors je savais bien que ce serait spécial », a-t-il raconté. Après ce match, Mercer cumule 25 points, dont 10 buts, au 7rang des pointeurs chez les recrues de la ligue.

Byron encore en rodage

Un peu comme un humoriste qui affronte un silence lourd après avoir lancé une nouvelle blague dans une salle intime en région, on peut dire de Paul Byron qu’il a encore besoin de rodage. Privé de camp d’entraînement et des 43 premiers matchs de la saison, le petit attaquant du CH en était à un deuxième match seulement en 2021-2022, neuf jours après le premier. Et après ces deux rencontres, soldées par un peu moins de 30 minutes de jeu au total, il présente déjà une fiche de -6. C’est abyssal, surtout pour un joueur réputé efficace contre les gros trios adverses, et encore davantage sachant qu’il joue à la gauche de Jake Evans, lui aussi un expert en la matière. Mardi, alors qu’il mettait de la pression sur le porteur de la rondelle – Michael McLeod – en deuxième période, il a été complètement surpris par la passe du joueur des Devils vers Jesper Boqvist. Deux secondes et demie plus tard, la rondelle était derrière Cayden Primeau. Byron, l’un des plus intenses travailleurs du Canadien, doit être le premier à se navrer de la situation. Il n’empêche que, malgré tout, ce n’est pas que lui qui tire son club vers le bas.

10 500 spectateurs dès le 21 février

Le gouvernement du Québec a annoncé mardi que les salles de spectacle, y compris celles de grande taille comme le Centre Bell et le Centre Vidéotron, n’auront plus à se soumettre à la limite de 500 spectateurs à compter du 21 février. Les deux plus grands amphithéâtres de la province devront toutefois se restreindre à 50 % de leur capacité jusqu’au 14 mars, ce qui donnera néanmoins l’occasion au Tricolore d’accueillir quelque 10 500 personnes dans l’intervalle. Les quatre matchs locaux des deux prochaines semaines seront donc présentés devant seulement 500 personnes installées dans les loges disposées tout autour de la patinoire. L’équipe jouera ensuite trois rencontres devant des gradins à demi pleins et, si tout se passe comme prévu, une première salle comble serait possible pour le duel du 15 mars face aux Coyotes de l’Arizona. Au total, le Canadien aura disputé neuf matchs à huis clos.

Ils ont dit

Donnons le crédit aux Devils. Ils ont bien patiné, alors que nous avions l’air d’une équipe qui revenait d’une pause. Nous étions rouillés, nous n’avions pas nos jambes. […] En ce moment, on insiste sur l’importance de tuer les jeux rapidement dans notre zone, mais on dirait qu’on a un pas de retard.

Ben Chiarot

On a simplement besoin que tout le monde joue. Quand ça arrivera, vous verrez un résultat différent. Ce soir, on avait un seul trio qui fonctionnait.

Josh Anderson

Le but en fin de deuxième période, c’est une mise au jeu. Il n’y a aucune raison que le gars soit seul. Sur le dernier but, il n’y a aucune raison de lancer la rondelle derrière le but. Des détails comme ça, des situations où un joueur prend un pas d’avance sur nous, chaque fois, ils nous font payer.

Dominique Ducharme

C’est certain qu’on en veut plus [de leadership], mais on en veut plus de tout le monde. Es-tu obligé d’avoir 30, 32 ans pour être un leader ? Non, tu peux être un jeune. On en veut de tous les joueurs.

Dominique Ducharme

Dès le début du match, le trio de Michael McLoed a été très difficile à affronter. Il a donné le ton avec une forte présence au filet. Quand une unité travaille aussi fort et est récompensée comme ça, tout le monde met l’épaule à la roue.

Lindy Ruff, entraîneur-chef des Devils

On a gardé les choses simples, sans se casser la tête. On a saisi des retours et créé du trafic devant le filet et ç’a été payant. Il y a une leçon à tirer : les buts peuvent venir simplement. C’est comme ça qu’on doit jouer.

Ryan Graves

J’ai tellement de respect pour lui. Avant le repêchage de la LHJMQ, je me rappelle ma rencontre avec lui. Il disait me vouloir dans son équipe. Il m’a beaucoup aidé à améliorer mon jeu. C’est très spécial de l’avoir affronté dans la LNH.

Dawson Mercer sur Dominique Ducharme, son premier entraîneur et DG dans la LHJMQ

En hausse

Ryan Poehling

Il était menacé d’être laissé de côté avec le retour imminent de Christian Dvorak. Il a été un des rares joueurs de son équipe à être menaçant offensivement.

En baisse

Alexander Romanov

Jeff Petry aurait pu se retrouver ici pour une 15fois cette saison (on exagère à peine). Mais après avoir distribué les coups d’épaule en première période, Romanov a multiplié les bourdes.

Le chiffre du match

19

Le Canadien a accordé au moins cinq buts pour une 19fois cette saison. L’équipe est bien partie pour battre son record de médiocrité de 26, établi en 1983-1984, à une époque où le travail des gardiens et le jeu défensif étaient moins structurés.