« Quand je me lève le matin et que je regarde dans le miroir, je ne vois pas un homme noir. Je vois seulement un homme. » C’est sur cette citation de Willie O’Ree que s’est entamée la touchante cérémonie des Bruins de Boston à l’occasion du retrait du chandail de leur ancien numéro 22.

Il y a 64 ans, le 18 janvier 1958, Willie O’Ree devenait le premier joueur noir à fouler une patinoire de la LNH. Cette journée-là, quand il a enfilé l’uniforme blanc, noir et jaune, il a ouvert la porte à toutes les générations suivantes de hockeyeurs de couleur. Le voilà aujourd’hui immortalisé.

Dans une vidéo à faire frissonner d’émotion présentée sur l’écran géant du TD Garden, d’anciens et actuels joueurs de la LNH comme Mathieu Joseph, Ryan Reaves et Johnny Bucyk, ainsi que différents acteurs du milieu du hockey, ont livré un vibrant hommage à O’Ree.

« Je ne pense pas qu’on serait là aujourd’hui si personne avait fait ce qu’il a fait », a laissé entendre Joseph, du Lightning de Tampa Bay.

« Quand je pense à Willie, je pense à quelqu’un qui était très courageux, mais aussi à quelqu’un qui a été capable de suivre ses rêves », a dit Kevin Weekes, qui a joué 348 matchs dans la LNH.

O’Ree a ensuite tenu un puissant discours en direct de sa demeure de San Diego. Natif de Fredericton, au Nouveau-Brunswick, l’homme d’aujourd’hui 86 ans est revenu sur son enfance, époque où il était un partisan du Tricolore.

« Quand les Bruins m’ont rappelé pour faire mes débuts dans la LNH contre le Canadien, je savais que mon cœur serait avec les Bruins à tout jamais, a-t-il raconté. Et j’étais très heureux quand nous avons battu Montréal 3-0 cette journée-là. »

« Je n’oublierai jamais comment mes coéquipiers m’ont accepté comme l’un des leurs. C’était une époque où certains partisans et adversaires n’étaient pas prêts à voir un joueur noir dans la LNH. Quand je suis devenu le premier, je me souviens d’un conseil que m’avait donné mon frère aîné Richard. […] Il disait : Willie, concentre-toi sur tes buts, travaille fort et reste positif. C’est ce que j’ai essayé de faire en tant que membre des Bruins chaque fois que j’enfilais le chandail. »

PHOTO CHARLES KRUPA, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Willie O’Ree

O’Ree, qui semblait en pleine forme, a profité de l’occasion pour revenir sur une anecdote bien connue de ses années chez les juniors, alors qu’il évoluait avec les Canucks de Kitchener. Il a perdu la vue dans son œil droit après avoir reçu une rondelle au visage.

Le médecin m’avait dit que je serais aveugle et que je ne pourrais jamais rejouer au hockey. Il n’a pas réalisé les deux objectifs que je m’étais fixés : jouer au hockey professionnel et jouer dans la LNH. Je me suis dit : Willie, oublie ce que tu ne peux pas voir et concentre-toi sur ce que tu peux voir. Trois ans plus tard, j’étais rappelé par les Bruins pour jouer mon premier match.

Willie O’Ree

Intronisé au Temple de la renommée du hockey en 2018, O’Ree a disputé un total de 45 matchs dans la Ligue nationale, récoltant 14 points au passage. Mais son héritage va bien au-delà des buts et des mentions d’aide. Depuis 1998, il est directeur du développement de la jeunesse de la LNH et ambassadeur pour la diversité.

« Je suis submergé d’émotion et ravi de faire partie des Bruins pour toujours », a-t-il lancé, avant que la bannière ne monte doucement dans les hauteurs du TD Garden au son des applaudissements de la foule, des joueurs des Bruins et de leurs visiteurs, les Hurricanes de la Caroline.

Une « soirée mémorable »

Willie O’Ree a rencontré les médias virtuellement entre la première et la deuxième période. Il a tout bonnement rappelé que ce n’est qu’au lendemain de son premier match dans la LNH, quand il a lu les journaux, qu’il a réalisé avoir « brisé la barrière de la couleur ».

« Quand j’ai commencé le hockey, je voulais juste jouer et avoir du plaisir. […] C’est une soirée mémorable, non seulement pour moi, mais aussi pour ma famille », a-t-il mentionné.

À plusieurs reprises, le sympathique ex-joueur est revenu sur son rôle comme directeur du développement de la jeunesse et l’importance de son implication auprès des jeunes.

« Je travaille avec ces garçons et filles pour les aider à établir des objectifs. C’est vraiment important. Si tu crois en toi, tu dois te fixer des objectifs et travailler pour les atteindre. Et ne laisse personne te dire que tu ne peux pas y arriver. »

« Quand le médecin m’a dit [que je serais aveugle d’un œil], je ne pouvais juste pas l’accepter parce qu’il ne savait pas comment je me sentais à l’intérieur. J’avais encore un œil de fonctionnel et je me suis dit que j’allais juste laisser savoir au médecin que j’allais continuer ma carrière et oublier que j’étais aveugle. »