(Toronto) Jean-Luc Grand-Pierre demeure à Columbus, où il travaille comme analyste des matchs des Blue Jackets depuis plusieurs années. L’ancien défenseur n’a jamais joué avec Nick Foligno, mais l’a côtoyé pendant les neuf saisons que le gros attaquant a passées en Ohio.

« Même quand Josh Anderson était dans l’équipe, s’il se passait quelque chose sur la glace et que Nick disait que ça n’avait pas d’allure, ça ne lui dérangeait pas que tu mesures 6 pi 8 po et 270 lb, c’est lui qui réglait ça. Je lui disais : “T’es le capitaine, t’as eu une saison de 70 points. Ce n’est pas ta job d’y aller !” Il a un peu d’old school en lui », a raconté Grand-Pierre à La Presse, vendredi.

« Il veut que tout le monde se tienne. Il traite tous ses coéquipiers de la même façon, que ce soit un joueur de premier ou de quatrième trio. »

Grand-Pierre n’est donc pas exactement tombé de sa chaise quand il a vu Foligno vouloir régler le cas de Corey Perry après la terrible blessure à John Tavares jeudi, dans le premier match de la série Canadien-Maple Leafs.

Staal mal à l’aise

Paul Byron comprenait lui aussi. Le rapide ailier, qui a pourtant subi une commotion cérébrale lorsqu’il a dû s’expliquer avec un rival venu lui rappeler le « code », n’a pas cherché à excuser la réaction de Foligno.

Tavares est un très bon joueur pour eux, leur capitaine. La réponse de Foligno était naturelle. Tu veux le défendre, même si c’est un accident. Tu ne veux pas que ton joueur reste sur la glace. Corey se sentait mal, il ne voulait pas faire ça. Il a accepté le combat pour Foligno, et c’était fini.

Paul Byron

Eric Staal, lui, a grimacé quand on a abordé les évènements de la veille. « Je n’ai pas vraiment aimé la façon dont ça s’est déroulé, a admis le grand centre. C’était terrifiant pour tout le monde sur la patinoire. John est une bonne personne, et c’est tout ce à quoi on pense. J’ai vu beaucoup de choses au hockey. Ce scénario n’était pas plaisant.

PHOTO JOHN E. SOKOLOWSKI, USA TODAY SPORTS

Eric Staal (21) et le gardien des Maple Leafs Jack Campbell (36)

« Et d’enchaîner avec ça [la bagarre], je n’ai pas aimé ça. C’était peut-être ce qu’il fallait faire pour passer à autre chose. Mais j’ai revu le jeu, et ça ne pouvait pas être plus accidentel. Le jeu est tellement rapide. Les choses se passent à un million de milles à l’heure. »

« J’ai revu le jeu. » C’est peut-être là un bout d’explication qui nous échappe. Pendant que les médecins s’activaient autour de Tavares, Perry était déjà en train de s’expliquer avec des joueurs des Leafs, qui n’acceptaient visiblement pas ses arguments, si l’on se fie à son langage corporel. À l’écran géant, aucune reprise n’était montrée. La LNH demande en effet aux équipes de ne pas diffuser de reprise de blessure pendant l’intervention des médecins.

Reste toujours l’option de consulter les tablettes à la disposition des joueurs au banc, mais un match de hockey n’est pas non plus un procès devant jury, avec des témoins et des preuves à déposer. On devine aussi que les coéquipiers de Tavares n’insistaient pas pour revoir la séquence où leur capitaine se fait arracher la tête…

« Quand tu joues, tu ne vois pas la reprise comme les gens à la maison qui ont eu six, sept angles, rappelle Grand-Pierre. Tu vois ton coéquipier à terre, qui reçoit un coup à la tête, et tu penses que c’est salaud. »

C’est sans oublier le fait que Perry a déjà été suspendu trois fois dans sa carrière, dont une fois la saison dernière pour le type de coup que la LNH cherche à enrayer.

« Dans la ligue, Perry a la réputation d’un gars un peu salaud, donc tu penses qu’il a fait par exprès, même si à la reprise, tu vois très bien que ce n’est pas intentionnel. Beaucoup de gens blâment Nick Foligno, mais s’il avait vu la reprise, je ne pense pas qu’il se serait battu avec Perry », ajoute Grand-Pierre.

Le bien-fondé d’une bagarre

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Jean-Luc Grand-Pierre, en 2002, lorsqu’il jouait pour les Blue Jackets de Colombus.

Ça ne règle toutefois pas la question de fond : que ce soit un accident ou non, une bagarre est-elle vraiment la solution à ce genre de situation ?

Jean-Luc Grand-Pierre, qui n’avait lui-même pas froid aux yeux pendant sa carrière, est en faveur d’une certaine forme de responsabilisation.

« J’ai beaucoup regardé les Sabres de Buffalo cette saison. Avant le changement d’entraîneur, les gars se faisaient ramasser, un double-échec dans le dos, la tête première dans la bande, et les autres regardaient leur coéquipier se faire “scraper” avec une pelle sans rien faire. Il n’y avait aucun caractère. Au hockey, s’il y a une blessure intentionnelle, il doit y avoir un code, ça doit rester. »

Mais Grand-Pierre insiste sur les nuances. « Deux batailleurs ne doivent pas se battre sans raison. Mais s’il se passe de quoi, comme avec Tom Wilson et les Rangers, je n’ai pas de problème avec ça.

« Mais sur le jeu de Perry, même avec Georges Laraque dans la formation des Maple Leafs, ça n’aurait rien changé : John Tavares aurait été blessé. C’était 100 % accidentel. »

Eric Staal demeurait quant à lui sceptique, et l’argument répété à outrance par Foligno, selon lequel il devait réagir parce que Tavares était le capitaine des Maple Leafs, n’a pas semblé l’émouvoir.

« Tout le monde avait mal au ventre. Nick a senti qu’il devait faire ça. C’est correct, mais si j’étais capitaine et que ça arrivait, je ne pense pas que je serais fâché si mes coéquipiers [ne s’étaient pas battus]. Mais c’est fait. Perry a tenu son bout. Ça n’avait pas trop l’air de lui tenter… Ce n’était pas plaisant. On est contents que John aille mieux. »