Cela fait à peine deux mois que le Canadien a amorcé sa saison que, déjà, il disputera ce lundi soir son 28e match. Il conclura du même coup la première moitié d’un calendrier court et dense, mais riche en rebondissements. Bilan de mi-parcours.

Cinq citations commentées

En l’ajoutant à notre équipe, ça envoie un message à nos joueurs et aux autres équipes que nous sommes sérieux [we mean business], on veut gagner et on peut pratiquer tous les styles de jeu.

Marc Bergevin, 3 janvier

Celle-là vieillit bien… ou pas. Au premier jour du camp d’entraînement, Bergevin commente ainsi l’embauche de Corey Perry, qui s’avère finalement une belle prise. C’est plus la partie « nous sommes sérieux » qui paraît moins bien. Le directeur général du Canadien affiche rarement une telle confiance dans ses propos et, pour le moment, les résultats ne sont pas au rendez-vous.

On a joué dur, on a donné plusieurs mises en échec. On a joué comme une équipe, comme une famille.

Alexander Romanov, 18 janvier

C’est peut-être la citation qui résume le mieux le début de saison sur les chapeaux de roue du CH. L’équipe bat les Oilers d’Edmonton facilement pour le deuxième match de suite. Ce soir-là, Alexander Romanov, la coqueluche des amateurs en début de saison, inscrit son premier but dans la LNH. Il se présente en point de presse malgré son anglais très rudimentaire et prononce cette phrase belle par sa simplicité.

On est vraiment trop dans notre tête, on pense trop, on joue pour ne pas perdre et il ne faut jamais faire ça.

Nick Suzuki, 21 février

C’est le genre de phrase qui peut être un mauvais présage pour un entraîneur-chef. Pas parce que Bergevin écoute les points de presse pour prendre ses décisions, mais parce que ça en dit long sur le niveau d’exaspération des troupes. Ce soir-là, le Tricolore vient de subir une quatrième défaite à ses cinq derniers matchs. Trois jours plus tard, Claude Julien sera congédié.

Je prends des décisions et je vis avec les conséquences. Je n’ai aucun problème à mettre ma tête sur la bûche. J’ai confiance en Dominique [Ducharme]. Je n’ai jamais eu peur de faire des échanges. Je suis un grand garçon et j’assume à 100 % mes décisions.

Marc Bergevin, 24 février

Le DG se fait poser la question qui tue : maintenant que Julien et son entraîneur associé Kirk Muller ont été congédiés, crois-tu que les regards se tourneront maintenant vers toi ? Bergevin est en avant-dernière année de contrat, ce qui signifie que Geoff Molson devra bientôt prendre une décision à son sujet. En accumulant les nouveaux contrats accordés à Josh Anderson, Tyler Toffoli, Joel Edmundson, Jake Allen, Brendan Gallagher et Jeff Petry, Bergevin a pris des engagements financiers de 139,25 millions de dollars au cours de la saison morte. On devine que son patron s’attend à des résultats.

Je n’ai pas le choix.

Carey Price, 25 février

Le premier match de Dominique Ducharme à titre d’entraîneur-chef par intérim se conclut par une défaite de 6-3 à Winnipeg. Price traverse un autre creux de vague et montre une moyenne de 3,13 et une efficacité de ,888, des chiffres atroces. Jamais bavard, Price répond simplement qu’il n’a « pas le choix » quand on lui demande s’il est condamné à trouver des solutions tout en jouant des matchs, avec le rythme du calendrier. Depuis cette déclaration, il montre une fiche de 3-1-1, une moyenne de 1,40 et une efficacité de ,952.

Cinq acteurs-clés

Tyler Toffoli : l’heureuse surprise

PHOTO BOB FRID, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Tyler Toffoli

On savait qu’il a déjà marqué 30 buts. Et qu’il constituait une valeur sûre pour en inscrire de 20 à 25 sur une saison complète de 82 matchs. Mais si quiconque avait pu prédire qu’il produirait presque au rythme d’un marqueur de 45 buts, Tyler Toffoli aurait sans doute décroché un contrat bien plus lucratif que celui que lui a offert Marc Bergevin l’automne dernier. Toffoli a bien paru sur tous les trios au sein desquels on l’a utilisé, fournissant à la clé une présence défensive fiable. Et c’est lui qui a signé ce qui constitue, à l’heure actuelle, le but de l’année.

> Regardez le but de Tyler Toffoli

Phillip Danault : la déception

Danault a tellement donné du sien pour cette équipe qu’on se sent un peu mal de lui attribuer ce titre. Mais les chiffres sont clairs : le joueur de centre produit à son rythme le plus faible depuis sa saison recrue. Il est toujours fiable dans les missions défensives, mais ses lacunes offensives font oublier que son nom circulait pour l’obtention du trophée Selke l’an dernier. On a démantelé le trio qu’il formait avec Brendan Gallagher et Tomas Tatar, pourtant l’unité la plus efficace de la LNH à cinq contre cinq au cours des deux dernières saisons. Son premier but de la campagne, marqué à son 25e match, gonflera-t-il sa confiance ?

Alex Burrows : l’électrochoc

La nomination de Dominique Ducharme au poste d’entraîneur-chef est bien sûr la nouvelle qui a fait le plus de bruit. Mais son adjoint Alex Burrows, embauché au même moment, est sans doute celui qui a fourni au Tricolore l’électrochoc le plus spectaculaire en prenant la responsabilité de l’avantage numérique. Sous la gouverne de Kirk Muller, l’attaque à cinq piétinait depuis des années. Cette saison, elle fonctionnait à raison de 18,2 %. Sous Burrows, la transformation est totale. Et les résultats, probants : 30 % au cours des 9 derniers matchs. Le Québécois, qui participe activement aux entraînements, est réputé pour être apprécié par ses joueurs. C’est un atout dans son jeu.

Jonathan Drouin : le retour

On ne vous entretiendra pas sur la série des années 1990 mettant en vedette Angèle Coutu, mais bien de Jonathan Drouin. Après plus de 375 matchs dans la LNH, il faut sans doute se résoudre au fait que le Québécois n’est pas un joueur de 70 points : bon an, mal an, il produit plutôt au rythme d’une cinquantaine de points sur une saison complète de 82 matchs. Or, son implication et sa constance tranchent avec le passé. Il pourrait conclure la campagne avec un différentiel positif pour la première fois depuis cinq ans.

Jeff Petry : la consécration

Depuis qu’il s’est joint au Canadien en 2015, Jeff Petry a montré que, comme le bon vin, il s’améliore avec l’âge. Force est pourtant d’admettre que peu de gens s’attendaient à ce qu’à 33 ans, il connaisse le meilleur début de saison en 80 ans pour un défenseur du Canadien, avec 10 buts à ses 25 premiers matchs – le voilà à 11 en 27. Il reste encore beaucoup de temps avant de déterminer si son nom a vraiment sa place parmi les prétendants au trophée Norris. Mais il semble avoir trouvé son fameux « X », bien servi par ses qualités individuelles et par sa complicité avec son partenaire Joel Edmundson.

Cinq statistiques marquantes*

12

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Joel Armia

Les joueurs du Canadien ont seulement manqué 12 matchs en raison de blessures (sept matchs pour Joel Armia, trois pour Josh Anderson et deux pour Ben Chiarot). Le Tricolore est donc l’équipe qui a été la plus épargnée par les blessures cette saison, selon le compte Twitter NHLInjuryViz. En comparaison, les joueurs des Oilers d’Edmonton ont raté 139 matchs, avec notamment la perte de leur défenseur Oscar Klefbom pour toute la saison. Entre ces deux extrêmes de la division Nord, on retrouve Vancouver (116 matchs), Winnipeg et Toronto (74), Ottawa (52) et Calgary (27).

> Consultez le compte Twitter NHLInjuryViz

5-8-5

Le Canadien a une fiche de 5-8-5 contre ses adversaires qui ne s’appellent pas les Canucks de Vancouver. Avec le calendrier atypique de la saison, c’est le genre de donnée qui devrait sonner l’alarme sur la force réelle de l’équipe. Le Tricolore n’est pas seul dans sa situation, remarquez. Les Oilers ont une fiche de 11-12-0 si on exclut les sept matchs (7-0-0) dans lesquels ils se sont essuyé les pieds sur les Sénateurs d’Ottawa. Par contre, les Jets de Winnipeg (13-7-2) et les Maple Leafs de Toronto (14-7-1) maintiennent de très bonnes fiches même quand on exclut les matchs contre leurs plus faibles adversaires, ce qui suggère que les succès de ces deux équipes reposent sur des bases plus solides.

61 %

Malgré les difficultés des dernières semaines, le Canadien demeure une excellente équipe à cinq contre cinq. Le CH vient en effet au premier rang de la LNH pour le ratio buts marqués/buts accordés à cinq contre cinq. Montréal a marqué 58 buts dans ces circonstances et en a accordé 37, pour un ratio de 61 %, selon Natural Stat Trick. Les hommes de Dominique Ducharme devancent ainsi le Wild du Minnesota (59,6 %) et les Islanders de New York (58,5 %). Ça n’a pas paru dans les deux derniers matchs, protesterez-vous avec raison. Les Flames de Calgary ont en effet eu l’avant 4-1 dans ces deux duels à cinq contre cinq.

6

Il y a une coupure assez nette qui s’est faite dans la saison du Canadien le 3 février. La veille, les Montréalais battaient les Canucks 5-3 et portaient leur fiche à 7-1-2. Le lendemain, ils s’inclinaient 3-2 devant les pauvres Sénateurs, qui montraient alors un dossier de 1-8-1. Le CH n’a plus jamais retrouvé sa superbe depuis. Individuellement, difficile de trouver un joueur dont le rendement a plus souffert que Nick Suzuki. Le jeune centre totalisait 11 points en 10 matchs et s’imposait peu à peu comme le centre numéro 1, continuant ainsi ce qu’il avait commencé en séries. Le voici avec seulement 6 points (2 buts et 4 aides) à ses 17 derniers matchs, avec un différentiel de - 3. Les plus optimistes rappelleront toutefois que ces six points ont été amassés à forces égales.

15,7 %

Jeff Petry a connu une première moitié de saison remarquable, lui qui vient au 2e rang de la LNH chez les défenseurs avec 25 points. Une des raisons de ses succès : un taux de réussite « Mike Bossyesque » sur ses tirs au but. Petry a en effet marqué sur 15,7 % de ses tirs, un chiffre inouï pour un défenseur. En fait, parmi les défenseurs qui ont inscrit au moins 10 buts en une saison, il s’agit du plus haut taux de réussite depuis le 16,6 % de… Sandis Ozolinsh, en 1993-1994. En 680 matchs avant le début de la saison, Petry marquait sur 5,7 % de ses tirs. Cette explosion de son taux de réussite laisse croire qu’un ajustement viendra et que la loi des probabilités finira par le rattraper. Mais bon, comme on l’a vu avec son but samedi, ce n’est pas que de la chance ; Petry a le compas dans l’œil !

Toutes les statistiques ont été compilées avant les matchs de dimanche.

Cinq dossiers à suivre

1- La date limite des transactions

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Carey Price

Il l’a lui-même admis : Marc Bergevin a misé gros sur la présente saison. Ses vedettes vieillissent, le budget est serré, les jeunes arrivent à maturité. Et surtout, il est acquis qu’une équipe canadienne accédera à la demi-finale de la Coupe Stanley. Sachant que les chances de son équipe d’aller jusqu’au bout n’ont pas été aussi concrètes depuis des années, le DG sera-t-il tenté d’ajouter des éléments à sa formation d’ici le 12 avril ? Les noms d’Eric Staal et de Mattias Ekholm circulent un peu partout dans la ligue. Bergevin pourrait faire feu si le prix demandé avait du sens.

2- Du renfort en défense

Remplacer Ben Chiarot par Victor Mete pour quelques matchs fonctionne parfaitement. Mais à moyen ou à long terme, à quel point se satisfera-t-on de Mete, Joel Edmundson, Brett Kulak et Alexander Romanov pour patrouiller dans le côté gauche de la défense ? C’est une question de temps avant que Romanov ne s’installe pour de bon dans le top 4. Or, malgré tout son talent, il a encore des croûtes à manger. Dans les mineures, la relève est abondante, mais encore verte. L’ajout d’un vétéran à l’approche des séries n’est pas saugrenu.

3- Carey Price

Ce n’était jamais apparu si clairement, mais Carey Price n’a plus vraiment le choix d’être à la hauteur des attentes (élevées) à son endroit. L’arrivée de Dominique Ducharme a insufflé de la stabilité en zone défensive. Et Marc Bergevin a sans doute servi à son joueur de concession le plus direct des retours sur Terre en congédiant son entraîneur des gardiens Stéphane Waite. Jake Allen fait parfaitement son boulot comme adjoint. Mais c’est encore Price qui dictera la destinée du CH, pour le meilleur et pour le pire.

4- Cole Caufield

Il est déjà acquis que le jeune franc-tireur fera le saut chez les professionnels quand sera terminée sa saison chez les Badgers de l’Université du Wisconsin. Ses 25 buts et 46 points en 28 matchs pourraient bien lui valoir le prestigieux trophée Hobey-Baker, remis au joueur de l’année dans la NCAA. Il n’a plus rien à apprendre au hockey universitaire. Lui fera-t-on gagner ses galons chez le Rocket de Laval, ou tentera-t-on le grand coup en l’opposant directement aux gardiens de la LNH ?

5- Les joueurs autonomes

Il en était constamment question la saison dernière, mais étrangement, on n’en parle que très peu ces temps-ci. Pourtant, Phillip Danault, Tomas Tatar et Joel Armia deviendront tous joueurs autonomes sans restriction en juillet prochain. On a appris en janvier que Danault avait refusé une prolongation de contrat de six ans qui lui aurait rapporté 30 millions : combien d’argent restera-t-il sur la table l’été venu ? Les trois vétérans ont encore une demi-saison pour faire bonne figure et voir augmenter leur valeur.