L’entraîneur-chef a de 20 à 23 joueurs sous sa responsabilité. Son adjoint attitré aux défenseurs, 6 ou 7. Ceux qui chapeautent les unités spéciales, de 8 à 10.

L’entraîneur des gardiens de but, par contre, n’a que deux protégés. Et la plupart du temps, l’un d’eux est identifié comme le plus important du duo.

Sans discuter du cas précis de Carey Price et de Stéphane Waite, La Presse s’est entretenue avec trois entraîneurs des gardiens de but pour en savoir davantage sur la relation qui unit un cerbère au spécialiste qui s’occupe de lui.

Au cours de sa carrière d’une quinzaine de saisons étalées entre la LNH, la Ligue américaine et l’Europe, Sébastien Caron a côtoyé tous les types de coéquipiers et d’entraîneurs imaginables. Aujourd’hui consultant pour des équipes collégiales et secondaires dans la région de Wilkes-Barre, où il est resté avec sa famille après sa retraite, le Québécois lance d’emblée le mot « mentor » pour qualifier sa conception du rôle d’entraîneur de gardien.

Ça n’a rien à voir avec un entraîneur-chef ou un adjoint. Tu travailles ensemble, du même bord. Il n’y a pas de criage.

Sébastien Caron, au sujet du métier d’entraîneur des gardiens de but

La première clé du succès, c’est la confiance, ont insisté toutes les personnes interrogées pour ce reportage. Non seulement il faut la trouver, mais il faut également y arriver le plus rapidement possible, indique Maxime Ouellet, lui aussi ex-gardien devenu entraîneur, qui travaille aujourd’hui avec Hockey Québec et la LHJMQ.

« Ça arrive de manière différente avec chaque gardien selon sa personnalité, dit-il. Il faut que tu trouves ton angle pour passer ton message. Mais avec le temps, tu connais le gardien par cœur. Tu peux presque prédire comment il va réagir pendant un match. »

La prudence est toutefois de mise : « Tu ne veux pas devenir chum avec ton athlète », prévient François Allaire, conseiller au sein du département d’excellence des gardiens de but des Panthers de la Floride, unanimement considéré comme un bâtisseur dans son domaine d’expertise.

« Athlète et entraîneur, ce sont des métiers différents, poursuit-il. Les deux doivent se respecter. La relation peut être saine, mais j’ai toujours voulu observer une distance. »

Une distance qui, croit-il, est primordiale afin que le « message » continue de passer, notamment dans les moments difficiles au cours desquels l’entraîneur doit mettre son pied à terre.

Une fois la proximité « optimale » trouvée, il devient « plus facile de parler des émotions qui surviennent pendant un match, puisque le lien est là », précise Ouellet.

Psychologue

C’est justement dans les séquences les plus malheureuses que la synergie entre un gardien et son entraîneur est la plus sollicitée. Là où la compréhension du plan de match, du contrat de travail établi entre les deux, doit être optimale afin d’y revenir lorsqu’on s’en est éloigné.

Du rôle de mentor, celui de psychologue est indissociable.

« L’athlète pour qui ça ne se passe pas bien, il n’a pas de réponses, souligne Maxime Ouellet. Il les a cherchées lui-même, il pense pouvoir s’ajuster tout seul, mais après un, deux, trois matchs, la panique s’installe. C’est là que l’entraîneur intervient. Quelle est la raison principale ? Est-ce que c’est technique, physique, mental ? L’athlète est concentré sur le moment présent, mais de l’extérieur, son entraîneur est bien placé pour discerner les problèmes et les corriger. »

D’ailleurs, un œil aguerri reconnaîtra rapidement les drapeaux rouges, selon François Allaire.

Au-delà des carences de rendement, flagrantes sur la feuille de match, il y a des signes qui ne mentent pas : une baisse d’intensité à l’entraînement, par exemple, ou même de petits changements dans la manière d’aborder un échauffement d’avant-match.

Quand tu suis le gardien de près, c’est assez facile de voir un changement d’attitude ou d’intensité dans la préparation à un match.

François Allaire

D’autres indices sont révélateurs, estime Maxime Ouellet. Des buts accordés à répétition à des moments clés d’un match, sinon tôt dans une rencontre ou en fin de période. « Pour moi, ce sont des indicateurs plus rapides que la technique, dit-il. Car dans un bon match, si tu fais 39 arrêts sur 40 tirs et que tu donnes un but sur une erreur technique, ce n’est pas la fin du monde. Ça n’affecte pas un gardien. Mais l’accumulation, oui. Et c’est dans ces moments-là qu’il devient fragile. »

Retrouver le succès

Comment rectifier le tir, le cas échéant ? Les visions et les techniques diffèrent.

La règle la plus universelle demeure un proverbial retour au plan de match. Faire moins, faire mieux.

Pour les cas extrêmes, la solution peut être draconienne. « Repartir à zéro, faire des exercices de base, tranquillement, suggère Sébastien Caron. Parfois, ça prend juste un déclic et c’est reparti. »

Dans le cas des gardiens qui ont déjà connu le succès, il s’agit, en réalité, de réunir les conditions gagnantes afin d’y revenir. Une chose plus facile à dire qu’à faire, bien entendu.

« C’est le rôle de l’entraîneur d’essayer de repérer ce qui fait que l’athlète performe, c’est fondamental, affirme François Allaire. Des fois, le gardien l’oublie, donc il faut être vigilant et revenir à la base, à ce qui a fait le succès à l’époque. Quand il a eu ses meilleurs matchs, voici ce qu’il faisait, voici où on veut revenir. »

De l’avis général, les gardiens de but sont accros à la routine, aux habitudes. Encore faut-il trouver les bonnes, sinon les retrouver. Et surtout les garder.