Le 24 juillet, aux alentours de 1 h du matin, le cellulaire de Devon Levi s’est mis à sonner. Le gardien québécois, qui a savamment défendu la cage du Canada lors du dernier Championnat mondial junior, venait de se faire échanger des Panthers de la Floride aux Sabres de Buffalo. Un évènement de plus dans une année déjà mouvementée.

Avec tout ce qui s’est passé chez le Canadien au cours du dernier mois, la nouvelle est passée sous le radar. En envoyant Sam Reinhart aux Panthers, les Sabres ont mis la main sur le cerbère québécois Devon Levi et un choix de premier tour en 2022.

« C’est le directeur général des Panthers, Bill Zito, qui m’a appelé peut-être quatre fois à 1 h du matin, raconte le jeune homme à La Presse. Il m’a dit que j’étais échangé et c’était un choc. Tu peux être échangé comme ça à n’importe quel moment, mais ça n’arrive pas chaque jour. Tu ne penses pas à ça, alors quand ça arrive, c’est un choc. »

« Mais c’était un bon choc, précise-t-il. […] C’était un bon feeling d’appartenir à une équipe qui me voulait tant que ça et je suis très excité de pouvoir jouer avec cette équipe dans le futur, je l’espère. »

Devon Levi, dont la langue première est l’anglais, a insisté pour faire l’entrevue en français. « Ma grammaire n’est pas tellement bonne, a-t-il prévenu, donc si tu peux corriger des choses, j’apprécierais beaucoup. »

Autant le dire tout de suite, nous n’avons pas corrigé grand-chose.

Devon Levi n’a pratiquement plus besoin de présentation. Allons-y tout de même, question de se rafraîchir la mémoire. Le gardien de 19 ans a passé la saison 2019-2020 dans le junior A, avant d’être sélectionné au septième tour par les Panthers de la Floride en octobre.

D’abord ignoré au camp estival du Canada en vue du Championnat mondial junior, il a finalement eu sa chance en novembre. Le jeune athlète est passé de grand sous-estimé au début du camp de sélection à gardien partant pour tout le tournoi.

Il a terminé le Championnat avec une moyenne inférieure à un but par match et un pourcentage d’arrêts de 96,4 %, fracassant un record jusqu’alors détenu par Carey Price. Tout ça, malgré une blessure à une côte subie au premier match contre l’Allemagne.

« Plus je jouais, plus ça empirait, se souvient-il. Mais ce n’était pas quelque chose qui faisait en sorte que je n’allais pas jouer. Ça, ce n’était pas une option. Je voulais jouer. J’avais une chance que peu de personnes reçoivent et je savais que mes coéquipiers et tout le Canada dépendaient de moi, alors je ne voulais pas les laisser tomber. Je voulais les rendre fiers. »

Objectif atteint, même si les représentants canadiens se sont avoués vaincus en finale contre leurs grands rivaux américains. Les performances de Levi lui ont valu le titre de gardien du tournoi.

Dans les semaines suivantes, le jeune homme devait jouer sa première saison avec l’Université Northeastern, dans la NCAA. Sa côte fracturée l’a cependant tenu à l’écart de la patinoire pour le reste de la campagne. Puis, en juillet, il a été impliqué dans la transaction Reinhart.

Voilà qui résume bien la dernière année (chargée) du Montréalais.

« C’était un peu fou, certainement, admet-il en riant. Beaucoup de choses sont arrivées en peu de temps. »

« Pour moi, la seule chose sur laquelle je peux me concentrer, c’est comment je joue et comment j’aborde mon développement. Quand j’ai été blessé, ce que je faisais, c’est juste me concentrer sur m’améliorer physiquement et retourner jouer le plus rapidement possible. C’était dommage que je ne puisse pas jouer, mais j’ai trouvé d’autres manières de m’améliorer hors de la glace. »

Patience

Les prouesses de Devon Levi au Championnat mondial ont fait écarquiller les yeux d’un bout à l’autre du pays. Il faut dire que le jeune homme n’a pas exactement suivi le chemin classique. Après avoir passé trois saisons dans la Ligue de hockey M18 AAA du Québec avec les Lions du Lac St-Louis, de 2016 à 2019, il a joué pour les Canadians de Carleton Place dans la Ligue centrale junior A. Il n’est donc pas passé par le junior majeur.

« Je ne voulais pas courir après le niveau le plus haut, explique-t-il. Je voulais me concentrer sur ma performance, mon développement en tant que gardien. Je voulais juste jouer et m’améliorer. »

Dans ma tête, si je peux performer de façon constante dans un niveau peut-être plus bas, ce n’est pas la fin du monde parce que quand tu joues un peu plus haut, c’est encore le même sport. Tu sais comment arrêter la rondelle.

Devon Levi

Ses performances au Mondial junior ont certainement « ouvert des yeux », reconnaît-il lui-même, mais ne l’ont pas surpris. Mature et conscient de son développement, il savait pertinemment qu’il était capable de briller à ce niveau.

« C’était juste d’une occasion que j’avais besoin et je suis très reconnaissant que Hockey Canada me l’ait donnée et qu’ils aient cru en moi, eux et mes coéquipiers. »

Plus mental que physique

En pleine forme physiquement et mentalement, Devon Levi participera ces prochaines semaines à son deuxième camp professionnel, son premier avec les Sabres de Buffalo. Quand on lui demande comment il voit son développement avec sa nouvelle équipe, le jeune homme, toujours aussi humble, préfère rester dans le moment présent.

« Honnêtement, je ne regarde pas dans le futur tant que ça. Je pense à cette année-ci et mon objectif est de performer à mon meilleur. C’est la décision du directeur général à Buffalo [Kevyn Adams] de savoir quand il me veut. »

À 6 pi, Levi est considéré comme un petit gardien et il en est conscient. Mais disons qu’il a l’habitude de déjouer les pronostics.

« Ça ne me dérange pas parce que je comprends que pour arrêter la rondelle, il faut beaucoup plus qu’être grand. […] Tu as besoin d’un bon mental, de beaucoup d’intelligence et de lire le jeu. C’est mental plus que physique. »

S’il ne signe pas son premier contrat professionnel dans les prochaines semaines, Levi jouera cette année sa deuxième saison dans la NCAA. Ce sera cependant la première fois qu’il foulera la glace, alors que sa blessure l’en a empêché l’année dernière.

« Mon objectif est seulement d’être le meilleur que je peux et de donner à mon équipe la meilleure chance de gagner chaque match. C’est juste ça. Je veux juste gagner, être un gardien et un coéquipier sur lequel ils [ses coéquipiers] peuvent compter et en qui ils peuvent avoir confiance pour qu’ils puissent jouer sans pression et sans avoir peur de faire des erreurs. »

C’est ça, Devon Levi.