(Tampa) Les ingrédients du Lightning de Tampa Bay, on commence à bien les connaître : Brayden Point, Steven Stamkos, Victor Hedman, Nikita Kucherov, Andrei Vasilevskiy, Ondrej Palat. Facile à retenir : ce noyau ne change à peu près pas d’année en année.

À l’été 2019, Julien BriseBois a cependant ajouté, discrètement et à bas prix, un ingrédient particulier à sa recette. Un gaillard du nom de Patrick Maroon qui, mine de rien, a la chance d’écrire une page de l’histoire moderne de la Ligue nationale.

C’est que Maroon jouait pour les Blues de St. Louis quand ils ont remporté la Coupe Stanley en juin 2019. Il était ensuite avec le Lightning l’été dernier dans la bulle, quand les Floridiens ont triomphé.

Le voici donc à quatre victoires de remporter la Coupe Stanley pour la troisième année de suite. Un exploit que Sidney Crosby, Mario Lemieux, Wayne Gretzky et Mark Messier n’ont jamais accompli. En fait, ce serait du jamais-vu depuis que les Mike Bossy, Denis Potvin, Bryan Trottier et Butch Goring l’ont remportée quatre années de suite, de 1980 à 1983, avec les Islanders.

« Ce n’est pas fini, mais c’est cool de faire partie de cette liste, a admis Maroon, en visioconférence, dimanche. Je suis choyé d’avoir fait partie de bonnes équipes, de les avoir aidées à passer à l’étape suivante.

« Je suis chanceux de jouer avec d’aussi bons gars, des gars de caractère qui comprennent ce que ça prend. Et moi, je suis juste là. »

Au-delà des chiffres

« Je suis juste là. » Maroon joue peut-être la carte de la modestie, mais il est bien plus qu’un Forrest Gump du hockey, simplement au bon endroit au bon moment. Voici son apport, dans les mots de son coéquipier Yanni Gourde.

« Pat apporte beaucoup de leadership, il amène du calme, a décrit l’attaquant québécois. Sur la patinoire, c’est son côté robuste. Il gagne toutes ses batailles à un contre un. Il est excellent en bas de la ligne des buts. »

Il est tellement fort physiquement, tu sais ce qu’il apporte tous les soirs, tu sais quelles sont ses forces, donc t’essaies de les utiliser au maximum.

Yanni Gourde

Cette description lui fait une plus belle fleur que ses statistiques offensives. Au cours des présentes séries, Maroon compte un but et deux aides en 18 matchs. Cette saison, il a amassé 18 points (4 buts, 14 aides) en 55 sorties. Sa fiche combinée lors de ses conquêtes de la Coupe Stanley en 2019 et en 2020 : 4 buts et 9 aides en 51 matchs. En fait, le chiffre le plus impressionnant est peut-être son poids : à 238 lb, il est l’un des attaquants les plus lourds de la LNH.

Ses entraîneurs lui trouvent visiblement quelque chose. Depuis qu’il s’est établi en permanence dans la LNH, en 2013, il n’a pas manqué un seul match en séries. Ses équipes (Anaheim, Edmonton, New Jersey, St. Louis, Tampa) ont joué 116 matchs en séries ; il était en uniforme les 116 fois, malgré une utilisation limitée. Ce printemps, il joue en moyenne 9 minutes par match.

« Mon travail est de défendre mes coéquipiers quand des joueurs s’en prennent à eux, a-t-il répondu. Je n’aime pas ça quand il arrive quelque chose à un de mes coéquipiers, donc je suis là pour dire aux adversaires que si ça arrive encore, ils auront des problèmes. Je veux simplement que mes coéquipiers se sentent plus gros, qu’ils n’aient pas peur de tenir tête à l’autre équipe. »

C’est aussi un gars qui vient avec une bonne humeur contagieuse. À l’entraînement dimanche, il avait constamment un large sourire, il célébrait chaque but lors de ses exercices, et avait même les mots pour faire rire Jon Cooper au centre de la patinoire.

Et même pendant les matchs, il garde le sourire. Parlez-en à Corey Perry.

Coïncidence ou non ?

On pourrait ajouter que les Oilers ont gagné leur seule série en 15 ans lors de l’unique saison complète de Maroon à Edmonton, ce qui doit bien équivaloir à une Coupe Stanley là-bas.

Il serait tentant d’y voir une suite de coïncidences, mais on dirait que ces exemples de joueurs qui connaissent du succès un peu partout abondent chez le Lightning. Ça commence par les membres du noyau de cette équipe – Palat, Tyler Johnson, Alex Killorn – qui ont gagné la Coupe Calder en 2012 sous la gouverne de Jon Cooper, et qui en sont à une troisième finale de la Coupe Stanley en sept ans.

Le cas d’Anthony Cirelli est intéressant. À seulement 23 ans, il vise déjà une deuxième Coupe Stanley. Et dans les rangs juniors, il a gagné la Coupe Memorial en 2015, et a perdu en finale en 2017.

Enfin, Ryan McDonagh, à seulement 32 ans, a déjà 157 matchs de séries derrière la cravate. Son palmarès : champion en 2020, finaliste en 2014, et des présences au 3tour en 2012, 2015 et 2018. C’est donc la 6fois en 11 saisons qu’il franchit le 2tour des séries !

Alors, sont-ce de simples hasards de la vie que le succès suive ces joueurs ?

« J’espère que ce ne sont pas des coïncidences, a répondu McDonagh. On peut parler de Patty [Maroon], il amène un savoir-faire dans le vestiaire, qui déteint sur les joueurs. Ça apporte un certain niveau de confiance… rien d’exagéré, mais juste assez pour que les gars comprennent que s’ils font les bonnes choses, qu’ils respectent la structure d’équipe, ils auront une chance de gagner tous les soirs.

« Il fait en sorte que tout le monde pousse dans la même direction. C’est le genre de leader qu’il est, c’est ce que Killorn essaie d’être et c’est ce que j’essaie d’être. »

En bref

Un exploit rare

Le Lightning a lui aussi un possible rendez-vous avec l’histoire, car il a la chance de signer l’exploit peu commun de gagner la Coupe Stanley pour la deuxième année d’affilée. Depuis le lancement du film-phare Les Dangereux, c’est arrivé une seule fois : chez les Penguins, en 2016 et en 2017. Avant cela, il faut remonter aux Red Wings de 1997 et 1998. « C’est difficile de gagner deux années de suite, a reconnu Brayden Point. Ce sera une série difficile, Montréal va nous forcer à nous battre pour chaque pouce, donc on pense à un match à la fois et on verra où ça ira. »

Blessé ou pas ?

Le sixième match de Nikita Kucherov contre les Islanders de New York, au tour précédent, a duré très exactement 46 secondes. Après une présence, il retraitait au vestiaire et hissait le drapeau blanc. Le prolifique ailier était finalement à son poste pour le match suivant, mais même son entraîneur, Jon Cooper, a admis avoir été surpris par sa présence. Kucherov a ajouté une couche de mystère en visioconférence. « Il n’y avait pas de blessure. Je ne sais pas de quoi tu parles », a lancé l’ancien des Huskies de Rouyn-Noranda.

Point au point

Brayden Point a fait parler de lui avec sa séquence de neuf matchs de suite avec au moins un but, séquence qui a pris fin vendredi, dans la victoire de 1-0 du Lightning. S’il avait marqué dans ce match, il aurait égalé le record de la LNH de Reggie Leach. Par contre, avec 14 buts, Point peut aspirer au record pour le nombre de buts lors d’une année éliminatoire. Leach et Jari Kurri partagent la marque de 19 buts. « C’est un joueur très spécial qui peut te faire mal paraître à l’entraînement. Et il est très difficile à affronter en zone défensive », a noté Victor Hedman.

Deux gars qui ont connu le Québec

Il pourrait très bien être question, de temps à autre, d’un certain Mikhail Sergachev dans cette série. Le défenseur que le Canadien a cédé au Lightning pour obtenir Jonathan Drouin est discret offensivement au cours des présentes séries, avec 2 points en 18 matchs. Mais il joue néanmoins 22 minutes par match et forme le noyau de la défense du Lightning avec Hedman et McDonagh. En séries, il a surtout été jumelé au Québécois David Savard. « C’est extrêmement facile de jouer avec lui, a lancé Savard. Il a un talent exceptionnel. Il est encore très jeune, mais tu vois le potentiel, les jeux qu’il fait, les lectures. On se parle beaucoup sur la glace et c’est pourquoi on a du succès. »