(Montréal) Quatorze mois plus tard, les bonnes vieilles traditions de la foule du Centre Bell ne se sont pas perdues.

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Comme on s’y attendait, les 2500 spectateurs ont été bruyants à souhait. Ils ont explosé à l’entrée des joueurs au son de Fix You – une tradition qui ne s’est malheureusement pas perdue.

Ils ont nargué Jack Campbell, le gardien des Maple Leafs, à la première occasion.

Et ils se sont rappelé qu’un gros match de Carey Price, ça se joue au son des « Carey, Carey ! ». Le gardien du Canadien a entendu son prénom une première fois quand il a frustré Nick Foligno en fin de première période. Il l’a entendu une autre fois quand il a, de la façon la plus nonchalante qui soit, intercepté un dégagement dans la baie vitrée et effectué lui-même le dégagement pendant un désavantage numérique.

Price a entendu son nom une dernière fois après que Michel Lacroix l’a annoncé comme première étoile de cette victoire à l’arraché de 3-2 du Canadien dans le sixième match de la série contre les Maple Leafs. Une série qui ira à la limite des sept matchs.

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Carey Price et Tyler Toffoli

Donnons d’abord la parole à Jesperi Kotkaniemi, l’auteur du but gagnant en prolongation.

Sans lui, on ne serait pas ici. Il a sauvé mon derrière à plusieurs reprises ! J’en suis très reconnaissant. C’est assez évident qu’il transporte notre équipe avec ses arrêts.

Jesperi Kotkaniemi

Si le Canadien est toujours en vie, malgré une série en montagnes russes, c’est beaucoup grâce à son homme masqué, qui a encore élevé son jeu en séries. Après six matchs, il montre une efficacité de ,926. Encore samedi, il aura fallu deux tirs déviés par son propre défenseur Jeff Petry pour le déjouer.

Le gardien et la foule

Pour ce premier match devant des spectateurs en plus d’un an, les joueurs du Tricolore ont certainement puisé de l’énergie dans ces partisans, presque tous vêtus d’un chandail bleu-blanc-rouge, qui s’époumonaient. Il fallait voir le large sourire du très réservé Joel Armia, à son arrivée pour l’échauffement, pour comprendre l’effet psychologique de cette foule.

« C’était cool de les voir agiter leurs serviettes blanches », a noté Tyler Toffoli. « On a attendu ça toute l’année, on en parlait souvent entre joueurs, a ajouté Kotkaniemi. Ça donne l’impression qu’on va dans la bonne direction. »

Mais c’est à se demander si la véritable tape dans le dos n’est pas venue lundi dernier, de la part de Price, encore lui. Généralement très bref dans ses conférences de presse, Price s’était porté à la défense de ses coéquipiers après une autre performance offensive décevante. « Ils sont talentueux, je vois leurs tirs à l’entraînement. Je n’ai aucun doute qu’ils sont en mesure de marquer des buts », avait dit l’homme masqué après le troisième match de la série, une défaite de 2-1.

L’effet n’a pas été immédiat, car le lendemain, le Canadien était blanchi. Mais ses coéquipiers viennent de marquer sept buts en deux matchs pour rester vivants. L’avantage numérique est sorti de sa torpeur avec deux buts samedi, de la part de deux joueurs eux-mêmes au cœur de léthargies, Toffoli et Corey Perry.

Et le but gagnant est venu d’un joueur qui, après avoir laissé passer tant d’occasions de tirer ces derniers mois, a dégainé au moment opportun. Mine de rien, Kotkaniemi compte maintenant trois buts en cinq matchs dans cette série.

Les mots d’encouragement sont une chose, mais quand ils viennent, en plus, d’un joueur qui maintient lui-même un niveau de performances élevé, on devine l’effet sur le groupe.

« Carey, c’est un gars qui est calme, ne parle pas pour rien, a décrit Dominique Ducharme. Il aime s’amuser avec les gars. C’est un gars de gang, mais ce n’est pas le plus vocal. Quand il dit quelque chose, c’est réfléchi et ça a un impact. C’est certain que les joueurs l’ont entendu, ce qu’il a dit. Venant d’un gardien comme lui, qui joue de son mieux… »

Un modèle durable ?

Alors, c’est lundi, à Toronto, que ça se réglera, dans un septième match où toute la pression reposera sur l’équipe qui a bousillé une avance de 3-1 contre un adversaire qui s’en allait à l’abattoir après quatre matchs.

La tenue de Price et le réveil de l’attaque sont certainement les signaux les plus encourageants pour le CH. Par contre, c’est à se demander si la formule des quatre défenseurs qui jouent à outrance est viable à long terme. On l’a bien senti en prolongation, le manque d’énergie commençait à poser problème. Étire-t-on trop l’élastique ?

« Oui, peut-être, a admis Dominique Ducharme. Mais c’est ça, la situation. Est-ce qu’on pourrait faire ça pendant sept matchs ? Probablement pas. En saison non plus. De l’autre côté, est-ce qu’ils pourraient faire jouer autant Matthews et Marner ? Des gars comme ça peuvent faire la différence dans les moments clés. On gère chaque moment, chaque match est différent. »

Échos de vestiaire

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Les joueurs du Canadien saluent la foule du Centre Bell après leur victoire.

Shea Weber était enjoué des retrouvailles avec les partisans du Canadien.

« Nous pouvions les entendre avant le match. J’ai eu des frissons en arrivant sur la glace pour l’échauffement. On aurait cru qu’ils étaient beaucoup plus que 2500. C’était incroyable. Je n’ose pas imaginer ce que ce serait présentement avec plus de 20 000 spectateurs. C’était électrisant. »

Tyler Toffoli a louangé le travail de Carey Price.

« Il a été extraordinaire. C’est ce qui arrive en prolongation. Vous n’avez besoin que d’un bon tir. »

Jesperi Kotkaniemi était encore fébrile après avoir joué les héros.

« C’est incroyable. J’y repensais et c’était probablement mon premier vrai but en prolongation. C’est une sensation extraordinaire. Particulièrement avec les spectateurs dans les gradins, j’en ai eu des frissons. »

Auston Matthews a insisté pour dire que les Maple Leafs n’étaient pas découragés après deux revers d’affilée en prolongation quand l’équipe a l’occasion de gagner la série.

« C’est frustrant de perdre le match, mais nous nous sommes bien battus et nous avons eu de nombreuses occasions de l’emporter. Ça se joue sur peu de choses en prolongation et nous n’avons pas été capables de profiter de nos chances. Nous tournons la page. Il reste un autre match à jouer. Nous rentrons chez nous et nous devrons être prêts. »

Ils ont dit

On entendait la foule à 100 %. En sortant pour l’échauffement, on avait des frissons. On aurait dit qu’ils étaient 20 000. C’était électrique.

 Shea Weber

Ce sont des chevaux. Ils ont fait de très bons jeux, ils ont été durs. Ils sont gros et forts. Je les ai souvent affrontés et je n’ai pas vraiment aimé ça.

Tyler Toffoli, à propos des quatre premiers défenseurs du Canadien

Je suis content pour lui. J’aime bien la façon dont il joue depuis le match 2, quand il est rentré. Je sentais qu’il avait besoin de la semaine d’entraînement. Je suis content de voir qu’il est récompensé. Il a compris ce qui s’est passé, a travaillé, s’est concentré sur ce qu’il peut contrôler.

Dominique Ducharme, à propos de Jesperi Kotkaniemi

[Les Maple Leafs] sont une équipe de talent. Nos défenseurs sont gros, ils aiment être méchants. Ça a un peu d’effet sur eux.

Jesperi Kotkaniemi

On n’était pas fatigués. On allait bien. C’est une bonne équipe, ils ont eu des chances. Price a été très bon. C’est ça, la prolongation. On a besoin d’un seul tir.

Tyler Toffoli

Je rêvais de marquer devant 20 000 spectateurs, pas 2500 ! Mais c’était cool, c’était une belle expérience. On avait besoin de la victoire.

Tyler Toffoli

Dans le détail

Matthews et Marner au neutre

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Auston Matthews

On l’avait dit : si le Canadien voulait causer la surprise et éliminer les Maple Leafs de Toronto, il faudrait que bien des choses se mettent en place, dont ceci avant tout : qu’Auston Matthews et Mitch Marner soient réduits au silence le plus complet. Eh bien, après six matchs, c’est mission accomplie. En effet, les deux gros canons des Leafs ont, à eux deux, réussi un seul but depuis le début de cette série, sur un total de 59 tirs. Cela donne un taux de réussite de 1,7 % – tout un contraste avec ce qu’ils ont accompli durant la saison, où ils ont obtenu un total de 61 buts sur 378 tirs, soit un taux de réussite de 16,1 %. Après le match de samedi soir, l’entraîneur-chef Sheldon Keefe a admis qu’il s’attendait à mieux de la part de ses deux joueurs vedettes. « Ils doivent en faire plus », a-t-il dit. Ils ont maintenant un match numéro sept à l’agenda pour en faire plus…

Des défenseurs « utilisés au maximum »

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Ben Chiarot (8) a été utilisé pendant plus de 35 minutes, samedi soir.

On ne sait pas ce que Shea Weber, Ben Chiarot, Jeff Petry et Joel Edmundson ont fait au terme du match de samedi soir, mais ils se sont sans doute retrouvés dans un bain de glace. C’est que le Canadien a disputé ce sixième match avec six défenseurs, mais ce sont ces quatre-là qui ont passé presque le match en entier sur la patinoire, avec 37 min 7 s de temps de jeu pour Weber, 35 min 20 s pour Chiarot, 34 min 51 s pour Petry et 28 min 38 s pour Edmundson. Les deux autres défenseurs du club, Brett Kulak et Erik Gustafsson, auraient pu rester à la maison qu’on ne l’aurait même pas remarqué ; Kulak a joué pendant 6 min 13 s et Gustaffson, pendant un très modeste 6 min 39 s « On a eu un peu de difficulté à faire des changements, surtout en prolongation, a admis l’entraîneur-chef Dominique Ducharme. Mais ça fait partie du jeu. On était dans une situation où il n’y avait pas de lendemain pour nous. Alors on a utilisé ces joueurs-là au maximum. »

Muzzin sur la touche

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Une fois de plus, ç’a été un match robuste, comme en témoigne cet accrochage entre Jake Muzzin et Josh Anderson en première période. Par ailleurs, le défenseur des Leafs a quitté la rencontre quelques instants plus tard, visiblement blessé.

Si le Canadien a donc joué essentiellement à quatre défenseurs, les Leafs, eux, ont dû jouer surtout à cinq défenseurs, parce que Jake Muzzin a dû abdiquer lors de la deuxième période, à cause de ce qui ressemble à une blessure à l’aine. Après la rencontre, Sheldon Keefe n’a pas été en mesure de dire si son défenseur allait pouvoir disputer le septième match lundi soir à Toronto, se contentant de répondre qu’il était sans nouvelles de son joueur et de son état de santé. « Nous avons des réserves et c’est ce que nous avons vu lors du match de samedi soir, a expliqué Mitch Marner après la défaite. Il va falloir que d’autres joueurs se lèvent si jamais ce n’est pas possible pour Jake de revenir. »