Avant, c’était le « plan quinquennal » de Pierre Boivin et de Pierre Gauthier, qui ne semblait jamais aboutir. Puis, il y a eu les « plans » de Marc Bergevin, plans dont on ne connaissait jamais vraiment les contours et qui n’ont guère impressionné la galerie lorsqu’il a fini par en dévoiler les grandes lignes.

Ça a atteint le point où le mot était pratiquement tabou, tellement il générait du cynisme.

C’est à se demander si une partie de l’enthousiasme autour du début de saison du Canadien ne vient pas justement de là. Après des années à voir des plans qui n’aboutissent pas, des plans aux contours flous, il y a quelque chose de rafraîchissant à voir se concrétiser ce que l’organisation nous vend depuis des mois.

Dans la victoire de 3-1 du Tricolore contre les Oilers d’Edmonton, lundi, plusieurs éléments des plans de Bergevin ont souri au Canadien. C’est aussi ce qui explique que les Montréalais se réveilleront à Vancouver mardi matin avec une récolte de cinq points sur une possibilité de six sur la route.

Premier exemple : Jake Allen. Bergevin a mis la main sur un auxiliaire de luxe, prenant le pari d’investir encore plus devant le filet. Le plan était d’alléger la tâche de travail de Carey Price. Claude Julien a démontré son sérieux en employant Allen dès le troisième match de la saison, même si le CH n’était pas en situation de deux matchs en 24 heures.

Allen a répondu avec une grande performance : 25 arrêts sur 26 tirs, un but accordé en fin de match, sur une échappée, quand la victoire était hors de portée pour les Oilers. Mais quand ça comptait, il a fermé la porte. Après une telle performance, on devine que Julien sera encore plus encouragé à s’en tenir au plan et à donner des départs de façon régulière à Allen.

PHOTO PERRY NELSON, USA TODAY SPORTS

Jake Allen a bloqué 25 des 26 tirs dirigés vers lui.

« On ne doutait pas qu’il soit rassurant. Mais ce que t’espérais, c’était qu’il obtienne un résultat positif, pour bâtir sa confiance. Il a montré qu’il était un vrai. »

Deuxième exemple : l’influx de nouveaux joueurs. Bergevin souhaitait s’offrir une formation plus complète, afin d’avoir quatre trios complets et fiables, et de donner plus de flexibilité à son entraîneur. Lundi, le Tricolore a joué d’indiscipline, offrant sept avantages numériques aux Oilers. Résultat des courses : 0 en 7 pour Edmonton.

Difficile d’identifier un seul héros, parce que sept attaquants et cinq défenseurs ont été appelés en renfort sur ces unités. Ce surplus de personnel a justement permis à Claude Julien d’exécuter le plan qu’il avait en tête.

« C’est ce qu’on aimait cette année. Avec les acquisitions de certains joueurs, j’étais à l’aise avec le nombre de joueurs que je pouvais utiliser en désavantage numérique. Grâce à ça, les joueurs sont plus frais et peuvent être plus agressifs », a résumé Julien.

Troisième exemple : Alexander Romanov. Le plan de Bergevin était clair : une place parmi les six premiers défenseurs était réservée à Romanov. Il y avait des sceptiques dans la salle, d’autant plus que le jeune homme débarquait dans une nouvelle ligue, dans une nouvelle culture.

Après trois matchs, le Russe obtient déjà 17 minutes en moyenne, tient son bout physiquement, a déjà marqué son premier but dans la Ligue nationale et déborde de confiance. « J’ai confiance parce que je sais que je peux jouer comme ça et que j’aide mon équipe quand je joue comme ça », a lancé le numéro 27.

On pourrait continuer longtemps ainsi. Jake Evans, qui avait gagné le poste de quatrième centre avant même le début du camp, joue à la hauteur des attentes jusqu’ici. C’était un autre plan dont il était permis de douter.

Le contraste avec les Oilers

Les plans, c’est bien beau. Mais comme le grand philosophe Mike Tyson l’a déjà dit, on a tous un plan jusqu’à ce qu’on reçoive un coup de poing en pleine face.

Et le Canadien, jusqu’ici, n’a pas reçu de coup de poing. Tout le monde est resté en santé. Josh Anderson a eu une petite frousse lundi, mais est revenu dans le match. Personne n’a été infecté à la COVID-19.

À l’inverse, les Oilers ont perdu leur défenseur numéro 1, Oscar Klefbom, avant même le début de la saison. Idem pour Mike Smith, qui devait partager le travail devant le filet avec Mikko Koskinen. La COVID-19 s’est invitée au camp. Les mauvaises performances ont incité Dave Tippett à laisser deux défenseurs de côté lundi. Bref, d’un match à l’autre, les trios et les duos de défenseurs changent. Quand ce n’est pas dans le cours d’un match, comme on l’a vu en troisième période dans les deux matchs contre le Canadien.

« Normalement, tu as quatre ou cinq matchs préparatoires pour t’ajuster, faisait valoir Darnell Nurse lundi matin. Là, on n’a pas beaucoup de temps, mais ce qui est bien, c’est que tout le monde est dans le même bateau, donc ce n’est pas une excuse. »

On compare la stabilité du Tricolore et le fouillis dans le camp adverse, et c’est à se demander si tout le monde est réellement dans le même bateau.

En hausse : Artturi Lehkonen

On pourrait mettre pas mal tous les membres des unités de désavantage numérique du CH ici. Allons-y avec Lehkonen. En plus de son but, il a été agressif sur le porteur de la rondelle toute la soirée et a brisé sa part de jeux.

En baisse : Brendan Gallagher

Il a joué un bon match et a été menaçant en zone adverse. Mais sa punition pour mise en échec contre Darnell Nurse était inutile, et un vétéran de sa trempe ne peut pas écoper de telles punitions simplement pour se venger de son assaillant du dernier match.

Le chiffre du match : 3

Le Canadien a prolongé à trois sa séquence de matchs consécutifs avec une punition pour avoir envoyé la rondelle dans les gradins. Après Shea Weber et Artturi Lehkonen, le coupable était maintenant Ben Chiarot.

Dans le détail

PHOTO JASON FRANSON, LA PRESSE CANADIENNE

Shea Weber (6) a marqué le deuxième but du Canadien en fin de deuxième période.

Quelle passe !

Dans un match où la tenue de Jake Allen et le premier but d’Alexander Romanov retiennent l’attention, il y a de ces petits jeux dont on va moins se souvenir. Que dire de la passe de Nick Suzuki qui a mené au but de Shea Weber en fin de deuxième période ? Les joueurs des Oilers, visiblement, ne l’attendaient pas, à voir comment ils ont laissé un immense trou dans le haut de leur territoire. Avec cette passe, Suzuki compte trois points en trois matchs et a repris là où il avait laissé lors des séries à Toronto.

Les mises en jeu… au bon moment

Les mises en jeu sont une des faiblesses du Canadien en ce début de saison. Encore lundi, le Tricolore a conclu le match sous les 50 %. Cela dit, les jeunes centres de l’équipe ont gagné les mises en jeu cruciales et ont ainsi limité les dégâts. On pense ici à Jesperi Kotkaniemi, qui a dû en prendre deux contre le gros trio des Oilers en début de deuxième période, après des dégagements refusés. Il a d’abord battu Ryan Nugent-Hopkins, puis Connor McDavid. C’est sans oublier le fait que le but de Romanov a été le résultat d’une mise en jeu remportée habilement par Jake Evans, avec son patin. Les séances avec Phillip Danault à la fin des entraînements commencent à porter leurs fruits…

Pas au point

Avec ce qu’ils ont comme force de frappe, il est impossible que les Oilers demeurent longtemps en panne en avantage numérique. Ils ont pratiquement le même personnel que l’an passé, quand ils ont déployé le meilleur avantage numérique de la LNH en plus de 30 ans. Mais l’équipe albertaine est visiblement embêtée par le manque de temps d’entraînement, car l’exécution n’est pas à point. À moult reprises, Connor McDavid ou Leon Draisaitl étaient bien placés pour recevoir une passe, mais la rondelle n’arrivait pas au bon endroit pour permettre un tir rapide. Sinon, l’approche combative des unités de désavantage numérique du Tricolore produit aussi ses résultats. Dave Tippett ne manquera pas de séquences à montrer à ses troupes quand il préparera le prochain duel contre Montréal, dans trois semaines.

Ils ont dit

Au début, je n’ai pas compris que j’avais marqué. Ensuite, j’étais tellement excité, je ne savais pas quoi crier. C’était incroyable.

Alexander Romanov, au sujet de son premier but dans la LNH

On cherche encore à définir notre équipe, on doit élever notre niveau de compétition. Ce sera bon de jouer sur la route. J’espère que ça va changer l’atmosphère.

Dave Tippett, entraîneur-chef des Oilers

On ne le voit pas toujours sur la feuille de pointage, mais il est robuste, il bloque des tirs, et les autres équipes savent quand il est sur la glace.

Shea Weber, au sujet de Joel Edmundson

C’était bien d’avoir un peu d’action. Ça faisait longtemps que je n’avais pas eu de vraie action ! Le plus dur à l’entraînement, c’est de simuler le trafic. J’en ai eu dès le début, et les gars ont bien joué devant moi.

Jake Allen, à propos des nombreux avantages numériques des Oilers en première période

On a été rapides pour aller sur eux, on avait de bons angles pour les ralentir. Si on a obtenu quatre points ici, c’est parce qu’on a neutralisé leurs deux gros attaquants.

Claude Julien, à propos de Connor McDavid et Leon Draisaitl

On a été durs, on a distribué plusieurs mises en échec. On a joué comme une équipe, comme une famille.

Alexander Romanov