(TORONTO) Depuis le temps qu’on en parle, ça y est ! Exactement 144 jours après avoir disputé son dernier match, cinq mois après que Marc Bergevin eut vidé l’équipe pour bâtir un meilleur avenir, voici le Canadien dans une série 3 de 5, avec à l’enjeu le sauvetage d’une saison à oublier.

Et, en cas d’échec, avec comme enjeu d’obtenir une chance sur huit de gagner la loterie pour repêcher Alexis Lafrenière, et réellement bâtir un avenir meilleur.

À l’exception de quelques éternels optimistes, une écrasante majorité d’observateurs n’accordent aucune chance au Canadien contre les puissants Penguins de Pittsburgh. L’écart de talent entre les deux équipes est tout simplement trop prononcé.

Claude Julien lui-même a reconnu de diverses façons ces derniers jours que son équipe est négligée. Mercredi, il disait que ses joueurs devraient jouer « au-dessus de leurs moyens ». Vendredi, c’était formulé ainsi.

« Ce n’est pas un secret. On devra arriver en équipe, que les 20 joueurs habillés jouent bien. On n’a pas le choix, on n’a pas beaucoup de marge de manœuvre pour battre Pittsburgh avec la moitié ou les deux tiers de nos joueurs », a expliqué l’entraîneur-chef des Montréalais, en visioconférence.

Problèmes en défense

Cet écart de talent, c’est à l’avant qu’il saute aux yeux, pour la simple et bonne raison que Sidney Crosby et Evgeni Malkin jouent dans la même équipe. Avant longtemps, il faudra peut-être penser à ajouter Jake Guentzel à ce groupe d’attaquants d’élite. Les Penguins jouissent d’une profondeur formidable au centre, position où le CH est encore jeune. Ça a longuement été expliqué ces dernières semaines.

Mais un problème tout aussi criant se dessine à la ligne bleue, où le Tricolore dépend de trois joueurs : Shea Weber, Ben Chiarot et Jeff Petry. Les trois ont joué plus de 23 minutes par match cette saison, pendant que les trois autres défenseurs projetés derrière eux – Brett Kulak, Victor Mete et Xavier Ouellet – jouaient respectivement 17, 16 et 14 minutes.

À écouter Julien vendredi, il ne faut pas s’attendre à ce que la situation change cette semaine.

« On est en séries, on doit donner aux meilleurs joueurs le plus de minutes », a dit l’entraîneur.

On espère que les six vont bien jouer pour pouvoir répartir le temps d’utilisation. Sinon, on devra demander plus de minutes à certains joueurs. On espère qu’un gars se lève pour qu’on ait au moins un top 4.

Claude Julien

Voilà un aveu plutôt inhabituel de la part d’un entraîneur la veille du premier match des éliminatoires. Mais c’est le produit de ce drôle de tournoi organisé par la LNH, qui inclut une équipe comme le Canadien, qui avait fait son deuil des séries en échangeant quatre vétérans établis en février.

C’est aussi le résultat d’un bassin d’espoirs mal assorti pour les besoins actuels. Le meilleur espoir du côté gauche de la défense, Alexander Romanov, est bel et bien avec l’équipe à Toronto, mais n’est pas admissible à jouer. Après un début de carrière prometteur, Mete n’a toujours pas progressé au point de pouvoir accepter plus de responsabilités.

L’équilibre des Penguins

Dans le camp adverse, c’est complètement l’inverse.

Derrière Kristopher Letang, Mike Sullivan a pu répartir de façon très équitable les minutes entre ses arrières.

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Temps d’utilisation des défenseurs des Penguins cette saison

Kristopher Letang : 25 min 44 s

Brian Dumoulin : 21 min 03 s

John Marino : 20 min 15 s

Justin Schultz : 19 min 53 s

Jack Johnson : 19 min 28 s

Marcus Pettersson : 19 min 24 s

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Comment les Penguins y sont-ils parvenus ? En développant patiemment Letang et Dumoulin, puis parce que le directeur général, Jim Rutherford, a flairé de bonnes affaires sur le marché des transactions. Le sapin qu’il a passé aux Ducks (le décevant Daniel Sprong contre Pettersson) est un coup de maître.

Mike Sullivan a donc beau jeu de se fier à ses trois duos, même si la paire Johnson-Schultz peut donner des cheveux gris à l’entraîneur-chef.

« Le hockey des séries est le plus difficile. C’est rapide, robuste et haut en émotions en raison des enjeux », a résumé Sullivan.

Pour ces raisons, quand une équipe a la chance de répartir les minutes, ça aide le groupe à rester frais et dispos, ça aide à garder un haut niveau de jeu, match après match. On pense qu’on a les joueurs qui nous permettent de répartir les minutes.

Mike Sullivan

« Je sens qu’on a de la vraie profondeur, a ajouté Pettersson. Nos défenseurs peuvent remplir tous les rôles et chacun est à l’aise avec les autres. »

La fameuse confiance

Alors, il reste quoi au Canadien ? Devant le filet, Carey Price a montré une efficacité de ,933 lors de sa dernière présence en séries ; le Canadien a perdu en six. Il a présenté une efficacité de ,909 cette saison.

L’avantage numérique ? L’amélioration devra être spectaculaire, après le fiasco du match préparatoire de mardi (0 en 6, 2 buts accordés). Ce n’était guère mieux au camp à Brossard.

La foule ? À moins qu’un vaccin contre la COVID-19 ne soit développé, testé et commercialisé dans les 24 prochaines heures, il n’y en aura pas.

Des manœuvres déloyales dans le dos de l’arbitre ? Ça fonctionnait peut-être pour les frères Rougeau, mais au hockey, la formule est moins éprouvée.

Il reste la confiance. « Si tu y crois, c’est très important. Ensuite, c’est de faire le travail nécessaire pour concrétiser ce que tu penses, a expliqué Julien. Pour ça, le caractère de ton équipe joue un gros rôle. Je pense qu’on a assez de caractère pour le faire, pour convaincre les gens qu’on est meilleurs que ce qu’ils pensent. »

Appelez ça le caractère ou l’attitude : Marc Bergevin a toujours valorisé ces valeurs depuis son arrivée en poste. Souhaitons au Tricolore que les joueurs en fassent preuve.

En bref

Un premier entraînement pour Romanov

Alexander Romanov a terminé sa quarantaine et il a participé à un premier entraînement avec ses nouveaux coéquipiers. L’espoir du Canadien ne participera pas au tournoi, mais pourra s’exercer avec l’équipe et ainsi apprivoiser la vie dans la LNH. « C’était stressant et la dernière semaine, c’était plate, a expliqué Romanov, au sujet de sa quarantaine passée dans sa chambre d’hôtel à Toronto. Je ne pouvais pas sortir, il y avait un agent de sécurité devant ma porte. J’avais très hâte d’aller sur la glace avec les gars. » « Pour lui, c’était comme sortir de prison », a ajouté Julien, à la blague. Il faudra maintenant voir quel niveau d’attention les entraîneurs pourront lui porter, puisqu’ils doivent évidemment prioriser leur effectif actuel pour cette série.

Aucun changement chez le CH…

Si Claude Julien prévoit faire un changement dans ses trios, il attend au dernier moment pour le faire ! Selon les informations dont a fait part le Canadien, les trios et duos de défenseurs sont demeurés inchangés vendredi. La quatrième unité est donc encore formée de Dale Weise, Max Domi et Jordan Weal, tandis que le troisième tandem d’arrières était composé des gauchers Victor Mete et Xavier Ouellet. Alex Belzile était absent pour la deuxième séance de suite, après avoir quitté le match de mardi en deuxième période, à la suite d’une percutante mise en échec de Jake Muzzin. Les médias doivent citer le Canadien puisque les entraînements ne sont pas ouverts aux journalistes en vertu de la politique médiatique de la LNH pour la reprise du jeu. Seuls quelques journalistes engagés par la ligue ont accès aux entraînements, à l’exclusion de tout journaliste indépendant.

… Ni chez les Penguins !

C’est également stable chez les Penguins, qui ont annoncé la même formation à l’entraînement de vendredi que ce qu’ils ont montré lors du match préparatoire de mardi. Mike Sullivan a toutefois maintenu le mystère quant à l’identité de son gardien partant. Matt Murray et Tristan Jarry se sont partagé le travail lors de la rencontre de mardi.