Bob Hartley a pu rentrer de Russie à temps, après l’élimination de son équipe, l’Avangard d’Omsk, de la KHL, pour vivre sa période de confinement chez lui, à Hawkesbury. Il en profite pour s’évader en faisant des travaux de paysagement chez lui.

« J’en ai discuté avec mon patron [à Omsk] et on s’est dit que si on ne rentrait pas bientôt, on allait devoir passer l’été en Russie, a-t-il confié au bout du fil. Nous avons examiné cette option, mais on a décidé de rentrer, ma femme et moi. Mais au moment de notre départ [le 11 mars], l’Europe commençait à fermer. L’Italie, l’Espagne et la France étaient durement touchées. La Suisse avait mis fin à son championnat.

« On fait généralement escale à Francfort, Londres ou Paris pour rentrer, poursuit-il, mais j’avais peur d’être coincé dans une ville d’Europe et de devoir habiter dans une chambre d’hôtel, ou de me retrouver dans le néant, pendant plusieurs mois. Je voulais absolument traverser l’océan d’un coup.

« Alors, on a pris le grand vol Moscou-Miami. On a atterri à Miami après 13 heures de vol et on a pris un avion vers Montréal le lendemain matin. Au pire, on aurait passé l’été en Floride si les autorités américaines nous avaient ordonné de rester en quarantaine parce que nous avons aussi notre maison à Hallandale. Mais on n’a même pas eu à passer par notre maison en Floride. »

Hartley a respecté les consignes dès son arrivée au Canada.

« On s’est tout de suite mis en quarantaine à la maison. Steve, mon fils, nous avait fait une grosse épicerie la veille. On a rempli frigidaire et congélateur. Je ne suis allé dans aucun commerce depuis mon arrivée ici. J’ai une peur bleue et je veux être un citoyen qui montre l’exemple. Je fais confiance aux gens de la santé.

« On est tous d’accord pour dire que c’est rendu plate, mais il ne faut pas baisser la garde. Il ne faut pas revenir à la ligne de départ. Il faut être patient et surtout discipliné. Jouer sur le banc au hockey, c’est pas le fun. On est en train d’apprendre avec la COVID-19 que jouer sur le banc comme société, c’est pas plus le fun non plus, mais on n’a pas le choix, il faut le faire pour l’équipe. »

Les États-Unis

L’ancien coach de l’Avalanche du Colorado, des Thrashers d’Atlanta et des Flames de Calgary s’inquiète de la situation au sud de notre frontière.

« Je regardais les protestataires, je n’en reviens juste pas. Ils parlent de liberté, mais on se fait attaquer par un ennemi invisible. Quand on affronte un adversaire, on analyse l’autre équipe, c’est tangible, tu le vois. Ici, les chercheurs partout dans le monde travaillent dans les laboratoires pour trouver des solutions pendant que les gens meurent, et on ouvre les plages ! C’est inexplicable. Je ne la comprends pas, celle-là. Non seulement tu te mets à risque, mais tu mets les autres à risque. »

Qui est dangereux ? On ne le sait même pas. C’est peut-être moi, c’est peut-être toi. C’est le combat d’une vie.

Bob Hartley

Hartley se désole des divisions aux États-Unis. « Il y a beaucoup de nationalités qui font des États-Unis le pays qu’il est, que ça soit par la religion, la couleur, la langue. On est loin de ça en ce moment. Cette fameuse pandémie, s’il y a quelque chose de positif qui pourrait arriver, c’est d’unir les humains. Mais déjà, aux États-Unis, on est divisé.

« Quand on dit que le message du coach ne passe plus, c’est malheureux aux États-Unis. C’est un message tellement facile à comprendre. Je ne suis pas la politique. Je suis les points de presse de M. Trudeau, de M. Legault, de M. Ford. Je regarde M. Trump, de l’autre côté, les fameux tweets, “Libérez ci” et “Libérez ça”. Le jour où les autorités médicales, des gens beaucoup plus qualifiés que moi, vont nous libérer pour vrai, je vais être le premier à courir dans la rue. Je suis une personne d’action. Mais comme c’est là, j’ai enlevé mes batteries. »

Notre homme a eu le temps déjà de préparer le camp d’entraînement de l’Avangard. En principe, les camps de la KHL s’ouvrent à la mi-juillet. « Tout est prêt, les points techniques, tactiques et individuels, tactiques de groupe, les unités spéciales. Je suis couvert dans ce département-là. J’ai commencé à appeler les joueurs, prendre des nouvelles, garder le contact. »

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Le CSKA Moscou, le club le plus prestigieux en Russie, se vide de ses meilleurs joueurs. Le gardien Ilya Sorokin ira rejoindre les Islanders de New York, Mikhail Grigorenko, les Blue Jackets de Columbus, Kiril Kaprizov, le Wild du Minnesota et Alexander Romanov, le Canadien. Saint-Pétersbourg perd le défenseur Artem Zub, devenu membre des Sénateurs d’Ottawa.

Si j’étais un club de la LNH, j’aurais deux recruteurs à temps plein en Russie. Il y a beaucoup de talent en Russie et ce sont d’excellents travaillants.

Bob Hartley

Kaprisov, 22 ans, a terminé au premier rang des compteurs du CSKA avec 62 points en 57 matchs. Grigorenko a obtenu 41 points en 47 matchs. Sorokin, 24 ans, a affiché une moyenne de 1,50 et un taux d’arrêts de ,935.

« Ilya Sorokin est le joueur à suivre, dit Hartley. Il est incroyable. Ses statistiques sont gonflées par le fait qu’il joue avec le CSKA Moscou, mais les stats de Ken Dryden étaient gonflées aussi par le Canadien ; je me souviens encore de son gros arrêt contre Jim Pappin. J’aime la force de concentration de Sorokin.

« En finale, on essayait de le déranger après les sifflets. On essayait de jouer le jeu nord-américain avec des attroupements devant le filet, on tentait de le bousculer, de lui parler, il était de glace. Il est vif comme un chat, il a une technique irréprochable. Il a un sens de l’anticipation incroyable. Souvent, il fait des arrêts qui semblent faciles grâce à son anticipation et ses mouvements, c’est presque de la musique. »

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Ilya Sorokin

Grigorenko n’a pas réussi son entrée dans la LNH avec les Sabres de Buffalo et l’Avalanche du Colorado, mais il fait bien depuis son retour en KHL. « Grigorenko est dangereux en supériorité numérique, il a tout un tir. Et il a beaucoup amélioré sa défense.

« Avec Kaprisov, il ne faut pas s’attendre à voir un Ovechkin ou un Kovalchuk. C’est un joueur complet. Il ne va pas gagner le titre de la recrue de l’année, mais il a un style vraiment efficace et il est très fort physiquement.

« Je l’ai côtoyé lors de deux matchs des Étoiles parce que c’est un très bon ami de mon joueur Ilya Mykheyev [aujourd’hui avec les Maple Leafs de Toronto]. C’est un kid qui a une très belle personnalité, il va très bien cadrer avec la Ligue nationale. Il va pouvoir remplir plusieurs rôles, mais il ne sera pas un compteur prolifique. Il va jouer dans les trois zones. C’est le joueur russe qui a le profil le plus nord-américain. »

Romanov a « du pitbull dans le nez »

Les Sénateurs d’Ottawa ont fait une belle prise, estime Hartley. Le défenseur Artyom Zub, 24 ans, a haussé sa production offensive de 9 à 24 points. « Ça a été sa plus grande saison offensive, de loin. Avant, il était surtout reconnu comme défenseur défensif. Il y a eu un déclic cette année. »

Hartley a toujours aimé le talent du jeune Romanov, 20 ans seulement.

« Romanov doit se présenter à Montréal le plus tôt possible pour se plonger dans le bain, rencontrer les entraîneurs, quelques coéquipiers. Certains vont aller à Brossard s’entraîner. Il a eu de très bons contacts avec Paul Byron l’été dernier. Paul me disait qu’il avait été vraiment impressionné.

« Je l’ai épié durant le camp à Sotchi. Je voulais savoir qui il était. Son grand-père, Zinetoula Bilialetdinov, est une légende en Russie. C’est le Scotty Bowman russe. Il a aussi coaché à Winnipeg. Son père est l’un des agents les plus respectés et les plus honnêtes en Russie.

« Le kid a été élevé dans le hockey, il a de la graine de champion, du pitbull dans le nez. On a vu ses émotions au Championnat du monde junior. Il faut lui laisser le temps de s’ajuster. C’est un gros ajustement, mais je crois qu’il est capable de le prendre. »