Vendredi devait être une journée de fébrilité et de retour au boulot, à quelques jours du début du Championnat mondial de hockey junior. Or, le dévoilement de 10 tests positifs à la COVID-19 a jeté un voile d’incertitude sur l’évènement, notamment en ce qui a trait aux protocoles sanitaires mis en place par le comité organisateur.

Huit joueurs allemands et deux entraîneurs suédois ont eu un test positif. Arrivés dimanche dans la ville hôte d’Edmonton, les membres des 10 délégations, y compris le Canada, ont dû se soumettre à un isolement individuel complet de cinq jours de même qu’à des tests de dépistage quotidiens. Au total, quelque 2000 tests ont été réalisés.

Alors que les équipes devaient retrouver la patinoire vendredi pour reprendre l’entraînement, les formations allemande et suédoise ont vu leur quarantaine prolongée, respectivement jusqu’au 24 et au 21 décembre.

Toutefois, dans un communiqué, la Fédération internationale de hockey sur glace a écrit que les membres de ces deux équipes qui avaient déjà eu la COVID-19 pourraient se soustraire à la quarantaine, au prétexte qu’ils profitent d’une « immunité personnelle » et qu’ils ne représentent « pas une menace d’infection » envers les autres participants du tournoi.

Cette affirmation a fait sourciller deux experts consultés par La Presse. Ceux-ci soulignent qu’il n’existe pas de consensus scientifique clair quant à l’immunité conférée par une première infection.

« Des cas de réinfection, il y en a eu, et ils sont bien documentés », souligne d’abord Alain Lamarre, expert en immunologie et en virologie à l’Institut national de la recherche scientifique. Selon lui, ces cas de figure ont surtout été observés chez des patients qui n’avaient eu que peu ou pas de symptômes lors de la première infection.

Le DGaston De Serres, médecin épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec, signale quant à lui que « des preuves robustes » ont démontré qu’une personne guérie pouvait contracter le virus de nouveau après seulement 30 jours.

« Même les travailleurs de la santé qui ont eu la COVID, s’ils viennent se faire se vacciner, on va leur donner », illustre le DDe Serres.

Son collègue apporte toutefois une nuance : le taux d’infection des personnes guéries est plus faible que dans la population en général. Autrement dit, le risque serait plus faible, sans pour autant être nul.

Par contre, insiste M. Lamarre, il n’y a « pas de données » sur la contagiosité ou non des personnes qui sont infectées une seconde fois.

« Je ne dirais pas qu’il n’y a pas de menace, car ce n’est pas le cas », résume-t-il.

À la Fédération, on insiste sur le fait que les protocoles mis en place ont été élaborés de concert avec le ministère de la Santé de l’Alberta.

Invité à détailler le fondement scientifique derrière les conseils prodigués aux organisateurs, un porte-parole du Ministère nous a laconiquement écrit que la Fédération suivait « ses protocoles liés à l’isolement et à la quarantaine dans la bulle ».

Autres doutes

Dans les minutes qui ont suivi la divulgation de la nouvelle des 10 tests positifs, des doutes ont été soulevés sur les réseaux sociaux quant à la quarantaine accélérée que sont appelées à observer les délégations allemande et suédoise. De leur arrivée, le 13 décembre, jusqu’à la fin prévue de leur isolement, il se sera passé respectivement 11 et 8 jours, très en deçà de la période de 14 jours généralement recommandée pour les personnes atteintes du virus.

À ce point, c’est une question de « probabilités » et d’« évaluation des risques  », indique Alain Lamarre. « Le risque zéro n’existe pas : 11 jours, c’est moins bon que 14, mais c’est mieux que 10. Dans un monde idéal, ce serait même 20 jours, car il y a eu des cas positifs jusqu’à 20 jours après l’infection. »

En outre, les tests positifs dévoilés vendredi ont été obtenus en dépit de mesures préalables à l’arrivée des équipes à Edmonton. Le comité organisateur demandait à chacune des formations de s’isoler pendant sept jours avant leur départ et que chaque personne présente un test négatif avant de monter dans l’avion.

Or, quand bien même ces indications auraient été suivies à la lettre, elles n’étaient pas sans faille. D’une part, les joueurs de chaque équipe s’entraînaient ensemble dans les jours précédant leur départ : leur groupe était donc isolé, mais ses membres ne l’étaient pas individuellement.

D’autre part, la période d’incubation du virus, soit celle entre l’infection elle-même et l’apparition des symptômes, peut durer plus de 10 jours. Pendant cette période, « le nombre de virus augmente, mais pas nécessairement à un niveau détectable tout de suite », note le DDe Serres.

Par exemple, un joueur ayant produit un test négatif dimanche dernier, soit avant le départ de son pays d’origine, pourrait être infecté à l’heure actuelle sans encore présenter un résultat positif à ce jour.

Les circonstances dans lesquelles se sont déroulés les déplacements aériens des équipes ne contribuent pas non plus à l’optimisme.

Les Allemands ont partagé un vol nolisé transatlantique avec la Suisse, alors que la Suède était dans le même avion que la Finlande et la Russie. Dans les deux cas, on a émis des inquiétudes quant à la petite taille des aéronefs et, conséquemment, à la proximité entre leurs passagers, a écrit sur Twitter le journaliste Chris Peter, du réseau ESPN.

Impacts

Fournissant peu de détails sur l’impact des tests positifs sur la logistique du tournoi, la Fédération internationale a tout de même indiqué qu’elle comptait réviser l’horaire des matchs préliminaires. La formation allemande devra possiblement passer directement au tableau principal, dont le premier match aura lieu le jour de Noël.

Quant aux Suédois, ils sont censés affronter le Canada lundi, jour prévu de la fin de leur quarantaine. Citant une station de télévision suédoise, le journaliste Stéphane Leroux, de RDS, a indiqué que ce match serait annulé.

La Presse a par ailleurs appris que des calendriers à 10, 9 et 8 équipes avaient été élaborés. Si trois équipes déclaraient forfait, le tournoi serait annulé.

L’entraîneur-chef de l’équipe canadienne, André Tourigny, a indiqué en point de presse qu’il n’avait pas encore de détails à ce sujet. On lui aurait simplement donné l’horaire d’entraînement mis à jour pour vendredi et samedi.

Il a rappelé que ses joueurs faisaient preuve d’une grande prudence et d’un respect rigoureux des règles de distanciation physique en vigueur hors de la glace, par exemple pendant les repas et dans les déplacements vers l’aréna.

Interrogé pour savoir si des inquiétudes s’étaient manifestées chez ses joueurs, il a sèchement répondu que « [sa] job, c’est de coacher, et eux de jouer ».

« Votre job [les journalistes], c’est de spéculer, on va faire la nôtre, a-t-il ajouté. La seule information que j’ai, c’est les heures de pratiques des deux premiers jours. C’est en masse pour moi. »

Dach capitaine

Les entraîneurs de la formation canadienne ont désigné leur capitaine, vendredi, en la personne de Kirby Dach, choix de premier tour des Blackhawks de Chicago en 2019. Ses assistants seront Bowen Byram, de l’Avalanche du Colorado, et Dylan Cozens, des Sabres de Buffalo. C’est Connor McDavid qui, par le truchement d’une vidéo diffusée sur l’écran géant au-dessus de la glace, a dévoilé le nom des heureux élus au terme de l’entraînement du club. Tourigny a évoqué un choix « évident » qui faisait consensus et s’est amusé à décrire son trio de leaders comme un « monstre à trois têtes ».