On a tendance à l’oublier, mais l’arrivée de Patrick Roy au Colorado en décembre 1995 n’a pas non plus été un succès instantané, même s’il soulevait la Coupe Stanley six mois plus tard.

Roy avait perdu son premier match avec sa nouvelle équipe, de même que trois de ses quatre premiers départs. Puis, au début de 1996, il allait connaître une séquence d’une victoire en cinq matchs. Après 13 sorties, sa fiche s’établissait à 6-6-1, un rendement plutôt ordinaire pour un triple gagnant du trophée Vézina, qui jouait derrière un club paqueté.

Patrick Roy, lui, ne l’a pas oublié. Et lors de sa rencontre virtuelle avec les médias, lundi, il s’est rappelé cette période lorsqu’il a raconté ses meilleurs souvenirs de Pierre Lacroix, son ancien agent et directeur général qui est mort dimanche.

« Au début, avec l’Avalanche, ça allait plus ou moins bien. Après un match, je suis sorti de l’aréna, mais ma femme n’était pas là. Pierre me dit : ‟C’est moi qui te ramène à la maison ce soir !” », a raconté Roy, en visioconférence.

« Dans l’auto, je lui ai dit que ce n’était pas facile pour moi d’être avec l’Avalanche. Je l’aimais beaucoup, et je lui disais que j’avais peur de le décevoir. Il m’a dit : ‟Arrête d’avoir peur de me décevoir et fais ce que tu as à faire !” Il a toujours voulu que tout le monde se sente bien autour de lui. »

À plusieurs reprises au cours de la conférence, Roy a rappelé que Lacroix faisait tout pour instaurer un esprit familial, autant chez l’Avalanche que chez Jandec, sa firme de représentation de joueurs.

« Il était très présent dans l’entourage de l’équipe. Il était toujours à l’aréna, un des premiers arrivés, a rappelé l’entraîneur-chef des Remparts de Québec. S’il sentait qu’un joueur traversait une période difficile, il s’assoyait et parlait avec lui. C’était son rôle, il épaulait l’entraîneur pour s’assurer qu’il n’ait pas toute la pression. »

Quand j’étais au Colorado, année après année, l’objectif était de remporter la Coupe Stanley. Dans mes huit années, on a eu un cheminement assez spécial. On est allés six fois en finale d’association. C’est quelque chose d’assez spécial.

Patrick Roy

Les propos de Roy rejoignaient ce que nous disait dimanche Stéphane Fiset, ancien adjoint de Roy devant le filet, qui a eu Lacroix comme directeur général en 1995 avec les Nordiques de Québec, et la saison suivante avec l’Avalanche.

« Surtout quand on est déménagés au Colorado… Il y avait beaucoup d’inconnu pour beaucoup de joueurs. Les familles francophones ne parlaient pas nécessairement toutes anglais, soulignait Fiset. Une fois que le déménagement a été fait, après un mois ou deux, il aurait pu passer à autre chose.

« Mais il s’assurait que tout le monde soit heureux et traitait ses joueurs comme ses enfants. On le voyait surtout autour du vestiaire, et ce n’était pas pour la business. Il prenait le temps de parler avec tout le monde, savoir comment ça allait. ‟Ton épouse va bien ? Tes enfants ?” »

Les méthodes de gestion de Lacroix ont visiblement fonctionné. Pendant les huit saisons évoquées par Roy (de 1995 à 2003), l’Avalanche a remporté deux fois la Coupe Stanley (1996 et 2001) et s’est classée au deuxième rang de la LNH pour le nombre de victoires (360), derrière les Red Wings de Detroit.

Émotif

La relation entre Roy et Lacroix n’était peut-être plus aussi étroite que par le passé. L’ancien gardien a indiqué par exemple que leur dernière rencontre s’était déroulée après un match de l’Avalanche à Las Vegas, quand Roy était entraîneur-chef.

C’était possiblement à l’automne 2015, lors du dernier camp de Roy comme coach de l’Avalanche, quand son équipe disputait des matchs préparatoires à Vegas, bien avant l’arrivée des Golden Knights.

« On s’est parlé une couple de fois depuis, on s’est surtout texté dans les dernières années », a-t-il dit.

Cela dit, une relation professionnelle qui s’est étendue sur une vingtaine d’années, ça ne s’oublie pas de sitôt. Ça s’est senti dès la première réponse, quand Roy a pris un long soupir en racontant comment Éric Lacroix – fils de Pierre – lui avait appris la nouvelle de sa mort.

La première rencontre a eu lieu « au St-Hubert à Granby, sur la rue Principale », à l’époque où Roy était un gringalet qui accordait cinq buts par match avec les Bisons dans la LHJMQ.

Et après sa carrière de joueur, quand Roy s’est investi chez les Remparts, d’abord comme copropriétaire, puis comme directeur général, enfin comme entraîneur-chef, il s’est de nouveau tourné vers Pierre Lacroix.

« Souvent, je lui parlais, je lui demandais comment il réagirait à telle situation. Dans plusieurs situations, il a été un mentor. Il me disait : ‟Des fois, tu ne sais pas pourquoi tu chiales, mais tu dois le faire, parce que ça ramène tout le monde à la bonne place.” Donc je le faisais, puis je sortais et je riais tout seul, je me disais : ‟Voyons donc, ça n’a pas de bon sens !” »