Connaissez-vous Friday Night Lights ?

C’est une formidable télésérie campée dans une petite ville fictive du Texas. Genre Sorel. L’équipe de football de l’école secondaire est affligée d’une suite improbable de drames.

Le quart-arrière étoile devient paraplégique. Le demi, alcoolique, est sur la touche. Un autre joueur confesse un meurtre. Tout pour nuire au club. Or, chaque embûche endurcit les joueurs. Forge leur caractère. Les rend meilleurs. Chaque vendredi soir, les footballeurs sortent du vestiaire la rage au ventre, stimulés par leur slogan d’équipe.

Clear Eyes. Full Hearts. Can’t Lose.

Traduit approximativement dans la version française par : « Lucides. Vaillants. Nous vaincrons. »

Cette image me revient sans cesse lorsque je regarde le Canadien depuis la reprise.

L’équipe a connu une saison misérable. Son attaquant le plus talentueux, Jonathan Drouin, s’est blessé et a raté trois mois. Son meilleur espoir, Jesperi Kotkaniemi, a perdu confiance en ses moyens et s’est retrouvé à Laval. Pendant 24 heures, la carrière du capitaine Shea Weber – blessé au pied – a semblé terminée. Le club est entré dans le tournoi éliminatoire on-ne-sait-trop-pourquoi-ni-comment. Il s’est exilé dans une ville bulle. Il est privé de son entraîneur-chef, victime d’un malaise cardiaque.

Malgré tous ces obstacles, le Canadien résiste. Brillamment, en plus. Il dispute son meilleur hockey depuis des années.

Prenez le match de vendredi. Sans Claude Julien derrière le banc. Avant la partie, son remplaçant par intérim, Kirk Muller, a promis « de l’émotion et de la passion ». Le message s’est rendu aux joueurs. Ils sont sortis du vestiaire, gonflés à bloc. Comme les footballeurs de Friday Night Lights. « On voulait gagner pour [Claude et Kirk]. Il y avait de l’énergie sur le banc avant le match, c’était incroyable », a raconté Jonathan Drouin.

Dès qu’ils ont mis les patins sur la glace, Phillip Danault, Paul Byron et Artturi Lehkonen ont donné le ton. On aurait dit des lions privés de gibier depuis trop longtemps. Brendan Gallagher, Nick Suzuki et Tomas Tatar les ont remplacés. Tout aussi affamés. Après à peine une minute de jeu, après une lutte inspirée de Brendan Gallagher, 5 pi 11 po, contre Philippe Myers, 6 pi 5 po, Tomas Tatar ouvrait la marque.

Le Slovaque en a ajouté un autre. Kotkaniemi – transformé dans ce tournoi – en a lui aussi marqué deux. Carey Price, spectaculaire, jouait avec la même énergie que Serge Thériault en yogi bourré de caféine dans Ding et Dong, le film. Et lorsque le gardien du Canadien s’est retrouvé dans une mauvaise position, Shea Weber – en bon coéquipier – a pris sa place dans le demi-cercle et réalisé un arrêt.

Clear Eyes. Full Hearts. Can’t Lose.

PHOTO FRANK GUNN, LA PRESSE CANADIENNE

Jesperi Kotkaniemi (15) a inscrit deux buts dans la victoire du Canadien, vendredi après-midi, dont un aux dépens de Carter Hart.

Vendredi, les joueurs du Canadien avaient le regard vif. Le cœur vaillant. Ils étaient invincibles. Même contre la meilleure équipe de la LNH depuis novembre.

S’ils parviennent à conserver ce niveau d’énergie et cet état d’esprit, ils ont des chances de poursuivre leur saison jusqu’en septembre.

Un aperçu de votre hiver

Restons dans le hockey.

Les équipes québécoises de la LHJMQ souhaitaient pouvoir accueillir plus de 250 spectateurs par match. Ça n’a pas fonctionné. Elles ont donc accepté de disputer leurs matchs à huis clos. En contrepartie, une aide financière du gouvernement est en chemin.

C’est plate. Surtout pour les partisans. Les familles d’accueil. Les proches. Mais dans les circonstances, c’était le meilleur compromis. Tant pour la ligue que pour le gouvernement. La LHJMQ assure la survie de ses équipes pour la prochaine année. Le gouvernement diminue les risques de propagation du virus dans la population. Gagnant-gagnant.

Les camps commenceront donc le 30 août et la saison, le 1er octobre.

À la suite de cette annonce, plusieurs administrateurs impliqués dans le hockey mineur m’ont dit croire que la LHJMQ servirait de laboratoire pour le déconfinement du sport au Québec.

Si tout se passe bien, pensent-ils, le gouvernement autorisera la présentation de matchs à l’échelle provinciale, avec des formations complètes, à tous les niveaux. En ce moment, sauf dans le junior majeur, les groupes sont limités à 10 joueurs et un gardien chez les 16 ans et moins, et à 8 joueurs et un gardien chez les plus de 17 ans. Les mises en échec sont interdites.

À l’inverse, s’il y a des éclosions, ça retardera la reprise, craignent mes sources.

Le privilège obtenu par les joueurs de la LHJMQ viendra donc avec une grosse pression. Surtout pour des jeunes de 16 à 20 ans. C’est le bon moment de leur rappeler ce sage conseil d’un grand philosophe américain qui arrête des méchants dans un costume d’araignée.

« Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. »