(Toronto) Lundi midi, Mike Sullivan répondait à une question sur la qualité de la glace au Scotiabank Arena.

« Si on voit que la glace est moins belle en deuxième moitié de période, on demande aux gars de simplifier le jeu, de tirer davantage au lieu d’essayer une passe de plus », expliquait l’entraîneur-chef des Penguins de Pittsburgh.

La remarque fait bondir François Martindale au bout du fil. Ce Québécois, ancien responsable de la glace au Centre Bell, est aujourd’hui directeur de la qualité de la glace chez les Kings de Los Angeles.

« Souvent, la glace n’est pas belle, mais comme l’équipe gagne, l’entraîneur va dire que la glace était belle. D’autres fois, c’est l’inverse, ils vont s’en plaindre après une défaite. Nous, on ne va jamais dire à un coach comment utiliser ses joueurs et qui faire jouer avec le troisième trio. Chacun doit s’occuper de ses affaires ! »

La qualité de la glace est souvent revenue dans les discussions depuis le début des activités dans la LNH à Toronto et à Edmonton. Des joueurs ont mentionné ici et là qu’elle était parfois cahoteuse, mais il semble que les surfaces des deux arénas tiennent le coup malgré la forte demande.

Martindale observe tout ça à distance, depuis son domicile de la banlieue de Los Angeles, mais il a ses points de repère.

PHOTO FOURNIE PAR FRANÇOIS MARTINDALE

François Martindale, ancien responsable de la glace au Centre Bell, est aujourd’hui directeur de la qualité de la glace chez les Kings de Los Angeles.

J’ai vu de belles qualités de glace. J’ai regardé des matchs qui étaient les deuxième et troisième de la journée. Je lève mon chapeau aux gens de la LNH, Dan Craig à Edmonton et Derek King à Toronto. Ils connaissaient leur affaire et s’adaptent à la situation.

François Martindale

« Je ne suis pas sur place, mais je n’ai pas vu tant de neige que ça. Je vois de la neige en quantité correcte. Je ne vois pas la rondelle sautiller comme dans les premiers matchs. Je vois de longues passes et ça glisse. Mais on ne sait jamais. Un soir, un compresseur va sauter et ça va dérégler la qualité de la glace. Tout ça est très mécanique. Ce n’est pas différent que de partir en auto sur la 20 et ta transmission saute ! »

Martindale a évoqué des rondelles sautillantes dans les premiers matchs et effectivement, les premières rencontres préparatoires n’offraient pas de grands spectacles. Les duels Flyers-Penguins et Canadien-Maple Leafs, le 28 juillet dernier, étaient décousus. La rouille des joueurs l’expliquait en grande partie, mais la patinoire n’était pas dans sa condition optimale.

« Quand tu as une glace neuve, t’as un green ice effect. C’est comme des souliers neufs. T’as mal aux pieds au début. Une fois que tu les as mis trois ou quatre fois, ils sont cassés et t’es plus confortable. Au début, les deux ou trois premiers matchs, je voyais la rondelle sautiller. Mais ensuite, c’était mieux. »

L’avantage du huis clos

Jadis fonctionnaire en entretien de bâtiments au gouvernement du Québec, François Martindale a travaillé pendant 25 ans pour le Canadien. L’équipe lui a fait signe en 1994, quand est venu le temps de préparer la transition du Forum au Centre Molson. De fil en aiguille, il est devenu responsable de la patinoire.

À ses yeux, aucun doute : un tournoi comme celui qui se joue en ce moment, à trois matchs par jour dans chaque aréna, serait impensable devant public. Pas en plein été, avec un climat humide comme ce qu’on a à Montréal et à Toronto.

« Mais comme personne ne rentre, on n’a pas de portes qui ouvrent et qui ferment. Ton humidité est toujours la même et tu as très peu de variations, explique-t-il. Le public qui rentre, c’est une chose. Une fois rentrés, les gens prennent de la bière, sautent, crient, ça dégage de la chaleur. Ça fait des charges de chaleur sur le dessus de ta glace et ça augmente ta température de surface. »

Le fait que les matchs soient à huis clos est donc crucial, croit Martindale.

« Nous, au STAPLES Center, quand on commence un match, je suis à 33-34º Fahrenheit de point de rosée, à 45 % d’humidité relative et à 57º Fahrenheit de température de l’air. Quand le public rentre, la température peut monter à 62, 65, et l’humidité relative peut grimper de 5-10 points. Et en plus, on a un climat sec ! Mais Toronto, c’est humide et c’est en plein mois d’août. Ça serait terrible de jouer devant public. On ne pourrait pas faire de séries comme ça, à trois matchs par jour. »

Le huis clos était une condition sine qua non au succès de l’opération pour de simples raisons sanitaires. Mais la LNH fait visiblement d’une pierre deux coups avec cette mesure !

Un mandat élargi

C’est un refrain qu’on a souvent entendu ces derniers mois avec des employés de longue date du Canadien : le passage de François Martindale dans l’organisation s’est terminé dans l’amertume, après 25 ans de services. En juillet 2019, on apprenait d’ailleurs qu’il poursuivait l’Aréna des Canadiens pour congédiement déguisé. Depuis, il s’est toutefois trouvé un emploi chez les Kings, où son mandat dépasse l’entretien du STAPLES Center et du centre d’entraînement de l’équipe. Il voit aussi à améliorer l’entretien de patinoires de la région qui servent au hockey mineur et qui appartiennent aux Kings. « Peu de gens ont une grande connaissance en termes de qualité de glace par ici. Ce sont des chauffeurs de Zamboni de fin de semaine. Je dois donc travailler avec ces gars-là et transmettre des connaissances. Comment conduire, quand mettre de l’eau, quand ne pas en mettre, mesurer les températures de surface, les points de rosée. Il y a beaucoup d’éducation à faire. »