Si la COVID-19 ne bouscule pas les plans de la LNH durant les camps d’entraînement qui commencent lundi – un bien gros « si », convenons-en –, le hockey sera de retour le 1er août.

Ce sera évidemment du hockey différent, devant des gradins déserts, avec tous les matchs disputés dans deux villes canadiennes. Mais ce sera tout de même du hockey, une nouvelle réconfortante durant cette période difficile.

Le Canadien a-t-il une chance réaliste de réussir un gros coup et d’atteindre la finale de la Coupe Stanley ? En temps normal, la réponse à cette question serait un non catégorique. Mais voilà : la situation actuelle est tout sauf normale. D’où la possibilité réelle que de nombreuses surprises surviennent durant le tournoi de qualification et les séries éliminatoires.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Cette année, un élément dominera tous les autres dans le tournoi éliminatoire de la LNH : le goût de jouer, de se dépasser, de foncer dans les coins et d’encaisser des coups dans un environnement complexe et inquiétant.

À l’approche d’une série entre deux équipes, la tradition est d’analyser de manière classique leurs chances respectives de victoire : qualité du gardien de but, rigueur du jeu défensif, puissance de l’attaque, rendement des unités spéciales, habiletés des entraîneurs-chefs…

Cela demeure valide. Mais cette année, un autre élément domine tous les autres : le goût de jouer, de se dépasser, de foncer dans les coins et d’encaisser des coups dans cet environnement complexe et inquiétant.

Les joueurs ont toujours hâte aux séries éliminatoires. Ils savent que la frénésie sera au rendez-vous : supporteurs enthousiastes, couverture médiatique intense, déclarations-chocs d’entraîneurs après un match endiablé…

Sans oublier ces villes qui vibrent au rythme des réussites de leur club, des cérémonies d’avant-match qui en mettent plein la vue et augmentent l’effervescence. Il suffit de se souvenir de l’époque où le Canadien participait régulièrement aux séries pour le comprendre (mémo aux plus jeunes fans du club : oui, cela est déjà arrivé).

Mais cette année, rien de tout cela. Les joueurs vivront en vase clos, sans retour possible à la maison avant la fin du parcours de leur équipe. Ils ne seront pas branchés sur l’ambiance dans « leur » ville, qui, de toute façon, ne vibrera pas de la même façon à leurs succès ou leurs échecs.

Ces joueurs qui carburent aux cris du public joueront devant des sièges vides. Pas de rassemblements autour des amphithéâtres avant les matchs, pas de Ginette Reno pour chanter l’hymne national à Montréal, pas de jeux de lumière à Las Vegas, pas de hurlements à Chicago, pas de marée humaine portant le blanc à Winnipeg… Tout cela fait pourtant partie de l’expérience des éliminatoires, tout cela contribue à créer l’évènement, à hausser la tension et à provoquer des poussées d’adrénaline.

L’absence de ces facteurs dynamiques, comme les craintes légitimes qu’entretiendront sûrement de nombreux joueurs à propos d’une possible éclosion de COVID-19 dans la bulle, suscite cette question : toutes les équipes auront-elles la volonté de patiner à fond la caisse, de consentir aux sacrifices nécessaires à la victoire comme en temps normal ?

Dans certains clubs, il suffira sans doute qu’un ou deux joueurs exerçant une certaine influence sur leurs coéquipiers n’affichent pas leur enthousiasme habituel pour alourdir l’ambiance. Je doute que tous les membres des 24 équipes soient gonflés à bloc à l’ouverture du tournoi. Certains, c’est inévitable, se présenteront à reculons.

Voilà pourquoi des surprises énormes sont possibles. Parce que le facteur humain n’aura jamais été aussi important. Dans le sport d’élite, la qualité de la préparation est indissociable du succès. Or, bien se préparer sera un défi colossal. La responsabilité première en incombe aux joueurs, des professionnels bien payés pour exercer leur métier. Mais qu’on le veuille ou non, cette préparation est aussi liée à des facteurs externes.

Dans un contexte habituel, ces facteurs optimisent la préparation à l’approche des séries. Tous rêvent d’avoir une influence positive sur le résultat des matchs, tous rêvent d’être des héros à leur façon, tous sentent l’énergie de leur entourage. Mais voilà que cette année, pour la première fois, des facteurs externes inquiétants, liés à la COVID-19, font partie de l’équation. C’est une situation nouvelle, qui fait voler en éclats les paramètres habituels.

Quels joueurs, et quelles équipes, s’en accommoderont le mieux ? Ce ne sera pas nécessairement les meilleurs. Voilà pourquoi les traditionnelles analyses des forces en présence pèsent moins lourd qu’à l’habitude.

Bien sûr, les joueurs salueront publiquement ce retour au boulot avec enthousiasme. Ce ne serait pas très malin d’affirmer le contraire après avoir voté en faveur d’une nouvelle convention collective. Hélas, il sera difficile d’obtenir une lecture juste de la situation.

Pourquoi ? Parce que les journalistes suivant les équipes sur une base quotidienne, qui ont développé des liens privilégiés avec certains joueurs et qui savent interpréter les signaux en s’attardant dans le vestiaire après les entraînements, ne pourront accomplir leur travail comme à l’habitude.

Une chose est sûre : on ne saisira pas la véritable ambiance au sein d’une équipe durant une conférence de presse sur Zoom. Ce sera le festival des clichés. En revanche, l’intensité de chaque équipe sur la glace nous fournira des indications plus claires.

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Et le Canadien ? Oui, il peut obtenir du succès si le moral est au rendez-vous, si tous les joueurs embarquent à fond et s’amusent, s’ils oublient les contraintes, notamment l’éloignement de leur famille.

En revanche, le CH tombe sur un adversaire coriace. Les Penguins alignent un leader exceptionnel en Sidney Crosby et je ne l’imagine pas ralentir durant ce tournoi. Ce gars-là vise une quatrième conquête de la Coupe Stanley et ses coéquipiers le soutiendront. En ce sens, le CH tombe sur un très solide rival.

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Alexis Lafrenière, lors d’un évènement promotionnel entourant le repêchage de la LNH, en février dernier

La bonne nouvelle pour les partisans, c’est que même si le CH perd contre les Penguins, il gagne ! Une défaite lui permettra de participer à la loterie Alexis Lafrenière. Or, obtenir 1 chance sur 8 de mettre le grappin sur ce joueur exceptionnel est une perspective fabuleuse.

Lafrenière, on le sait tous, a le potentiel de transformer un club très ordinaire en aspirant sérieux à la Coupe Stanley. Oui, 1 chance sur 8, c’est une excellente cote, meilleure que celle de participer à la finale de la Coupe Stanley.

L’arrivée de Lafrenière « réinitialiserait » vraiment le CH. Comme surprise, celle-là serait la plus grande de toutes.