Tout indique que le Québécois Alexis Lafrenière sera le premier joueur réclamé à la séance de repêchage 2020 de la Ligue nationale de hockey. Personne ne sait toutefois si Lafrenière et ses proches pourront savourer comme il se doit un moment qui ne passe qu’une seule fois dans la vie d’un hockeyeur.

Comme le souligne l’agent négociateur Paul Corbeil, fondateur et directeur de Paraphe Sports Management, le repêchage n’est pas une finalité en soi pour tout hockeyeur qui tient à faire carrière dans la LNH. Néanmoins, l’évènement conserve un attrait indéniable et inoubliable pour les heureux élus et leurs proches.

« De tout ce que les joueurs aiment au repêchage, c’est ce moment-là, lorsque tu entends ton nom et que tu descends sur la patinoire. Tu auras beau être choisi en septième ronde, quand tu mets le chandail et la casquette et que tu donnes la main aux gens autour de la table de l’équipe qui t’a repêché, c’est un moment extraordinaire au niveau des émotions, mentionne Corbeil.

« Et de voir les parents regarder leur fils serrer la main des directeurs généraux, des personnalités, des entraîneurs — des gens que ces parents ont suivis et qui sont souvent des anciens joueurs ou des personnes qui évoluent depuis longtemps dans le domaine des organisations professionnelles — c’est sûr que c’est magique. Même si tu es nommé en septième ronde, tu es un privilégié », ajoute-t-il.

Ce moment magique, Lafrenière aurait pu le vivre le soir du 26 juin, à quelques kilomètres de son patelin, lors de la première des deux journées du repêchage de la LNH au Centre Bell. La pandémie de la COVID-19 a cependant obligé la ligue, le 25 mars dernier, à reporter l’évènement à une date ultérieure.

Repêchage « virtuel » ?

Assis dans l’un des sièges rouges du Centre Bell auprès de ses parents, de membres de sa famille et d’amis parmi les plus intimes, l’attaquant originaire de Saint-Eustache serait fort possiblement devenu le premier Québécois depuis le gardien Marc-André Fleury, en 2003, à être réclamé au premier rang.

Cet objectif demeure certes réaliste et même très probable. Sauf que rien ne dit que Lafrenière, meilleur espoir nord-américain depuis le début de la saison selon la Centrale de recrutement de la LNH, aura la chance d’enfiler le chandail de sa future équipe dans une enceinte remplie à craquer et devant les caméras des réseaux de télévision.

Qui sait s’il pourra même recevoir une chaleureuse poignée de main du directeur général et de l’entraîneur-chef, au moment où le confinement et la distanciation sociale demeurent les mots d’ordre.

Ainsi, dans le contexte qui prévaut partout dans le monde, il est plausible d’envisager une séance de repêchage « virtuelle », tenue à distance. C’est d’ailleurs ce que fera la NFL la semaine prochaine, alors que le commissaire Roger Goodell et les dirigeants d’équipes travailleront tous de leur domicile.

Un autre scénario possible serait une reprise de 2005, lorsque le repêchage, à la suite du lock-out, avait eu lieu dans un hôtel à Ottawa, avec un minimum d’espoirs présents pour des raisons de logistique.

Cette année-là, étrangement, un autre prodige de l’Océanic de Rimouski, Sidney Crosby, avait été choisi au tout premier rang, par les Penguins de Pittsburgh.

« Personnellement, l’endroit (du repêchage) m’importe peu, déclare Jean-Philippe Glaude, recruteur pour les Predators de Nashville au Québec, dans les Maritimes et dans le nord-est des États-Unis.

« Le seul aspect qui pourrait me peiner, c’est pour les joueurs qui savent qui vont être repêchés, mais pas à quel rang. Finalement, peut-être vivront-ils le repêchage dans leur salon. Pour ces jeunes, ça m’attriste parce que c’est un moment pour la famille, un moment d’aboutissement. Ça me rend un peu malheureux pour eux. »

Moment de réjouissance

Recruteur dans la LNH depuis plus de 30 ans, Gilles Côté peut témoigner que le repêchage représente un grand moment de réjouissance pour la famille de tout hockeyeur réclamé par une équipe de la LNH.

« Je dirais que c’est peut-être plus excitant encore pour la famille, qui a fait des sacrifices pendant X nombre d’années, qui s’est levée tôt le matin pour aller au hockey mineur. Il y a aussi les sacrifices monétaires », mentionne Côté, qui est à l’emploi des Sharks de San Jose depuis 1997.

« Pour la famille, ajoute-t-il, le repêchage prend une certaine forme de reconnaissance. Le joueur est plus excité parce qu’il connaît ses patrons, il sait où il va aller. »

Trois semaines après l’annonce de la décision, rien ne transpire des bureaux de la LNH en ce qui a trait à la date du repêchage de 2020, au lieu ni à son format.

Une chose est sûre : si la séance de sélection doit avoir lieu ailleurs qu’au Québec, ce sera une rare occasion ratée pour les hockeyeurs de la Belle Province et les membres de leur famille.

Entre 1980 et 1993, la séance de sélection de la LNH a été présentée à neuf reprises au Québec, dont huit fois au Forum de Montréal. En 1993, le Colisée de Québec en avait été le théâtre. Mais depuis, elle n’a eu lieu à Montréal qu’une seule fois, en 2009.

« Pour les Québécois, le repêchage allait se tenir chez eux cette année. Pour tout le monde, ç’aurait été plus facile d’aller au Centre Bell, note Corbeil.

« C’est sûr que des familles vont faire de grands sacrifices pour faire venir les grands-parents si le repêchage a lieu à Dallas, par exemple. Mais parce que c’est à Montréal, ça amène des membres de la famille et des amis qui, en temps normal, n’auraient pas assisté au repêchage. À ce compte, ce serait doublement décevant pour le Québec. »