Il y a toujours deux côtés à une médaille, on le verra plus tard, mais il est de bon ton de commencer avec les éloges.

Rapide coup d'oeil à la liste des meilleurs compteurs du Canadien de Montréal. Les voici, dans l'ordre: 

• Max Domi - 70 points

• Tomas Tatar - 57 points

• Jonathan Drouin - 52 points

• Brendan Gallagher - 52 points

• Phillip Danault - 51 points

• Jeff Petry - 45 points

• Andrew Shaw - 44 points

Max Domi est devenu samedi le premier joueur du Canadien depuis Tomas Plekanec en 2010 à obtenir 70 points dans une saison. Il faut remonter à 2008, l'année de grâce d'Alex Kovalev à Montréal, pour retrouver cinq joueurs avec 50 points au sein de l'équipe.

Surtout, et c'est à la fois la bonne et la mauvaise nouvelle, tous ces joueurs connaissent ce qu'on peut qualifier de «plus belle saison» de leur carrière, ou presque.

Domi n'avait jamais dépassé les 52 points et Tatar, les 56 points. Danault n'avait jamais fait mieux que 40 points, Petry que 42 points et Shaw que 39 points. Drouin a déjà inscrit 53 points, mais la saison n'est pas terminée. Gallagher s'était pour sa part révélé la saison dernière avec 54 points, mais son total de 33 buts est un sommet personnel.

Et Tatar, Danault et Gallagher l'ont fait malgré leurs responsabilités défensives accrues.

Les joueurs suivants au classement des pointeurs ont des circonstances atténuantes. Jesperi Kotkaniemi (34 points) en est à sa première saison et les rigueurs du calendrier l'ont ralenti. Shea Weber (32 points) et Paul Byron (30 points) ont été blessés. Même des joueurs de profondeur comme Jordie Benn, Victor Mete et Brett Kulak n'ont jamais autant offert offensivement.

Avec 238 buts, le Canadien connaît sa meilleure saison offensive en 10 ans. Et c'est dans un contexte où l'avantage numérique manque de vitamines. À égalité numérique, le Canadien est parmi les meilleurs de la LNH. En fait, il n'a pas aussi bien fait depuis... 1994, à l'époque où les Vincent Damphousse, Brian Bellows, Kirk Muller et Mathieu Schneider n'étaient pas de vilains joueurs. Voici qui devrait déboulonner un peu le mythe de Claude Julien, entraîneur strictement défensif.

Le bon, et le mauvais du bon

Les raisons sont nombreuses. Il y a d'abord Claude Julien qui a su trouver des combinaisons intéressantes et qui a brassé ses cartes quand la situation le commandait. La récente utilisation de Jesperi Kotkaniemi, ou celle plus tôt en saison de David Schlemko, a attiré la critique. Mais force est d'admettre qu'il a eu raison plus souvent qu'il a eu tort. Il suffit de voir la performance de Jordan Weal, ou même de Jonathan Drouin, samedi, pour comprendre les bienfaits de son style de gestion. L'équipe crée de l'attaque, beaucoup plus que la plupart ne l'avaient prévu.

C'est aussi grâce à Marc Bergevin, qui a multiplié les coups audacieux, mais payants cette saison. On pense évidemment à Domi et Tatar, obtenus dans des transactions majeures, ou à Weal, obtenu pour presque rien à la date limite. Ou même Kotkaniemi et Mete, repêchés puis jetés tout de suite dans la mêlée.

Il y a les joueurs aussi à qui on peut donner beaucoup du mérite. Paul Byron disait tôt en saison, à un moment où on se rendait compte peu à peu que l'équipe pourrait vraiment lutter pour les séries, que tout le monde jouait pour prouver quelque chose. La saison 2017-2018 avait laissé des traces, personne ne voulait la revivre. Danault lançait de son côté que l'ambiance était «100 fois mieux» dans le vestiaire. On pensait qu'il exagérait sur le coup, peut-être avait-il plutôt visé dans le mille. Carey Price, lui, a effacé la montagne de doutes provoqués par son contrat pharaonique.

Tout ça pour dire qu'il s'est passé quelque chose d'inattendu avec le Canadien cette saison. Les séries sont encore à portée de main avec trois matchs au calendrier, à un moment où tout le monde croyait que les joueurs en seraient à planifier leurs vacances.

C'est le beau de la saison, c'est aussi le moins beau. Si Claude Julien obtient de ses joueurs la «meilleure saison de leur carrière» et que le Canadien est quand même à la limite de l'exclusion des séries, qu'est-ce que ça veut dire pour l'avenir?

Qu'est-ce qui se passera si Domi redevient un joueur de 50 points? Si Tatar ralentit? Si Drouin joue sur les freins? Si Gallagher ne marque plus ses 30 buts? Si Shaw ne peut plus continuer à ce rythme? Beaucoup de «si», mais qui accompagneront forcément une équipe qui a dépassé les attentes. Grosso modo, a-t-elle ce qu'il faut pour le faire encore?

Ce sera la grande question de la saison prochaine. En attendant, le Canadien a encore trois matchs, des costauds en plus, pour réaliser ce que presque personne n'attendait.

Prochain match: Lightning de Tampa Bay c. Canadien, demain soir (19h30) au Centre Bell